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Amelia Everbrook
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de toujours
Défi
Préambule
Tout a commencé avec des signes épars, presque insignifiants, mais qui mis bout à bout tissent une toile digne des plus grandes intrigues cybernétiques. L’Atelier des Auteurs, plateforme jusque-là paisible et dédiée à la création littéraire, semble être la cible d’une menace insidieuse. Et si nous nous trouvions face à une attaque sophistiquée ? Enquête. Étape 1 : Les premiers signes d’alerte
Mon attention a été attirée par des comportements anormaux sur le site : Augmentation soudaine de l’activité : En moins de 24 heures, une cinquantaine de nouveaux comptes ont été créés. Jusque-là, rien d’alarmant… sauf que les pseudonymes étaient étrangement similaires. À titre d’exemple :
Loutre_239 CanardRavi57 HibouCryptique94 Leur activité ? Poster des commentaires à moitié incompréhensibles, parfois en plusieurs langues. Exemple :
"The sky whispers, but the code sings. La mer s'étend, yet the horizon blinks." Ralentissements et anomalies techniques : Le site, habituellement fluide, subissait des ralentissements inexpliqués. Certains utilisateurs étaient déconnectés de manière aléatoire, tandis que d’autres voyaient leurs pages se charger indéfiniment. Étape 2 : Plongée dans les logs
Avec l’aide d’outils de monitoring, j’ai analysé les journaux d’activité. Les résultats sont… troublants : Connexions suspectes : Une majorité des nouvelles connexions provenaient d’IP localisées dans des régions peu habituées à interagir avec le site :
Pyongyang, Corée du Nord Tbilissi, Géorgie Lagos, Nigeria Répétitions : Plusieurs adresses IP émettaient des requêtes à une cadence effrayante, cherchant visiblement à exploiter une faille. Exemple d’URL souvent appelées :
/login /reset-password /admin Étape 3 : Une mise à jour douteuse
Le 15 janvier, une mise à jour du site a été déployée : System Security Patch v1.2. Sur le papier, elle était censée renforcer les mesures de sécurité. Or, depuis ce jour, les problèmes n’ont fait qu’empirer : Les lenteurs se sont intensifiées. Certains utilisateurs ont signalé la disparition de leurs manuscrits. Les administrateurs eux-mêmes ont perdu l’accès à certains modules d’administration.
Je me suis penchée sur les détails techniques de cette mise à jour… et un élément sautait aux yeux : le fichier exécuté contenait une section chiffrée inhabituelle. Un expert en décryptage m’a confirmé que cela pourrait être un cheval de Troie. Étape 4 : Les théories
Scénario 1 : Un test grandeur nature
Et si l’Atelier des Auteurs était utilisé comme terrain d’expérimentation par des hackers ? Les comportements observés pourraient correspondre à un test pour valider l’efficacité d’un virus.
Scénario 2 : Le vol de données
Avec des manuscrits en cours de création, le site représente une mine d’or pour les pirates cherchant à revendre ces œuvres sur le dark web.
Scénario 3 : Une vengeance interne
Un ancien utilisateur mécontent aurait pu recruter une équipe de hackers pour semer le chaos. Cette hypothèse semble renforcée par le timing : les problèmes sont survenus peu après un conflit épineux sur les droits d’auteur liés à un concours littéraire. Conclusion provisoire
L’Atelier des Auteurs semble effectivement sous le coup d’une attaque sophistiquée. Pour aller plus loin, il faudrait : Isoler le site : Passer en mode maintenance pour limiter les dégâts. Faire auditer le code par une entreprise spécialisée. Communiquer avec les utilisateurs pour les rassurer et les prévenir.
Je reste à l’affût des moindres indices… L’enquête ne fait que commencer. ✨
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Défi
Monsieur Watelet,
C’est avec une plume mêlée de gratitude et de tristesse que je vous écris aujourd’hui. Gratitude pour cet espace unique qu’est ADA, un véritable sanctuaire d’expression et de partage littéraire. Tristesse, car ce lieu que nous, auteurs et lecteurs, chérissons tant, semble laissé à l’abandon.
ADA n’est pas qu’un site. C’est un foyer, une étincelle créative où des plumes timides ont osé s’exprimer, où des voix singulières ont trouvé un écho. Pour beaucoup, y déposer nos textes, c’était comme confier une partie de notre âme à une famille bienveillante. Les retours, les échanges, les découvertes d’autres univers… ADA a créé des liens que peu d’espaces numériques permettent aujourd’hui.
Mais voilà que ce trésor s’efface peu à peu, délaissé dans un coin du grand océan numérique. Ce constat nous brise le cœur. Nous croyons fermement que ce site mérite une seconde vie, une renaissance pour continuer à inspirer et rassembler.
Monsieur Watelet, je vous implore de considérer ce message comme une main tendue. Nous sommes nombreux à rêver de voir ADA briller à nouveau. Laissez-nous croire qu’une lumière peut encore s’allumer pour préserver cette belle communauté.
Avec tout le respect et l’espoir d’un auteur attaché,
Amelia Everbrook
Une utilisatrice reconnaissante de ADA
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Défi
Tu roules peinard sur une route déserte, le vent dans les cheveux, la playlist au max, et bam ! Un bruit sourd, la voiture qui penche, la roue qui crie son dernier souffle. Crevaison. Génial. Tu sors, t’observes le désastre : un pneu aussi plat que ton envie de faire du sport. Pas un chat à l’horizon, juste un silence pesant et une chaleur qui te fait regretter de pas être resté chez toi. Bon, pas de panique, tu vas gérer. Sauf que… le cric est dans le coffre. Sous un bordel indescriptible. Trois vestes, un parapluie cassé, un sac de courses oublié, et – oh, surprise – une chaussette orpheline. Quand enfin tu l’attrapes, c’est pour réaliser que t’as jamais changé un pneu de ta vie. YouTube devient ton meilleur pote. Tutoriel après tutoriel, tu galères, tu transpires, tu insultes la mécanique tout entière. Et là, au moment où tu penses avoir réussi… un bruit de moteur au loin. Un type s’arrête, te regarde lutter avec ta roue, et lâche un : « Besoin d’aide ? » Tu hésites. Fierté ou survie ? Une seconde de réflexion et… « Ouais, grave. » Moralité : toujours vérifier ses pneus. Ou accepter qu’un inconnu sauve ta dignité.
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Il était une fois, dans un royaume dont l’histoire n’a pas retenu le nom, un prince, qui ayant atteint l’âge de la majorité, cherchait une épouse.
Au début, le prince ne s’inquiétait pas ; il était riche, puissant, et prince d’un royaume ; qui n’aurait pas voulu de lui ? Il s’attendait à trouver une foule de jeunes femmes devant chez lui ; il n’y eût personne.
Il questionna alors sa mère :
- Pourquoi personne ne souhaite-t-il m’épouser ?
Sa mère était bien gênée, mais devant l’insistance de son fils, qu’elle chérissait, elle lui révéla :
- Mais… mon fils… Vous êtes laid !
Le prince, à partir de ce jour, si funeste pour lui, ne cessa de haïr les miroirs. Il se trouvait un défaut de plus chaque jour ; et son regard sur lui-même changea. Lui qui n’avait jamais accordé d’importance à sa bouche, son nez et ses yeux, ne voyait désormais plus qu’eux.
Il était effondré, et se terrait dans ses appartements, passant ses journées seul, à ruminer des pensées noires.
Un jour, n’y tenant plus et ayant perdu toute confiance en lui, il fit appeler la sorcière Clothilde. C’était une femme mystérieuse, dont personne ne connaissait ni la véritable apparence, ni le véritable âge, mais qui était réputée dans tout le royaume.
Il attendit cinq jour et cinq nuits avant de la voir enfin arriver dans son palais. Elle avait, pour l’occasion, revêtu l’apparence d’une magnifique et riche jeune femme.
Le prince, quant à lui, cachait sa laideur sous une capuche informe qui était pourtant bien plus ridicule que son visage.
Les deux jeunes gens s’isolèrent dans les appartements du futur monarque et le prince ôta sa capuche. Il s’attendait à des moqueries, mais il n’en fut rien : la sorcière se montra même très empathique et comprit tout de suite le mal-être du jeune homme.
Ils discutèrent pendant des heures, de tout, de rien et de bien d’autres choses comme l’équitation, l’histoire, l’art ou l’amour avant que la sorcière ne lui demande franchement :
- Oh, mon seigneur. Dites-moi donc enfin la raison qui vous a poussé à me faire venir de bien loin… Car, sans vous offenser, j’ai d’autres clients qui doivent se languir de moi !
Le prince raconta alors sa triste histoire, passant de cette épouse qu’il ne trouvait pas aux miroirs qu’il avait bannis du palais. Clothilde l’écouta patiemment et ne le coupa pas.
Quand il eut fini son récit, elle commença à réfléchir, avec l’aide du prince, à comment remédier à son problème.
Ensemble, ils consultèrent son grimoire, et ensemble, ils se mirent d’accord pour que le prince boive une potion summa mutatio : la potion miracle pour le prince, car elle lui confèrerait une apparence digne de celle d’un dieu.
Les deux jeunes gens, désormais liés par une forte amitié, parcoururent le monde en quête des ingrédients qui étaient tous plus rares les uns que les autres : crin de Smallbrouffe, dent de Picendre à écailles, rosée de Naphtalis… etc etc.
Pendant plus de deux années, ils bravèrent tout les dangers et découvrirent des territoires inexplorés ; puis, enfin, ils revinrent au royaume dont le prince était originaire.
Un soir de pleine lune, ils broyèrent, découpèrent et jetèrent les ingrédients durement récoltés dans une grande marmite d’or.
Ils laissèrent reposer le breuvage durant six jours et six nuits ; puis, enfin, le prince put boire la potion. Elle était amère, imbuvable, dégoutante : mais la perspective de perdre sa laideur aida le prince à boire la potion tout entière. Après avoir bu la dernière goutte, il fut pris de douleur intense, de picotements et de sensations de brûlures terribles : mais il faut souffrir pour être beau, c’est bien connu. Alors il supporta la douleur pendant une journée entière : et enfin, cela cessa.
Tout tremblant et plein d’inquiétude, le prince se dirigea vers le miroir qu’on lui avait apporté : et il osa, pour la première fois en trois ans, lever les yeux vers son reflet.
Et ce qu’il vit l’émerveilla : il voyait un jeune homme magnifique, resplendissant, avec des airs divins… et ce jeune homme, c’était lui.
Il remercia mille fois Clothilde, puis se précipita dans la salle du trône. Tous les courtisans présents virent son visage et son apparence nouvelle ; et la nouvelle se répandit comme une traînée de poudre. Une semaine lus tard, une foule de jeunes femmes se pressait devant la demeure du futur monarque. Le prince prit le temps de rencontrer chaque jeune fille, mais à chaque fois, un sentiment de mal-être formait une boule dans sa gorge, et il renvoyait les prétendantes.
Ce sentiment grandit encore et encore, alors le prince décida de se confier à la sorcière.
Comme la dernière fois, elle arriva au bout de cinq jours et cinq nuits, avec la même apparence. Encore une fois, il lui confia tout.
La sorcière sembla encore plus empathique que la première fois, et lorsqu’il eut terminé, annonça :
- Mon bon prince… Je sais ce qui te taraude. Tu te sens aimé pour ton physique seul ; et cela te dérange. Tu te dis qu’aucune de ces femmes ne t’aime pour ce que tu es : chacune t’aime pour ton apparence.
Le prince, surpris, acquiesça, puis demanda comment la sorcière avait pu aussi bien le comprendre. Alors, elle lui fit à son tour une confidence ; elle lui révéla qu’elle était aussi dans son cas. Et, dans un nuage de fumée et de poussières, elle quitta son apparence actuelle pour révéler celle qu’était vraiment, une femme laide et rejetée.
Aussitôt, le prince tomba à genoux devant elle, la suppliant de lui rendre son apparence d’origine. Elle le fit, avec une facilité étonnante, sans potion compliquée. Puis, le prince retomba à genoux. Cette fois ci, il lui dit, le plus sérieusement du monde :
- Clothilde. Tu te trouves laide, mais moi je te trouve magnifique, et j’ai appris à te connaître. Tu es la femme la plus qualifiée pour devenir reine, et tu iras de paire avec moi. Me feras tu l’honneur de m’épouser ?
Clothilde accepta, et avoua qu’elle nourrissait depuis bien plus longtemps des sentiments pour le prince. Ils se marièrent, eurent beaucoup d’enfants, et ensemble, ils affrontèrent tout les miroirs, sans plus jamais les craindre.
Moralité ? La seule beauté est celle que l’on trouve derrière chaque visage…
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La nuit est différente pour chacun ; pour les amoureux, c’est le moment romantique de leur journée, celui qui réchauffe leurs cœurs transis sous la lumière de la lune. Pour les amateurs d’horreur, c’est le moment le plus propice aux horribles crimes et à la naissance des pires monstres… Pour monsieur Moreau, c’est le moment de sa journée où il peut se laisser aller à ses rêveries. Lors de cette période, il s’échappe de son quotidien triste et lassant.
Monsieur Moreau est un homme d’une quarantaine d’année, qui perd un peu ses cheveux, d’1m 65, qui vit dans un deux pièces exigu à peine salubre, qui n’a ni femme ni enfants et qui travaille à l’usine de conserves depuis une vingtaine d’années. Il a des petits yeux gris sans aucune lumière, un petit nez relevé et une bouche fine et toute craquelée. Il n’a jamais vu le soleil des îles exotiques dont les photos tapissent sa chambre, il n’a jamais vécu ses rêves d’enfants, il n’a jamais connu le bonheur, le vrai. Il est un petit bout d’humain, tout rabougri et courbé par le poids écrasant de sa vie sans intérêt. Alors pour ne pas s’enfermer dans le malheur constant qu’est sa vie, il rêve éveillé pendant la nuit.
Mais sa particularité c’est qu’il ne rêve pas dans son lit, dans les livres ou dans son canapé mité ; il rêve sous le regard bienveillant de la lune du parc en bas de son HLM.
Une fois par semaine, à minuit passé, il sort dans le « Sighs Garden » et il marche sur le gravier du petit sentier, qui supporte le jour les pas des petits enfants, et la nuit les siens. Il passe devant la fontaine, le banc à la peinture écaillée, la statue de Marianne, les bosquets bien taillés et le toboggan abandonné. Arrivé à la balançoire, il s’assoit et se laisse porter doucement par le vent. Il lève la tête et regarde les étoiles. En cet endroit du parc, elles ne sont jamais cachées par les nuages, comme un soupçon d’espoir déposé dans la vie morne du pauvre homme. La nuit devient moins sombre et les joues de monsieur Moreau reprennent couleur. Il se balance et repense à sa vie. C’est comme un film, projeté de sa tête au ciel noir et profond. Il repense aux petits bonheurs insignifiants qu’il aimerait tant revivre, aux occasions manqués, au chemin qui l’a mené à une existence aussi dénuée de sens.
Alors il pleure, et les larmes roulent sur ses joues qui ont déjà supporté tant d’eau salée qu’elles s’en sont creusées. Mais monsieur Moreau n’est pas seul dans l’obscurité glaçante de la nuit qui l’enveloppe chaque nuit ; les astres le scrutent et s’agitent au-dessus de lui.
Les étoiles brillent plus fort, d’une manière si intense que ses larmes sèchent avant de quitter ses yeux. Elles réchauffent son âme, refroidie par la solitude et les nombreuses déceptions de sa vie.
Et monsieur Moreau entraine le ciel dans une danse nocturne : il fredonne à mi-voix les chansons qu’il aurait clamé sur scène s’il avait eu le courage de réaliser son rêve. Il fredonne, chante puis crie tout son malheur, son espoir perdu qu’il retrouve un peu chaque soir grâce aux étoiles et à la lune, à qui il raconte sa vie plate et inintéressante.
Il court sur le sentier et refait sa vie. Il remonte le temps, choisit un autre chemin, prend d’autres décisions et transforme son existence. Dans son esprit, elle est pleine de couleurs, d’émotions et de rebondissements : elle est la vie que cent personnes vivent et que mille espèrent, en vain.
Mais à lui, les astres semblent chuchoter que ses pleurs ne sont pas inutiles ; qu’un jour, ils se transformeront enfin en rires.
La lune devient son soleil, la nuit devient son jour, le moment de la journée où son âme est chatoyée de douceur et de chaleur.
Alors il ralentit sa course, stoppe sa chanson et le ciel reprend la couleur noire et terne qui reflète sa vie. Les étoiles ne bougent plus, elles brillent de manière plus terne, moins heureuse. Il s’allonge ensuite dans les fleurs, l’herbe, les feuilles mortes ou la neige et il les regarde, ses amis, les seuls qu’il peut se vanter de posséder. La nuit, la lune, les étoiles et les nuages noirs.
Ceux qui le consolent et le rassurent, lui redonnent espoir. Puis il se relève, fourre ses mains au fond de ses poches et rentre dans son HLM, comme chaque semaine, avant de reprendre le train-train monotone de la vie et du travail à l’usine. Ce moment semble toujours être la fin d’un songe merveilleux, l’épilogue d’une histoire incroyable.
Mais un soir glacé de janvier, monsieur Moreau n’est pas rentré. Il est resté allongé dans la neige, voulant continuer son rêve. La nuit l’a bercé encore et encore, maintenant la mince flamme de sa joie.
Au petit matin du 10 janvier 2024, on trouva le corps transi de froid de monsieur Moreau, replié comme un bébé dans les bras de sa mère, qui avait fermé les yeux pour la dernière fois dans la neige.
Les rares personnes qui réussirent à l’identifier furent des camarades de travail usiniers, qui furent d’ailleurs les seuls présents à ses funérailles austères. Ce jour-là, ils avaient failli ne pas reconnaitre monsieur Moreau, qui affichait un sourire béat, très différent de la mine triste qui leur était commune.
Monsieur Moreau avait confié son dernier souffle aux étoiles, à la nuit infinie et à la lune, qui l’avaient emmené vers une vie constituée d’heureux rêves interminables pleins de couleurs et de chaleur, comme il l’avait toujours souhaité…
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Défi
La vie, c’est un bordel organisé. Un truc absurde où tout le monde court après un truc sans trop savoir quoi. On naît sans demander, on meurt sans prévenir, et entre les deux, on essaie de comprendre. Parfois, on croit qu’on a trouvé la clé, un sens, un but. Mais au final, ce ne sont que des histoires qu’on se raconte pour tenir debout. C’est beau et cruel à la fois. Y’a des jours où le soleil brûle la peau et d’autres où même la lumière fait mal. Y’a les rires qui explosent, les silences qui tuent, les cœurs qui battent trop fort ou plus du tout. On s’attache, on se casse, on s’aime, on saigne. Et toujours, on avance. Parce que s’arrêter, c’est disparaître. La vie, c’est une claque et une caresse en même temps. C’est un frisson sur la peau, un regard qui brûle, une main qui serre trop fort ou pas assez. C’est des nuits où on rêve grand et des matins où tout s’effondre. C’est cette putain d’envie de tout envoyer valser et celle, plus forte encore, de continuer. On sait pas où on va, mais on y va quand même. Parce qu’au fond, c’est peut-être ça, le sens : avancer, même sans savoir pourquoi.
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Les bruits métalliques de Londonn semblaient presque être des murmures dans la nuit. Les rouages, les pistons et les machines de vapeur régnaient sur la ville, transformant chaque ruelle en un écho de fer et de cuivre. Les immeubles étaient des monolithes d’acier et de brique, une fusion de l’ancien et du nouveau. Dans l’air, une fine brume de vapeur se mêlait à la poussière, formant des nuages d’un gris presque surnaturel. À chaque coin de rue, des engrenages géants tournaient sans fin, alimentés par la chaleur des chaudières souterraines qui alimentaient la machine impériale.
Elara Ravenshaw avançait à travers les ruelles sombres, les mains dans les poches de son manteau de cuir. Elle avait l’habitude de ces chemins déserts, où la lumière des lanternes à gaz ne faisait qu’effleurer les pavés humides. La ville, même en pleine nuit, n’était jamais vraiment silencieuse. Les bruits de la machinerie se mêlaient aux murmures du peuple, aux cris des travailleurs, aux pleurs des opprimés. Tout le monde avait son rôle à jouer dans ce monde mécanique.
Elara, elle, avait un rôle bien particulier. Ingénieure de la cour impériale, elle était l’une des rares à jouir du privilège d’un certain confort, mais elle n’était pas comme les autres. Chaque mouvement de sa main, chaque machine qu’elle touchait, semblait faire écho à un monde qu’elle ne voulait plus servir. La Reine, avec sa main de fer, utilisait les inventions d’Elara pour mieux contrôler le peuple. Et cela, Elara ne pouvait plus le supporter. Mais elle ne pouvait pas encore tout changer. Pas seule.
La ruelle où elle marchait la menait vers un vieux bâtiment, un entrepôt désaffecté qu’elle fréquentait souvent en cachette. C’était l’un des rares endroits où elle pouvait être elle-même, loin des regards de la cour. Là, les Sœurs de l’Ombre, un groupe clandestin de résistants, attendaient son rapport. Mais ce soir, ce n’était pas juste un rapport qu’elle allait leur donner. C’était une invention, un projet qu’elle portait en elle depuis trop longtemps.
Arrivée devant la porte de l’entrepôt, Elara s’arrêta un instant, comme pour s’assurer que personne ne la suivait. La vapeur s’échappait d’un tuyau brisé juste au coin de la rue. Elle s’avança, tapotant légèrement la porte de fer pour signaler sa présence. Un grincement se fit entendre avant qu’elle ne puisse pousser la porte. Elle entra rapidement et ferma derrière elle.
L’intérieur était aussi poussiéreux qu’elle s’en souvenait. Des étagères en bois couvertes de toiles d’araignée, des outils éparpillés ici et là, et, au fond, une table où étaient posées diverses cartes et plans. Dans un coin de la pièce, une silhouette se détacha de l’ombre. Elara se sentit immédiatement reconnaissante de cette présence familière, une présence à la fois réconfortante et redoutable.
"Tu es en retard," dit une voix rauque, presque un murmure.
Elara leva les yeux. Là, dans l’ombre, se trouvait Rowan Calloway. Ses cheveux courts et éparsement roux encadraient son visage marqué par des années de lutte. Elle portait toujours des vêtements de mécanicienne, et sa silhouette robuste contrastait avec la grâce qu’elle avait en mouvement. Rowan était l’un de ces visages du peuple qu’Elara ne pourrait jamais oublier, ni ignorer. Mais plus que ça, Rowan était la clé de tout ce qui allait arriver.
"J’avais besoin de réfléchir," répondit Elara d’une voix plus douce qu’elle ne l’avait prévu. "Ce projet... il est plus complexe que je ne le pensais. Si ça marche, ça pourrait tout changer. Mais il y a des risques."
Rowan s’avança, l’expression de son visage impassible comme d’habitude. "Des risques, tu dis ? C’est bien de ça qu’on parle, Ravenshaw. Si tu veux vraiment qu’on arrête ce foutu système, il faut se jeter à l’eau."
Elara déglutit et tourna les yeux vers le plan qu’elle avait préparé. "J’ai conçu un dispositif. Une machine capable de brouiller les signaux de surveillance du gouvernement. Elle pourrait désactiver les cameras, les systèmes de contrôle de la ville. Mais il faut la tester dans une zone où l’on est sûr qu’aucune trace ne nous reviendra."
Rowan haussait les sourcils, visiblement sceptique. "Et tu penses que tout va bien se passer ?"
"Je... Je ne sais pas. Mais je suis prête à prendre le risque."
Rowan s’arrêta devant elle, ses yeux verts scrutant ceux d’Elara. Il y avait dans son regard un mélange de défi et de doute. "T’as conscience de ce qu’on risque, n’est-ce pas ? Si ça tourne mal, c’est la fin."
Elara hocha la tête. "Je le sais."
Une longue pause s’installa entre elles. Rowan et Elara se comprenaient sans avoir besoin de parler. Elles étaient là pour la même cause, mais leurs motivations différaient. Rowan, née dans les bas-fonds, avait vu sa famille détruite par le régime. Elara, élevée dans le confort de la haute société, avait vu ses inventions utilisées pour opprimer les innocents. Mais ce soir, elles se tenaient là, au même niveau, prêtes à faire tomber un empire.
"Alors on y va ?" demanda Rowan finalement, brisant le silence.
"Oui," répondit Elara, un sourire presque imperceptible se formant sur ses lèvres. "On y va."
Mais avant de sortir, Elara se tourna une dernière fois vers Rowan, ses yeux s’attardant sur elle, presque malgré elle. Il y avait quelque chose dans cette situation, dans cette guerre qu’elles allaient mener ensemble, qui changeait tout. Ce regard entre elles, fugace mais chargé de sens, ne voulait pas dire seulement "alliées". Il y avait plus. Beaucoup plus.
Ensemble, elles quittèrent l’entrepôt, les bruits de la ville devenant de plus en plus distincts. La rébellion allait commencer.
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Défi
Ah, la bureaucratie. Ce chef-d’œuvre à mi-chemin entre une toile d'araignée et une performance artistique absurde, qui transforme une action aussi simple que boire un verre d'eau en une épopée administrative digne d’Homère. Si vous êtes déjà allé à la mairie pour renouveler un passeport, vous savez de quoi je parle. Mais ne soyez pas injuste : la bureaucratie n'est pas un simple obstacle à votre vie quotidienne, c’est une expérience transcendante. Et aujourd'hui, je vais vous guider à travers ce noble système avec tout l'amour sarcastique qu'il m'inspire. Chapitre 1 : L'Art de la File d’Attente
Première étape : trouvez une administration publique. Facile ? Non, cher lecteur. Trouver un bureau ouvert relève du miracle. Évidemment, ils ferment à 16h, parce que qui pourrait bien avoir besoin d’un service après les horaires de bureau ? Les chômeurs, vous dites ? Faux : ils ont des rendez-vous à Pôle Emploi.
Une fois l’édifice sacré atteint, vous entrez dans une véritable mise en scène. La file d'attente. L'égalité incarnée : jeunes, vieux, riches, pauvres, tous à la merci d’une guichetière qui, à ce moment précis, discute à voix basse de sa pause café avec sa collègue. Et quand enfin vient votre tour, surprise : vous êtes au mauvais guichet. Mais ne vous inquiétez pas, on vous indique un autre bureau... à trois kilomètres. Chapitre 2 : Le Document Manquant, ou l’Énigme Sans Fin
Ah, les documents. Ces artefacts mythiques que l'on exige de vous sans jamais les définir clairement. La liste officielle inclut toujours quelque chose de mystérieux, comme « justificatif de domicile de moins de trois mois ». Trois mois, pourquoi ? Le gouvernement craint-il que votre maison se volatilise d'ici là ? Et pourquoi une facture d’électricité compte mais pas votre contrat de location ? Mystère.
Et bien sûr, il y aura toujours un document que vous n'avez pas. Un extrait de naissance datant de 1922 ? Une attestation signée par votre arrière-grand-mère décédée ? Qu'à cela ne tienne, revenez avec ces pièces dans 10 jours ouvrés. Mais attention, le délai de traitement sera de six mois. Vous pensiez partir en vacances cet été ? Adorable. Chapitre 3 : Les Fonctionnaires, Ces Gardiens du Temple
Il faut rendre hommage à ceux qui, en première ligne, défendent ce joyau qu’est la bureaucratie. Oui, je parle des fonctionnaires. Ces héros de l’ombre, armés de leur sourire las et de leur capacité à dire « non » d’une manière qui brise des rêves.
Mais soyons honnêtes : être fonctionnaire, c’est un art. Leur mission : vous rappeler que VOUS êtes l’idiot. Vous avez mal rempli le formulaire. Vous avez apporté un papier au mauvais format. Vous n’avez pas compris que le bureau « Démarches rapides » est fermé pour travaux depuis trois ans. Tout est de votre faute, bien entendu. L’administration, elle, est parfaite. Et si vous osez demander un conseil, on vous regarde comme si vous veniez d’élucubrer un thème de philosophie présocratique. Chapitre 4 : La Numérisation de la Galère
Mais attention, ne dites pas que la bureaucratie est arriérée. Nous sommes en 2025, après tout, et tout se passe en ligne. Ou du moins, c’est ce qu’on veut vous faire croire. La réalité ? Les sites gouvernementaux sont le cauchemar des informaticiens.
Le meilleur exemple ? Le formulaire en ligne qui ne fonctionne QUE sur Internet Explorer version 7. Et pourquoi demander votre numéro de sécurité sociale et votre nom de jeune fille si, de toute façon, à la fin, il faudra imprimer le document, le signer à la main, et l’envoyer par la poste ? Rien de tel que la technologie pour rendre les choses encore plus compliquées. Chapitre 5 : Le Merveilleux Monde des Impôts
Parlons maintenant des impôts. Ah, cet hommage annuel que nous rendons à l’État pour qu’il puisse financer ses projets visionnaires, comme construire une aire de repos pour pigeons ou peindre des passages piétons en arc-en-ciel. Chaque année, vous recevez un courrier d’une simplicité exemplaire, écrit dans un langage que seul un énarque pourrait aimer.
Et bien entendu, malheur à vous si vous vous trompez. Une virgule oubliée, une case mal cochée, et hop : un courrier de relance — pardon, une menace de saisie — dans votre boîte aux lettres. Mais ne vous inquiétez pas, vous pouvez toujours appeler leur hotline. Après tout, attendre 45 minutes au téléphone pour entendre un conseiller vous expliquer qu’il faut « contacter un autre service » est une étape incontournable de la vie moderne. Chapitre 6 : La Glorification de l'Absence de Sens
La bureaucratie, finalement, est une métaphore de la vie. Un gigantesque système créé pour ne rien accomplir, mais avec panache. Vous n’avez pas obtenue votre aide sociale ? Pas grave, l’important c’est que vous ayez fait la demande. Vous voulez ouvrir un commerce ? Très bien, mais il faudra remplir huit formulaires, attendre trois autorisations, et payer une taxe pour avoir le droit de payer une autre taxe.
En fin de compte, la bureaucratie est une expérience existentielle. Elle vous enseigne l'humilité, la patience, et surtout la capacité à abandonner vos rêves les plus simples. Alors, applaudissons ce monument d’absurdité, cette œuvre d’art moderne qui nous rappelle que l’important, ce n’est pas de vivre, mais de remplir des formulaires. Et si vous ne comprenez pas cela, eh bien… prenez un ticket. Vous serez appelé. Un jour. Peut-être.
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Défi
e me réveille avec cette impression habituelle, celle d’avoir rêvé sans jamais pouvoir mettre la main dessus. Comme un mot coincé au bord des lèvres. Un souffle oublié.
Mais ce matin, il y a autre chose. Un poids. Quelque chose de froid contre ma paume.
J’ouvre les yeux.
Dans ma main, il y a une clé. Petite, en métal usé, avec des gravures presque effacées. Elle n’a rien à faire là. Je ne me rappelle pas l’avoir prise, ni vue, ni même possédée.
Je me redresse dans le lit, le cœur battant. Ça ne peut pas venir de nulle part, si ? Et pourtant, une sensation étrange remonte à la surface. Comme si je l’avais déjà tenue. Comme si elle avait une histoire, et que je la connaissais, mais qu’elle refusait de se révéler.
Je la serre un peu plus fort.
La matinée passe dans une espèce de brouillard. Mon café a un goût amer, plus que d’habitude. Et cette clé… Elle pèse dans ma poche, comme si elle attendait quelque chose. Comme si elle m’appelait.
Je retourne dans ma chambre, cherchant des indices. Est-ce que je l’ai apportée ici sans m’en rendre compte ? Est-ce que j’ai rêvé d’elle ?
Et là, je les vois. Les griffures sur le bois de ma table de nuit. Elles ne devraient pas être là. Trois marques nettes, parallèles, comme si quelque chose — ou quelqu’un — avait tenté de s’échapper.
Mon souffle se bloque.
La journée continue, mais le malaise ne me quitte pas. Cette clé… je ne peux pas m’empêcher de la tourner entre mes doigts, encore et encore. Elle ne correspond à rien ici. Aucun tiroir, aucune porte. Pourtant, chaque fois que je la regarde, une image floue m’effleure : une porte, massive, ancienne, entourée d’un lierre noirci.
Je n’arrive pas à dire si c’est une mémoire ou un rêve.
Je prends mon manteau et je sors.
Mes pas me guident sans que je réfléchisse vraiment. Les rues me semblent plus sombres, plus étroites. Comme si la ville elle-même avait changé pendant la nuit.
Puis je la vois.
La porte.
Elle est là, exactement comme dans ma tête : le bois épais, les gravures qui s’entrelacent, le lierre grimpant comme des veines. Je déglutis, mes doigts tremblants autour de la clé.
Je devrais partir. Faire demi-tour. Mais quelque chose m’en empêche.
J’approche. La serrure semble attendre, presque vivante. Quand j’insère la clé, un frisson me parcourt. Elle tourne sans résistance.
Un clic.
J’hésite une seconde avant de pousser. L’obscurité derrière la porte est dense, presque liquide. Une odeur douce-amère flotte dans l’air, comme celle d’un souvenir oublié depuis trop longtemps.
Et là, je le vois.
Un objet posé sur une table en bois : un miroir rond, encadré d’argent, avec des gravures similaires à celles de la clé. Mais ce n’est pas mon reflet qui apparaît.
C’est moi. Mais pas moi.
Un autre moi, debout dans une pièce différente, les yeux fixant les miens avec une intensité glaciale.
Puis il parle.
« Tu pensais vraiment pouvoir oublier ? »
Je recule, le cœur battant à tout rompre, mais la porte se referme derrière moi dans un bruit sourd.
J’aurais dû poser cette clé. J’aurais dû rester dans mon lit.
Mais maintenant, je suis là. Et la question me hante encore :
Qu’est-ce que j’ai oublié ?
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Défi
Tu te tiens immobile devant la vieille maison, celle que tu n’avais pas vue depuis des années. Le portail grince encore, à croire que personne n’a jugé utile de le réparer depuis tout ce temps. Tes mains sont moites, comme si les briques elles-mêmes respiraient les souvenirs que tu t’efforces d’ignorer. Mais aujourd’hui, c’est différent. Tu es revenu.
Le vent soulève un peu de poussière et une odeur familière t’enveloppe — celle du lierre humide qui grimpe obstinément sur les murs. Elle t’emporte des années en arrière, à l’été où tout avait changé.
Tu avais douze ans, et ce jardin était ton royaume. Chaque recoin recelait un trésor, chaque arbre était une forteresse imprenable. Mais ce jour-là, c’était différent. Tu avais découvert, enfouie sous les racines du vieux chêne, cette petite boîte en fer-blanc. En l’ouvrant, tu avais trouvé des lettres jaunies, écrites d’une main tremblante. Tu ne comprenais pas tout, mais tu avais saisi l’essentiel : elles parlaient d’un amour interdit, d’une promesse brisée, d’un départ précipité.
Tu avais voulu montrer la boîte à ta grand-mère, mais son regard s’était durci quand elle l’avait vue. "Oublie ça, mon petit," avait-elle dit en refermant le couvercle avec une décision presque violente. Tu n’avais jamais osé poser de questions. Mais cette scène t’était restée gravée, comme un éclat de verre dans la mémoire.
Et maintenant, des années plus tard, tu es revenu pour comprendre. Le vieux chêne est toujours là, majestueux et immuable, ses racines énigmatiques creusant des chemins invisibles sous la terre. Tu t’agenouilles, le souffle court, et débutes ton fouille. Les minutes s’étirent, le passé semble presque palpable à chaque poigne de terre que tu déplaces.
Puis, tu la trouves. La boîte est rouillée, mais intacte. Tu hésites avant de l’ouvrir, ton cœur tambourinant dans ta poitrine. Quand enfin tu relèves le couvercle, les lettres sont toujours là. Fragiles, mais lisibles. Et cette fois, tu lis chaque mot, attentivement. L’histoire se déroule sous tes yeux : celle de ta grand-mère et d’un homme qu’elle avait aimé mais qu’elle avait dû abandonner, sous la pression d’une époque et d’une famille rigides.
Tu refermes la boîte avec une révérence nouvelle. Ce souvenir, qui n’était qu’un éclat brumeux dans ton esprit d’enfant, est maintenant une histoire entière, un fragment de ton héritage. Tu te relèves, le regard tourné vers le ciel où les branches du chêne dansent doucement. Tu ne sais pas encore ce que tu feras de cette découverte, mais une chose est sûre : tu ne l’oublieras plus jamais.
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