C'est acté, je rendrai mon souffle demain matin à l'aube.
Je n'ai pas choisi de jour, il s'est simplement imposé à moi. De lui-même, de manière à me faire comprendre que la faucheuse n'attendrait pas une seconde de plus.
J'aimerai pouvoir pleurer, me sentir lésée mais rien n'y fait. Depuis bien longtemps, le monde m'a rejeté. Ou détesté devrais-je dire. Je ne ressens que de la haine, de la colère et du profond dégoût. Pour tous ces gens qui resteront en vie alors qu'ils ne le méritent pas. Pour ces gens qui commettent des atrocités jour après jour.
Enfant, j'étais une grande rêveuse. Je me voyais révolutionner le monde, devenir une politicienne juste et proche de son peuple. Enfant, je pensais que tout était possible. Qu'exprimer mes pensées, faire entendre ma voix ne serait pas quelque chose de difficile. Que ma vie compterait. Mais ce n'était que des foutaises, des pensées d'enfant.
Insultée, rabaissée, moquée, agressée, voilà tout ce que j'ai ressenti en tant que femme. Détestée par le peuple avec lequel je cohabite depuis ma naissance à cause de ma confession. Ce sentiment de rejet a détruit mon âme d'enfant. Il a fait couler des milliers de larmes sur mon visage, a piétiné mon coeur et n'a rien laissé d'intact.
Demain, je mourrai. Aujourd'hui, j'ai décidé de ne rien faire, de me laisser périr. D'attendre la belle et grande faucheuse qui prendra mon âme tourmentée pour la faire sienne. Cela fait 20 ans que je l'attends. 20 années de colère et de déception disparaîtront.
Pour la première fois depuis bien longtemps, je serai heureuse.