Poussière
de Ella T.
Je déborde, en flux et reflux, je me noie dans ces mots cathédrales. Petite chose au creux vide de la nuit, le crépitement du monde m’ensorcèle. Femme mère, femme univers, je porte en moi le désir fou d’une foi immense. Le chant de ce qui ne peut se dire, dont seule l’expérience sensible touche, ce chant qui se fond dans les lignes aux contours flous. Le cri rouge d’une peau.
Je ne sais ce qui se trame, ni ce qui se discerne de cette fresque peinte d’ombres. Son goût est un mélange d’épices, du marron de la terre, une pulsation régulière et constamment discordante. Comme un fantôme qui chercherait à épouser les contours du regard, je suis sujet en retour sous cette atmosphère de velours. Comme un dialogue tu entre deux parties vibrantes.
Je me noie dans les mots. Ils m’absorbent et me complètent, me complimentent de leur rythme tantôt doux ; parfois c’est le temps qui m’échappe. C’est un raté dans les rouages, le ronronnement sanguin qui s’emballe et fourmille dans les doigts, l’étincelle d’une asphyxie. Je suffoque d’euphorie tragique. Je coule dans l’interstice, c’est une longue descente et la chaleur des enfers et l’éclat des cieux. Les louanges absconses d’un langage impalpable qui creusent ce trou dans mon ventre. L’écho d’une fin qui a commencé avant que je ne sois.
Le passé appartient aux résonnances qui me traversent ; qui étais-je alors l’instant qui précédait ? Celle que je serai est déjà partie de l’histoire, un conte d’enfant qui a trouvé corps dans mon souffle. Il faut le dire, il faut le dire, il est trop tard tout s’efface et le gommage est précieux. Il est moi. Il est matière soufflée sur une page, blanche déjà, mémoire sur la rétine. Il s’écrit sur l’horizon, il est dans ces lumières, il est reflet, cette question perpétuelle.
L’inconstance d’un disque rayé qui dans ses déraillements trace un destin me porte. L’entropie est une respiration saccadée de désir qui dessine des cycles imparfaits : je l’épouse. Car rien ne sera plus jamais comme avant après cette nuit bleue, la page froissée reste blanche, elle peint des lignes de vie. Les craquelures du cristal annoncent sa fin et sa métamorphose. Je ne serai pas la même femme après cela. Je n’ai jamais été autre femme que celle-ci.
Je déborde, en flux et reflux, je me noie dans ces mots cathédrales. Ensevelie sous ces concepts qui m’échappent, je ne serai jamais que ce cœur qui bat. Divine et pécheresse, je ne suis qu’un corps, je ne suis qu’une histoire, je ne suis qu’un regard, je ne suis qu’un désir lointain et le feu dans ma poitrine. L’oxygène me manque, et ces doigts sur ma gorge, les griffes dans mon dos ; je suis moi dans cet espace infime, puis je serai entière sous le joug de cette Puissance. Déesse de poussière.
Commentaires & Discussions
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