Journal d'un Méditerranéonaute
Les cris joyeux des enfants et le murmure des baigneurs parvenaient jusqu’à ses oreilles. Les paupières mi-closes, il se concentrait sur la chaleur bienfaisante dont le soleil haut dans le ciel le gratifiait. Allongé sur sa serviette, il faisait jouer mollement les ruisseaux de grains de sable entre ses doigts. La douce mélodie du rivage l'apaisait.
Enfin, après une année éprouvante, il pouvait exercer son activité favorite en vacances : le farniente ; littéralement « ne rien faire » en italien. Quelque temps auparavant, il avait lu sur un média en ligne que pour faire surgir des idées il fallait s’ennuyer. Alors il mettait beaucoup d’application à pratiquer la rêvasserie, avec une spécialisation dans la contemplation, et ce depuis son plus jeune âge, on peut dire que maintenant il était semi-professionnel dans ce domaine. Sur cette plage de Croatie, nulle idée n’ayant émergé ex nihilo, il se contentait d’humer l’air ambiant, un doux soleil agrémenté d’une légère brise caressait les corps pas encore bronzés.
Son amie faisait trempette et s’enduisait le corps de boues ; la plupart des gens du coin s’adonnaient à cette pratique locale, elle possédait des vertus prétendument bénéfiques pour la peau. N’ayant aucun problème dermatologique, il restait sagement sur sa serviette, en imaginant le bain imminent dans cette Adriatique qui lui tendait les bras. La côte était un peu sauvage, il était sous le charme. Ces vacances s’annonçaient pour le mieux.
Soudain, il aperçut un type pas très grand, trapu et couvert de poils - un vrai gorille en slip de bain - se diriger droit vers lui en le scrutant du regard. Interloqué, il s’attendit à tout, mais pas à ce qui allait suivre :
- Bonjour Julien, dit le primate, dans un français impeccable
- Euh bonjour monsieur
- Tu ne me reconnais pas ?
En observant de plus près son visage, il le reconnut. Stéphane, consultant en informatique, travaillant dans la même agence que lui en région parisienne.
- Mes beaux-parents possèdent la maison là-bas au bout de la plage. Tu te rappelles que ma femme est Croate ?
Comment pouvait-il penser que cette information eut un quelconque intérêt pour que Julien la grave dans son esprit alors qu’il avait déjà du mal à se souvenir de ce qu’il avait mangé la veille.
L’individu était un spécimen remarquable. À l’état domestique, le Stéphane est équipé d’un costume mal taillé, il arbore en permanence un sourire forcé, entouré d’un bouc hirsute fort anachronique. Qui porte encore le bouc de nos jours ? Son crâne orné de frisottis châtain foncé commençait sérieusement à se dégarnir. L’animal avait la fâcheuse manie de parler à cinq centimètres du visage, pour y débiter une logorrhée la plupart du temps inintéressante. Il tenait constamment écarquillés ses grands yeux bleu acier, on ne le voyait jamais ciller. Son regard fixe et quelque peu halluciné, avait de quoi effrayer. Il aurait fait un parfait gourou pour esprits faibles.
À l’état sauvage, c’était juste un animal velu.
Le monde est petit. Et cruel. Même sur une assez lointaine plage de boues croate, on peut rencontrer son collègue de bureau, qui continue à les briser menu.
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