Le café des tristesses perdues

J'erre encore dans la nuit, pas sur pas, sans but. Pendant un temps le froid n'est pas gênant mais après des heures il pénètre la peau et l'on se demande si l'on ne peut pas en mourir. Je caresse cette idée de mes pas sur les dalles glacées. Je suis bien occupé à faire avancer un pied devant l'autre, encore et encore jusqu'au prochain bien rythmé.

Le noir, le néant, cette ombre d'où je viens et où je vais. La paix, la peur et le mystère. Est-ce que le rien voudrait de moi ? Est-ce que lui m'aimerait ? Ou peut-être me rejetterait-il en me disant: "Tu n'étais rien de ton vivant, tu n'as rien fait, il n'y a rien à engloutir, tu ne m'intéresses pas, disparais!" Faut-il s'efforcer d'être comme lui pour qu'il nous aime ? Ou faut-il être tout pour qu'il se nourrisse de nous ?

Mes pensées sont stoppées par un portail de fer entrouvert sur une cour intérieure. Sur un panneau est écrit: "Le café des tristesse perdues" J'y rentre sans y être invité si ce n'est par un méli-mélo de sanglots. Des gens éparses se recueillent et sanglotent devant divers bibelots, certains se roulent dans l'herbe, d'autres sont allongés en position foetale, leurs corps ramollis jonchent le sol et pavent la voie vers une vieille batisse en bois. A coté d'un panneau, un homme observe et aggripe ses cheveux de ses mains crispées de temps à autre. Il me semble le plus sain d'esprit alors je hasarde une conversation.

"Que faites vous ici ?"

"Ça ne se voit pas ?" L'homme se cache les yeux et m'adresse à peine la parole, il regarde la scène au travers de ses mains.

"Bah non, ça ne se voit pas."

"Nous nous complaisons dans la tristesse."

"Mais pour quoi faire ?"

"C'est agréable, n'avez-vous jamais essayé ?"

"Ça n'a pas l'air si sympa que ça, regardez, ils pleurent tous!"

"On peut éprouver du plaisir en pleurant, ça fait du bien ? Faites un essai."

"Et vous ?"

"Quoi, moi ?"

"Vous êtes le seul à ne pas pleurer"

"Je n'y arrive pas" Il semble vexé, il semble que j'ai évoqué un sujet qui fâche

"Quel est l'origine de ce bloquage ?"

"Si je le savais je serais déjà en train de sangloter!"

"Peut-être que vous n'êtes pas assez triste tout simplement"

"Si! Je suis triste! Très triste! Plus que vous!"

"C'est un concours ?"

"Non! Si! Peut-être! Vous m'agacez! Il n'y a pas d'esprit de competition malsain ici, vous apportez vos mauvaises ondes. A cause de vous je suis en colère et je n'arrive plus à m'attrister, laissez-moi tranquille! Allez voir les autres puisque vous êtes si curieux!"

Il s'agite et m'inquiète, je déguerpis avant qu'il ne me fasse du mal, il est visiblement dérangé... Allons voir les autres...

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