L'âme assassine.
de Stradivarius
"Se juger par son simple regard est comme signer son acte de mort."
Voilà que la nuit tombe. Les ténèbres s’installent sur les villes de ce pays. Les lampadaires tentent d’animer quelques ombres indiscutablement inquiétantes dans cette atmosphère toujours plus morbide qui apparaît chaque soir sous ce voile noir et austère d’un ciel chargé des émotions de nos morts et noir comme peut l’être l’âme d’un des plus tristes homme sur Terre.
Les hommes tentent vainement de se rassurer en usant de l’électricité afin d’amener un peu de vie dans leur antre secret et privé, dans leur maison, ou appartement, afin de lutter contre la pression angoissante de l’Enfer qui s’abat sous les hurlements de quelques loups coincés dans un zoo du coin. La lune est pleine, arpente les sentiers battus de ces ruelles malfamées où certains dealers s’installent en l’attente de vendre des produits extasiants offrant là une alternative délicieuse aux pauvres badauds perdus dans un trip à la « Las Vegas Parano ». L’éther démoniaque fait ainsi tituber ces êtres décharnés, dont les principes mêmes se retrouvent perdus dans une cage d’insouciance et d’un cerveau d’héroïne parsemé.
Les femmes en mal de quelques euros font aussi la part belle des trottoirs au grand plaisir de ces hommes seuls qui n’ont que pour seule beauté les liasses bleues de leur porte-monnaie. De là, l’on peut admirer les joies de quelques coups portés sur des visages émiettés par ces proxénètes qui n’en ont pas pour leur argent, qui veulent toujours tirer sur la corde afin d’obtenir davantage de la misère humaine. La nuit est ainsi lourdement chargée de quelques maux de l’humanité, comme une boîte de Pandore que l’on ouvre et que l’on réouvre perpétuellement avec un de ces sarcasmes diaboliques et démoniaque.
Mais en passant de tous ces cadavres qui jonchent les allées et les grandes avenues de nos terres sinistrées, alors on peut admirer d’autres spectacles bien différents et tout aussi enthousiasmants. C’est ici que je prends beaucoup de plaisir à venir, terré dans l’obscurité, derrière un buisson, invisible de la surface et camouflé au grand damn de ceux qui j’inspecte, que je scrute, que je repère pour mon propre plaisir explosif.
C’est de là que j’admire chacune des fenêtres d’un grand immeuble. Là où je construis, chaque jour, des histoires qui m’émerveillent et m’émeuvent toujours un peu plus. Tout cela ne se passe guère dans d’étroits couloirs sombres, mais bien dans de grandes scènes lumineuses sur lesquelles chaque personnage se trouve être acteur d’un vie inventée et formidable, émanant directement de mon esprit qui ne rassasie jamais du peu qu’il trouve. Une âme qui veut toujours davantage, comme de ceux, comme cités auparavant, qui vont à la recherche continuelle d’une drogue dure pour s’échapper d’une vie qui ne leur appartient pas, qui les fait souffrir, qui transforme tout ce qu’ils sont en une volute de fumée acariâtre et nauséabonde. Moi, je cours aussi après ce délicieux parfum désincarné de la recherche d’histoires et de sensations particulière et fantasmagoriques.
La beauté des fenêtres, et ce qui se passe en leur sein, est tout bonnement magnifique. Je peux percevoir tous ces personnages qui ne se doutent aucunement que je lui à les observer, à voir et admirer chacun de leurs faits et gestes sans qu’ils ne puissent contrôler les tergiversations de mon imagination qui se conduit en suivant ce fil d’Ariane monté spécialement pour le Minotaure que je saurais être. Tout cela me fait bien sourire. Je ris souvent, je pleure de temps en temps. D’autres moments m’angoissent jusqu’au dénouement de la terrible histoire qui se trame devant mes yeux sombres. Chaque fenêtre amène son histoire, et chaque histoire a sa finalité. Bonne ou mauvaise.
Là, je perçois un homme âgé, probablement veuf, se plaçant aux abords de sa fenêtre, sous une lampe éclatante, pour lire un roman d’amour tout en s’imaginant, certainement, que sa vie est minable au regard de ce qu’il peut lire. Que son amour, lui, est déchu depuis bien longtemps et qu’il doit se contenter d’une pauvre assiette à peine remplie d’un petit sandwich sinistre et agrémenté de peu de choses, sans sauce. Un étouffe chrétien lamentable dont il se contente dans sa solitude atterrante. Il est certainement hanté par les démons de son passé et se met à verser une larme de tristesse tout en songeant à l’heure de sa mort dans l’espoir de rejoindre sa dulcinée condamnée à errer seule dans un purgatoire scintillants de flammes désastreuses. En songeant à tout cela, il se met à éteindre les lumières afin de rejoindre l’obscurité amenant son lot de rêves exaltants, et de mensonges rassurants sous une couette sale et poussiéreuse, parsemée de misère et de désespoir.
Si je prends une autre fenêtre, je peux admirer le spectacle de deux enfants qui s’amusent devant des parents rieurs, joyeux de pouvoir assister au bonheur innocents de ceux qui, certainement, deviendront névrosés et délinquants à l’âge adulte. Mais l’insouciance de l’instant laisse à songer qu’ils finiront, dans l’espoir parental, de riches et reconnus médecins, ou des artistes merveilleux dont les albums se vendront à des millions d’exemplaires. Des parents qui font tout pour que leurs enfants deviennent les meilleurs, même s’ils le sont déjà en leur esprit. L’avenir joue parfois des tours, mais pour l’instant il faudra sûrement réconforter le petit garçon qui est tombé, se faisant douloureusement mal sur le coin d’une table et pleurant de chaudes larmes jusqu’au réconfort de parents inquiets pour sa santé.
Une autre fenêtre conduit sur une autre joie, un tout autre plaisir. Celui de percevoir une femme se dénuder lentement et doucement devant la fenêtre. Laissant voir son corps à quiconque passe devant ce lieu. Son soutien-gorge se défait. Sa culotte fait de même en rejoignant le sol. Elle semble jeune, bien faite, extasiant certainement quelques hommes croisés dans les ruelles. Elle se couche nue, appréciant sans doute le contact de la soie contre sa peau douce et sulfureuse. Mais c’est alors qu’un homme vint la rejoindre, tout aussi nu, faisant mouvoir un pénis droit, allant de l’avant, pour quérir une rose tâchée d’émotions. Ils se rejoignent, se retrouvent, sous une couverture cachant ce que Dieu, lui-même, ne saurait voir. Malheureusement, voici qu’elle pourrait voir un bébé poindre le bout de son nez à l’intérieur de son ventre. Un enfant non désiré qui sonnera la fin de ce couple harmonieux pour offrir le calvaire à une femme célibataire d’apporter un bonheur à un enfant sans père. Jusqu’à ce qu’elle se réconforte dans les bras d’un bourreau qui ne lui apportera sans doute aucun plaisir à l’avenir.
Voici tout ce que mes yeux de voyeur peuvent entrevoir dans ces différents spectacles intéressants. Si je porte un regard noir, il est vrai, c’est que plusieurs de ces faits se sont avérés exacts. En effet, qui, dans notre société, peut encore se complaire à raconter un bonheur qui les anime, qui les habite, alors que le désespoir rôde toujours inconsciemment dans un cervelet qui tait l’alarme du danger au travers d’un coeur qui conduit inéluctablement à l’erreur, à la faillite, à la mort seule. Oui, tout est toujours noir, tout est toujours souffreteux, tout est toujours scandaleux. Des femmes meurent sous les coups des époux. Des Don Juan s’amusent à cueillir des centaines de femmes sans avouer leur perversité extravagante. Des enfants subissent le contrôle de parents qui veulent que la gloire et la beauté s’abattent sur eux, permettant une vie riche et joyeuse en toutes circonstances sans songer un seul instant qu’ils ruinent alors la propre personnalité de leurs ouailles, les rendant ainsi dépressifs ou diaboliques sans que l’on ne s’en rende compte, surtout pas.
Mais voici qu’entre toutes ces lucarnes, ces yeux de Judas, où s’enchaînent les violences, les bagarres de couple, les rires d’enfants ou les jouissances d’un coin adjacent à la cuisse frémissante, je m’égare sur le dernier étage plombé dans le noir et l’obscur. Mes yeux balaient chacune des pièces dessinées sous les ténèbres d’un ciel qui devient de plus en plus menaçant, de plus en plus orageux, de plus en plus diabolisant. Je me perds dans mes songes, jusqu’au moment où je perçois, sous un éclair, la silhouette d’un homme seul admirant le paysage. Lui n’allume pas la lumière, il reste dans l’enfer de la nuit. Il ne bouge pas, il ne fait aucun geste, il reste stoïque sans qu’aucune émotion ne se laisse figurer sur sa face. Je ne devine rien. Je ne vois rien. Je suis dans l’incertitude quant à lui imaginer une vie, sa propre vie. Je ne sais quoi y penser. Je ne sais quoi me douter. Je suis perdu dans son regard. Est-ce qu’il me regarde à l’instant ? Je n’en suis même pas sûr. Rien ne se laisse échapper de ses inquiétantes émotions. Serait-il habité par des idées sombres ? Serait-il animé par quelques idées tendancieuses ? Vit-il une simple coupure de courant qui l’oblige alors à s’occuper par d’autres moyens que celui de lézarder, comme d’autres, devant une télé abrutissante et absurde ? Je ne vois rien. Pas même le dessin exact de ses desseins entourant un visage alors inconnu, imperceptible, disparates dans les brumes ténébreuses.
Mais le nuage couvrant ce ciel chargé d’orages se met enfin à se mouvoir. La pleine lune me permet de constater un peu mieux sa physionomie. Je le regarde pleinement, de façon intense afin de décortiquer la moindre âme qui pourrait me paraître brusquement. Brutalement. Le nuage bouge de plus en plus vite, va de plus en plus loin, laissant briller l’astre non flamboyant de la nuit. Et la terreur s’empare alors de mon être tout entier. Je le vois. Je le devine. Je le constate. Je comprends que ses yeux scintillants se déchargent tout contre moi. Il devient voyeur de toute la scène que je mets en place. Il sait ma présence. Il a connaissance de ce que je suis en train de faire à cette heure tardive, moi qui m’amuse à inventer des histoires sur le dos de pauvres personnes qui ne devinent en rien ce qui se passe à leur insu.
Mon coeur s’emballe. Je perds pieds. Je ne peux pas soutenir davantage ces yeux qui sont ceux de la folie pure. Qui sont ceux de l’angoissante vérité qui s’écrase comme un coup de poings sur ma gueule d’espion de la vie privée. J’ai même l’impression d’être au bord de la crise cardiaque. Je ne peux pas me défaire de ces yeux sataniques, de cette brillance inéluctable qui ce dégage de cet être inconnu, insondable. Cela dure bien cinq minutes avant que je me décide à abandonner mon poste et mon camouflage et prendre mes jambes à mon cou histoire de m’évader de cette étreinte affreuse et douloureuse dont je suis alors victime.
J’ai l’impression qu’il me poursuit, qu’il me pourchasse, qu’il est toujours derrière moi. J’entends même courir en mon dos. Je me retourne. Il n’y a tout simplement personne. Ou juste le cadavre d’un drogué sous crack qui attend sagement l’heure de sa prochaine pipe.
Je rentre alors chez moi et m’enferme à double tours, me calant tout contre cette porte dans l’idée de la bloquer définitivement à toute intervention possibles et imaginable. Je crois même qu’il aurait été possible que je m’emmure vivant tant la peur est vive et palpable. Mais la nuit se terminera bien à un moment. Ma veille sombrera alors aux premières lueurs du jour.
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