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Veznec

Veznec
La vie d'un esclave devenant un soldat, d'un soldat devenant un maître de guerre.
La naissance de la pire des légendes.
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Veznec
Quand on déprime en se disant qu'on a touché le fond le destin vient parfois vous apporter une pelle


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Défi
Veznec

Lorsqu'il ouvrit la porte et vit ce qu'il y avait au sol, il sut tout de suite ce qui allait suivre. Il savait ce qu'il y avait dans cette petite boite en carton. Il fut néanmoins surpris de cette élégante marque de politesse, il s'était attendu à bien plus de formalisme voire de froideur et cette attention le toucha profondément. Il se mit à sourire et ramassa délicatement la boite en se retenant à grand peine de siffloter.
Son colis dans les mains il retraversa son seuil, fermant la porte d'un mouvement de pied distrait, et alla s'installer sur son canapé. Il se rappela le jour où il l'avait acheté, c'était quand il avait reçu son premier salaire, il y a déjà si longtemps. À présent le cuir s'était usé, malgré les efforts d'entretien. Après chaque journée de travail il s'était installé dessus pour soulager son corps vieillissant de plus en plus vite et à présent était venue l'heure de la retraite tant espérée pendant toutes ces années.
Il attrapa le coupe-papier reposant sur le bois aussi usé que le cuir et coupa le scotch d'un geste assuré puis reposa délicatement la lame à sa place.
Puis il prit une lente et profonde inspiration, ferma les yeux et ouvrit la boite.
Il ne vit rien, il n'entendit rien, il mourut à l'instant même de l'explosion. Sa maison s'embrasa sous l'oeil attentif de ses collègues de l'autre côté de la rue. le chef du trio abaissa ses jumelles et adressa un sourire teinté d'amertume à ses acolytes qui remirent leurs armes dans leurs étuis et ajustèrent leurs brassards de deuil.
Losque les pompiers arrivèrent ils ne firent pas attention aux trois hommes en deuil qui les saluèrent.
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Défi
Veznec

Le sang goutte doucement de sa lame et abondamment de la gorge de sa victime. Il a attaqué de front sans laisser le temps de comprendre à celui qui agonise à présent à ses pieds. Sous sa courte barbe blanche souillée de rouge il le voit esquisser un sourire moqueur alors que son regard se fait vitreux et qu'il cesse de respirer.
Aussitôt son dernier souffle rendu le grand miroir présent dans la chambre s'illumine, laissant apparaître à sa surface une version dix ans plus jeune de l'homme qui vient de mourir. À la grande surprise de son assassin, celle-ci semble s'adresser directement à lui.

- Bon, commençons tout de suite par le cliché : si tu me vois ainsi c'est que je suis mort et que tu es très probablement celui ou celle qui m'a tué. Partant de ce postulat laisse-moi te dire une chose : "Va te faire foutre !", sauf si tu m'as euthanasié mais me connaissant ça m'étonnerait. Je ne sais pas comment j'ai fini, ce qui est assez frustrant, mais ça le serait encore plus de laisser l'oeuvre de ma vie tomber dans l'oubli. Alors sois gentil, assieds-toi et ouvre grand tes oreilles ça va pas être triste.

Après un court instant de pause que, contrairement à ce qui avait été prévu, l'assassin n'utilisa pas pour s'assoir l'image reprit la parole.

- On va tout de suite passer mon enfance, elle n'a pas d'intérêt : gamin un peu plus intelligent que la moyenne et des parents d'un ennui et d'une banalité incroyables. J'étais remplis de rêve d'héroisme, d'aventure et de grandeur, je voulais devenir un guerrier de légende, un homme riche et puissant alors j'ai fait en sorte de m'y préparer et quand j'eus suffisament d'années et de fonds j'ai rejoint un petit groupe de baroudeurs qui battaient la campagne en rendant des services musclés contre recompenses dorées. C'était des types biens, un peu rustres mais je l'étais tout autant donc on s'est bien entendus. On faisait des petits boulots pour aider les gens, quelques bêtes sauvages, des bandits, des sorciers en cavale, un ou deux démonistes et le soir je brodais nos "exploits" pour en faire des légendes épiques, ça nous faisait beaucoup rire. Bref on n'était pas des légendes mais on faisait du bon boulot jusqu'au jour où sur une voie royale assez fréquentée un dragon nous est tombé dessus. Personne n'avait plus vu un de ces bestiaux depuis des siècles alors autant dire qu'on était pas plus prêt à ça que les marchands avec qui je tapais la causette la minute d'avant. Tout le monde a essayé de se trouver une cachette dans les fourrés en bordure de route sauf une poignée de gus qui semblait avoir vu déjà bien pire qu'un gros lézard volant. Et là mes habitudes de conteur mélangées au stress de la situation m'a fait raconter aux marchands qui étaient là que "mes hommes allaient s'occuper de la bête", j'en ai fait des caisses pendant que mes compagnons m'observaient sans comprendre ce que je déblatairais. Et apperemment j'ai été bon parce que cette bande de richards en panique a décidé de faire un don pour s'assurer de notre protection. J'ai failli m'évanouir devant la quantité de pognon qu'ils m'ont collée dans les pattes. Ensuite pendant que les véritables héros réglaient le cas du dragon on a filé le plus loin possible histoire de réaliser la fortune qu'on venait de récupérer. Pendant le partage, plus que l'or, ce qui m'obsédait c'était l'impact qu'avaient eu mes paroles : de l'or s'était mis à pleuvoir avec une histoire improvisée sous le coup du stress ! Jusqu'où pourrais-je aller en me préparant ? J'allais devenir un messager, j'allais aider les mortels à redresser le monde pour nous guider vers un avenir meilleur !

L'image dans le miroir s'interrompit un instant laissant ses mots se suspendre dans l'air.

- Honnêtement, j'étais crédible non ? reprit-il rapidement. À force de répéter les mêmes laïus c'est devenu une seconde nature : ce jour-là j'ai plutôt décidé de devenir un magnifique escroc. J'ai planté ma première graine quelques semaines plus tard pendant qu'on jouait les chaperons de luxe pour un groupe de gosses de riches en mal d'émotions fortes. Je leur ai servi une soupe à propos d'une organisation secrète chargée d'éliminer les groupes néfastes les plus dangereux de notre monde. Je demandais une donation et ils ont voulu s'engager ! Après tout pourquoi pas si je pouvais les ponctionner régulièrement ? J'ai continué avec la même recette puis mes "recrues" se sont également mis à recruter et tout s'est accéléré. C'est lorsqu'un de mes fidèles a été pendu pour avoir tué trois personnes qu'il avait jugées être "des menaces pour l'ordre du monde" que j'ai compris que j'avais un truc vraiment puissant entre les mains mais que je devrais le manier avec précaution. Il fallait que je leur donne des consignes claires et nettes et de quoi s'exprimer sinon ça allait me pêter au nez d'une façon ou d'une autre. C'est à ce moment là que les dieux m'ont sourit ou plutôt un truc qui ressemble à un dieu. Un de mes compagnons était, bien malgré lui, en lien avec une entitée extra-planaire puissante, rancunière et peu fréquentable. Ce truc avait repéré mon petit manège et mes motivations peu glorieuses alors elle m'a proposé un marché : mes "Enfants du Chaos", comme j'avais commencé à les appeler, tuaient ses ennemis dans notre monde et en échange il me donnait de quoi les tenir sagement. C'était tout bénef pour moi : mes fidèles avaient une cible et moi un allié puissant ô combien généreux avec ses amis : mes enfants étaient dangereux, grâce à lui ils sont devenus une armée implacable. Ses ennemis ont été décimés sans comprendre qui s'en prenait à eux et les Enfants du Chaos se sont imposés dans le monde souterrain. Pour leurs esprits ensorcelés ma parole était loi, ils tuaient et mourraient pour la "cause" sans réfléchir ou se plaindre, il fallait juste que je limite le recrutement pour que le charme reste efficace. Officielement je suis devenu un marchand avec une entreprise florissante, officieusement j'ai fondé un empire criminel secondé dans ma tâche par près d'un millier de fanatiques dévoués et dopés par un associé pseudo-divin avec qui je m'entends toujours aussi bien. Je n'ai aucune idée de l'étendue de ma fortune mais je suis mort comblé, ça j'en suis sûr. L'argent n'a pas fait mon bonheur mais cette sensation de manipuler l'esprit et la vie de d'autant de gens par mes paroles en revanche oui. C'était pas très moral mais j'ai donné une raison de vivre à tout un tas de gens. Maintenant pour toi, mon assassin qui sait mon plus grand secret, que les Enfants du Chaos qui vivent et meurent pour ce monde ne sont que les jouets d'une vaste escroquerie, mon dernier secret en date. Lorsque j'ai moi-même égorgé son tout dernier adversaire mortel, mon associé divin m'a fait un cadeau : un nouveau coeur. Si celui-ci n'est pas extrait de ma poitrine, quelles que soient mes blessures il me faut cinq minutes pour m'en remettre.

Les derniers mots échappent à l'assassin il ne perçoit que vaguement la douleur et les craquements de son crâne lorsque un chandelier le lui fracasse. Alors qu'il titube il sent sa mâchoire se briser sous un second coup, puis il chancèle et s'écroule.

- Comme quoi on ne change jamais, lâche sa "victime" en levant son arme improvisée pour l'achever, je suis toujours un peu rustre.

FIN
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Défi
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Je déteste mon boulot, c'est un boulot merdique qui me bouffe la vie et la santé mentale. Il est dangereux et je cotoie des gens infects qui me donnent envie de me laver à l'acide, ou de LES laver à l'acide.
Pourquoi je continue ? Parce que je ne suis pas prêt à faire face aux conséquences néfastes d'une démission. On me dit que je peux partir, sous conditions, si j'en ai envie mais je ne tiens pas à vérifier la sincérité de mes patrons, c'est un pari que je ne suis pas prêt à faire.
Pour en revenir à mon boulot, il est relativement basique : je suis livreur-préparateur et là je termine une livraison.

Une fois le fourgon garé je prends le temps d'avaler une gorgée de café de mon thermos et repense au jour où ma fille me l'a offert. L'objet en soi est basique et sans attrait mais le cadeau d'une fillette de cinq ans vaut plus que son poids en or. Le jour de mon anniversaire il y a quinze ans j'avais dû partir travailler avant l'aube et cette petite s'était débrouillée pour se réveiller avant moi afin de le remplir et de me l'offrir. Ce fut une belle journée peu importe à quel point elle fut aussi merdique que les autres.
Fini la nostaglie il est temps de s'y remettre, je sors rapidement de mon véhicule, ouvre les portes arrières et sors le colis du jour. Ce qu'il est lourd bon sang ! Rien que pour cette partie là je cracherais pas sur un assistant, je vais finir par me luxer quelque chose avec toutes ces charges que je me trimballe...
J'installe machin sur le siège prévu à cet effet et lui retire le sac qu'il a sur la tronche. Si on oublie son air un peu perdu et la petite dose de sang seché il ressemble trait pour trait au type que j'étais sensé ramener. Une fois au lieu du client j'avais attrapé son petit frère, ça avait fait de ces histoires...
Puisqu'il semble toujours être un peu dans le gaz autant en profiter. Je sors la glacière de mon coffre, l'ouvre et plonge mes mains dans son contenu gelé. Bon sang ce que j'aime cette sensation du froid mordant et de mes mains qui perdent en sensibilité. Evidemment dès que je lui colle la première droite dans la face c'est plus pareil.
Et je commence à enchaîner les gauche-droite dans sa sale gueule. C'est mieux quand il est pas tout à fait conscient quand je commence, je préfère les grognements de douleur aux cris. Même avec mes bouchons les cris peuvent être vraiment difficiles à supporter dans certains cas.
C'est la partie du boulot qui me fatigue le plus, j'oublie toujours de m'échauffer et une fois que j'ai commencé je préfère pas m'arrêter pour pas perdre le rythme. Il commence à avoir du sang qui lui coule de la bouche et j'ai senti deux dents sauter, il a dû en perdre quatre du coup.
Je lui redresse la tête et j'ai le plaisir de prendre une lampée de sang sur la tronche. Je déteste toujours autant ça mais c'est ce que j'espérais : il est usé mais conscient.

- Alors c'est toi le felé dont tout le monde parle ?

Tiens ? C'est rare qu'ils causent, d'habitude ils me fusillent du regard ou m'insultent. Pour une fois que j'ai le droit à de la politesse, autant la rendre.

- Non moi je suis le blasé dont tout le monde se fout et qui, malheureusement, bosse avec le felé. Crois-moi je m'en passerais bien.
- Alors pourquoi tu le fais ?

C'est que je suis tombé sur un bavard... Etonnament je trouve ça plutôt rafraichissant, j'ai rarement l'occasion de discuter pendant le travail.

- Et toi ? Pourquoi t'as fait crâmer le Red House ? Pourquoi t'as cloué Al Heimes à son comptoir ? Pourquoi tu fais dans le trafic d'armes ? On fait tous nos saloperies pour certaines raisons.

Je lui prends la tête des deux mains et lui fracasse mon genou dans les dents. Le Red House était un bar sympa, j'ai l'impression que ça m'a énervé d'y repenser. De toute façon ce connard mérite bien pire que la dérouillée que je lui mets... Comme tous les précédents colis.

C'est quand il se met à tousser du sang que j'entends l'arrivée en fanfare de LA raison pour laquelle je déteste ce job.

- Hellooooo ! Bien le bonjour partenaire ! Toujours en pleine forme à ce que je vois.
- Bonjour professeur, il est prêt.

Ce putain de savant fou, avec son allure de quadragénaire décrépi en pleine crise existentielle. Un vieux blouson de cuir et des cheveux grisonnants, des gants à clous et des bottes en croco... Bien loin de l'image qu'on se ferait d'un type qui se fait appeler "professeur".
Le felé dont tout le monde parle, un des pires fumiers que je connaisse -et j'en connais beaucoup- et mon responsable direct.

Il sautille jusqu'à la chaise où est installé le colis en me collant une bonne tape dans le dos au passage comme à chaque fois. Et comme à chaque fois je dois me concentrer pour ne pas réagir, pour juste rester impassible et ne pas lui écraser ma glacière dans le visage.

- Appelle-moi "partenaire" voyons, je ne pourrais pas bien faire mon travail sans toi et ton indéniable efficacité. Allez maintenant tire-toi, je sais que tu ne veux pas voir la suite.

C'est le seul truc que j'apprécie chez lui : il a compris que son boulot me répugnait alors il me laisse partir quand il arrive, quand bien même mon boulot implique de m'assurer que tout se passe bien. Il est sadique mais il se déchaine suffisament sur nos clients pour que je sois épargné.

Je quitte le hangar, direction le café du coin, j'ai deux heures à tuer d'ici à ce que ce cinglé ait fini sa soupe, autant attendre au chaud.
C'est quoi son boulot à lui ? Transformer des dangers publics en dangers privés, ce pauvre fumier qui est entre ses griffes va se faire briser, charcuter, anéantir. Il n'y aura pas une seule goutte de sang mais ça sera bien pire qu'avec moi. Son esprit finira tellement fondu qu'il ne pourra même plus regretter mes coups de lattes. Je l'ai regardé faire une seule fois et je suis sorti vomir avant la fin de la première heure après avoir longuement hésité à lui faire bouffer ses putains de bottes en croco.
Quand tout sera fini le colis pourra tranquillement rentrer chez lui, avec un esprit bien réorganisé, pas pour en faire un bon citoyen propre sur lui mais pour en faire une putain de bombe. Il ne parlera jamais de ce qui lui est arrivé ici, en fait il oubliera tout : son trajet, le hangar, moi, le prof et tout ce qu'il a subi... Puis un jour, quand les bonnes conditions seront réunies, quand il entendra les bons mots, verra les bonnes images ou sentira la bonne odeur, il se souviendra de tout ce qu'il a enduré, de toute sa souffrance et surtout il se souviendra de ce qu'il doit faire pour ne pas souffrir à nouveau. Et ce jour-là il fera tout sans la moindre étincelle d'hésitation, peu importe les consignes que ce malade accroc au cuir lui aura données.
Voilà ce que c'est mon boulot en gros : livrer des salopards à un taré pour qu'il en fasse des armes afin d'attraper des salopards plus gros et recommencer encore et encore.

Je suis à deux pas du café quand mon téléphone sonne, c'est une petite mélodie de violon, la sonnerie qui correspond à ma chère petite étudiante. Rien qu'entendre cette musique suffit à me remonter le moral, que me veut ma princesse aujourd'hui ? La dernière fois qu'elle m'a appelé en pleine journée c'était pour m'annoncer qu'elle avait enfin osé inviter cette fille qui lui plaisait depuis des mois et qu'elle avait accepté. Elle avait plus crié que parlé et je n'avais pas pu en placer une mais ça m'avait donné le sourire pendant toute la journée.
Que va-t-elle me raconter aujourd'hui ? Décrochons et écoutons-ça.

- Bonjour monsieur Renner.

Cette voix rocailleuse n'est certainement pas celle de ma fille. En fait je sais précisément à qui elle appartient, au seul homme capable de nous faire passer, moi et le professeur pour des types biens : ce sale tricheur de Calvin Crowe. Pourquoi c'est un tricheur ? Parce que quand on se fait trancher la gorge d'une oreille à l'autre et qu'on se prend une balle dans la tête, le tout dans la même soirée, la règle c'est de crever. Mais ce cher monsieur Crowe a estimé qu'un oeil en moins et une voix de vieux bouffeur de nicotine étaient plus adaptés à son statut de fumier international.
Ce soir-là on avait été envoyés à douze et quatre de ses gars avaient été préalablement livrés au professeur, c'est eux qui avaient commencé le carnage. Le quatuor avait massacré leurs potes come des lions enragés à qui on aurait mordu le cul, c'était sale mais ça nous donnait un bon avantage pour démarrer. Malgré ça le carnage est devenu plus équitable et après l'"exécution" on est ressortis à trois. C'était une autre putain de mauvaise journée de travail.
Et aujourd'hui, après trois ans, cet enfoiré me donne des nouvelles avec le téléphone de ma fille, pas besoin d'être un génie pour comprendre la situation...

- Qu'est-ce que tu veux putain de nazi ? T'as pas des uniformes SS à racommoder ?
- Un ton plus bas monsieur Renner, vous ne voudriez pas qu'il arrive malheur à votre chair n'est-ce pas ?
- Me fais pas chier vieux fumier, tu la tueras dès que j'aurai fait la merde que t'es pas capable de faire toi-même. Alors dis-moi ce que tu veux et abrège !
- Vous n'avez aucun respect pour les convenances, c'est navrant. Mais très bien, ramenez-moi votre acolyte là où tout a commencé entre nous et, si vous venez désarmé, je vous tuerai et libérerai votre fille. Et ce malgré ses penchants douteux.

Rien qu'entendre sa voix me donne envie de lui faire bouffer ses dents et l'oeil qui lui reste. Comme tout aurait été plus simple si j'avais écouté le prof et lui avais ramené... La prochaine fois que je tombe sur un de ces phénomènes je lui arrache la tête et le coeur, histoire d'être absolument sûr.

- Passe-moi ma fille, je marcherai vers la mort pour la sauver, mais je ramènerai un tank si tu lui as fait le moindre mal.

J'entends ce salopard ricaner et donner quelques ordres puis je l'entends elle, je peux presque entendre les larmes qu'elle retient.

- Papa ?
- Salut ma belle, ça va bien se passer.
- Tu vas venir me chercher ?
- Bien sûr. Tu as été une bonne fille ?
- Ou... Oui.

Ses sanglots me brisent le peu de coeur qu'il me reste mais j'ai pas beaucoup d'options pour la suite.

- Teraz możesz się zatrzymać.

Quelques mots en polonais, les seuls que je connais.
Je raccroche et m'assois à même le trottoir, bordel qu'est-ce que j'ai fait ? Qu'est-ce qui est passé dans cette merde qui me sert de cerveau ?

À peine une minute plus tard j'entends à nouveau le violon, il ne me réjouit plus mais il faut quand même que je décroche.

- C'est terminé.
- Bilan ?
- Trois sujets neutralisés, aucun dommage.
- Triple vérification d'élimination, nettoyage personnel et regroupement.
- Très bien, il me faudra une heure pour être là.
- À tout à l'heure.
- À tout à l'heure papa.

Alors que je vomis mes tripes je me souviens de ce que le professeur m'avait dis il y a des années, lorsqu'on a su que Crowe s'en était tiré.
"Il ne t'oubliera jamais, partenaire, et s'il décide de te chercher il te trouvera et il trouvera ta fille. Je peux lui offrir la meilleure des protections, la seule qui lui offre une vie sans histoires si tout va bien et sans danger si non. Considère ça comme un avantage professionnel"


Ma fille est en vie, alors j'imagine que j'ai fait le bon choix mais je n'arriverai sans doute jamais à m'en convaincre. Jamais je n'oublierai ce jour où ma fille a été enlevée et ce que je lui ai fait faire pour qu'elle puisse à nouveau me sourire.
Elle ne se souviendra de rien et reprendra sa vie sereinement, moi je me souviendrai de tout et continuerai cette vie merdique.
D'ici quelques années je la verrai sortir diplomée de son université. Peut-être que je la verrai se marier à cette petite tatoueuse qui a d'abord cru que j'étais un réac homophobe alors que j'avais juste bloqué sur ces magnifiques yeux vairons.
Par contre si le professeur suggère de "sécuriser" ma belle-fille ou les petits enfants qu'elles voudront me donner -trop tôt afin que je me sente prématurément vieux- je jure que je le tue.

Enfin, ça ce sera uniquement si j'ai pas déjà été livré et programmé pour éviter ce genre de débordements...

Je déteste mon boulot.
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Veznec

Deux hommes progressent sur cette route terne et obscure, lentement, silencieusement, presque religieusement.

- Je suis un tueur, dit l'un d'eux pour briser ce silence qu'ils n'ont que trop supporté.
- Pourquoi ? s'enquiert le second.
- Pourquoi veux-tu cette réponse ?
- Lorsque nous verrons le bout de ce chemin je doute de pouvoir l'entendre, je préfère que tu illumines tout de suite mes doutes.
- Pourquoi penses-tu ne pouvoir entendre mes mots d'ici le terme de notre périble ?
- Je discerne peu de choses, l'obscurité se joue de mes vieux yeux, toutefois je comprends que cette route mène à une fin bien méritée pour l'homme que je suis.
- Et quel genre d'homme es-tu ? demande le tueur les yeux tournés vers son interlocuteur.
- Tu ne réponds guère aux questions pour un homme qui pose presque les mêmes, souligne le vieil homme, une esquisse de sourire sur les lèvres.
- Privilège de la jeunesse que de vouloir les réponses de ceux qui les ont précédés. Ils ont eu le temps d'y réfléchir et de les trouver.
- Un point pour toi jeune insolent.

Le silence revient, ils s'y retrouvent enveloppés, noyés. Le plus jeune le brise une seconde fois.

- Tu comptes me donner une réponse ?
- Je doute qu'elle te serve.
- Je suis emplie de pensées jugées inutiles et pleines de promesses, j'en veux une nouvelle. Je les collectionne.
- Curieux hobby.

Encore une fois, le silence.

- Eludes-tu encore mes questions ?
- Non, je prends le temps de réfléchir, je choisis mes mots. Pour te répondre : je suis un boucher, je suis pour toi ce que le meilleur des vignerons est pour un verre de vin quelconque. De mes mots, des mes ordres, des milliers de gens ont tué et des millions sont morts. Je mérite d'être tué bien plus que de m'endormir d'un sommeil éternel. Cette vie fut un enfer pour moi et pour tous ceux qui m'ont connu.
- Pourquoi ces choix si tu en souffres si intensément ?
- On ne mesure les conséquences que lorsqu'elles nous occultent toutes nos libertés jeune tueur. Penses-y plus que moi, qui fut précemment un simple tueur tout comme toi. Peut-être que tes réflexions réceleront une fin bien différente.
- Impossible.

Les pieds du vieil homme stoppèrent net, puis ceux du tueur en réponse et les deux hommes se fixèrent.

- Pourquoi en es-tu si sûr ? Pour tous on peut trouver de l'espoir.
- Bien sûr, seulement pour nous il n'est plus temps d'y penser.
- Pourquoi donc ?
- Nous sommes morts. Toi empoisonné, des volontés de tous ceux qui t'ont connu personnifié par le dernier des tiens, le fils de celle qui fut ton égérie d'un temps bien trop court. Moi simplement oublié, détruit lorsque les derniers principes de ton existence sont devenus trop légers sous le poids du pouvoir et de l'orgueil. Lorsque le petit tueur en quête d'un moyen de survivre et perclus de remords, s'est mué en boucher désireux de créer un empire de terreur et de douleur.

Le vieil homme ne dit rien quelques minutes, ou peut-être quelques heures, puis reprit.

- C'est donc fini... Je ne me sens nullement troublé, c'est très bien comme fin pour moi.
- C'est fini pour moi, je n'existe plus depuis longtemps, toi il te reste encore ton jugement.
- Les dieux m'observent venir vers eux.
- Les dieux, les démons ou des êtres encore bien différents. Le mystère est encore long.
- Merci d'être revenu me voir etmes excuses pour cet oubli fort discourtois.
- C'est le minimum, c'est moi qui fis les premiers choix et ceux qui eurent les pires conséquences.

Les deux hommes s'étreignirent doucement puis reprirent leur route, lentement, silencieusement, presque religieusement.

FIN
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Veznec

PROFESSIONNALISME
Qu’est-ce qu’un professionnel ?
Certains diraient que c’est celui qui fait son travail proprement sans bavure, d’autres que c’est celui qui ne laisse aucune trace, d’autres encore que c’est celui qui exécute son contrat quoi qu’il arrive et quoi qu’il puisse lui en coûter. Personnellement je pense qu’un professionnel c’est peu de tout ça. Un professionnel c’est quelqu’un qui fait ce pourquoi on le paye sans poser de questions et qui survit pour recommencer. Être un tueur professionnel est un travail qui rapporte mais c’est également un travail extrêmement dangereux si on ne fait pas très, mais alors très, attention. Le service de sécurité employé par la cible, les forces de l’ordre, les services secrets, les associés, amis ou membres de la famille de la cible et même le commanditaire de l’exécution, ça fait beaucoup de personnes pouvant souhaiter la mort du professionnel engagé pour accomplir l‘assassinat.
Tueur professionnel c’est un métier dangereux, ingrat et difficile mais qui paye suffisamment pour que ceux qui choisissent cette voix continuent de bosser. Enfin continuent… Jusqu’au jour où ils évaluent mal les risques et y laissent leur peau. Ça va faire près de sept ans que je tue et je n’ai encore jamais entendu parler d’un professionnel qui a pu profiter de tout le fric qu’il avait gagné après avoir décidé de se ranger. Ce boulot offre une retraite confortable mais bien peu en profite, je sais de quoi je parle : j’ai personnellement exécuté un couple d’assassins qui avaient décidé de partir en lune de miel après cinq ans à deux consacrés au meurtre. Je les ai laissés profiter de leur nuit de noces, puis je les ai abattus tous les deux à bout portant dans leur sommeil, d’abord le mari puis sa femme. Je suis un salopard mais parfois je me surprends à faire preuve de considération, lorsque ma cible est un couple je leur laisse toujours une nuit ensemble avant d’agir. Il m’arrive aussi d’attendre quelques jours pour que ma cible puisse célébrer son anniversaire, ou les fêtes de Noël. Je ne sais pas trop pourquoi, mais je trouve ces petits détails importants. Tout aussi important, je n’utilise jamais de poisons ou d’explosifs, ce sont des méthodes que je juge odieuses et risquées. J’utilise principalement des armes à feux et en de très rares occasions des lames ou des fléchettes. Mon arme de prédilection restera toujours le fusil de précision, particulièrement les Dragounov. Je ne suis pas un tireur du niveau de Häyhä, Sidorenko ou Zaïtsev, mais je suis suffisamment doué pour que mes cibles ne se relèvent pas quand je prends mon temps. Et puis il faut bien admettre que j’adore cette sensation de contrôler la vie de quelqu’un qui ne sait même pas qu’il y a quelqu’un aux commandes. Si seulement je pouvais en parler à ma psy...
Ma montre laisse s’échapper un bip, j’ouvre les yeux et quitte mon fauteuil, l’heure a sonné il faut que je me mette en position.
Je parcours rapidement la distance qui sépare le fauteuil dans lequel j’attendais de mon poste de tir où m’attends mon fusil, un Dragounov. Je m’allonge sur le sol et prends mon arme en main, en faisant attention à ne pas le déplacer : ça m’a pris une heure pour le positionner de façon optimale.
Je colle mon œil à la lunette de visée et observe la salle de réunion située dans le bâtiment d'en face. Une pièce terne sans vie et sans décoration, sans même une plante verte ou une mauvaise peinture. A croire que cette pièce a été agencée spécifiquement pour les exécutions de contrat. A bien y réfléchir, considérant la raison de ma présence et au vu des individus qui vont arriver sous peu, en fait, ça ne m'étonnerait pas.
Ils arrivent une minute après mon installation : cinq hommes comme prévus. Je les identifie tous immédiatement.
Le premier s'appelle Jeremy Biret : second président directeur général de Biret Industries, le plus gros fournisseur d'armement lourd de toute l'Europe, possédant également des filiales dans de très nombreux domaines : de l'automobilisme à la pharmaceutique. L'homme en lui-même est un soixantenaire bien conservé au crâne recouvert d'implants capillaires et au costume hors de prix. Selon les rumeurs il ne recule devant rien pour accroître son marché : escroquerie, chantage, espionnage, meurtre... Tout est bon tant que cela lui est profitable.
Vient ensuite Nicolas Biret : le fils de l'actuel P.D.G, un jeune blanc-bec ressemblant à la caricature du gosse de riche arrogant qu'il est. Malgré ses défauts qui sont légion le jeune Biret est au moins aussi rusé que son père et n'a pas attendu d'empoigner les rênes de l'entreprise familiale pour se créer une sécurité financière. Il a épousé la fille du président d'une très importante compagnie d'assurance anglaise, président qui est mort dans un accident de voiture en rentrant de la cérémonie de mariage. Quant à sa femme, elle est morte lors du voyage de noces, apparemment dans un incident impliquant des alligators. Il y a des gens qui manquent de chance dans la vie, et le jeune Biret n'en fais pas partie, cette « double tragédie » lui a fait gagner une vraie fortune qui lui permet de mener la grande vie sans dépendre de l‘argent paternel.
Le troisième à entrer est William Lark : si les Biret ne sont que des hommes d'affaires dépourvus du moindre scrupule et tuant avec une certaine facilité, Lark lui est un authentique criminel, un trafiquant de classe international recherché dans plusieurs pays, fournissant tout ce que les gens sont prêts à acheter aux quatre coins du monde : drogues, diamants, humains, organes et bien sûr, armes. C'est le principal convoyeur de Biret Industries, son formidable réseau s'assurant que leurs engins de mort arrivent à la tonne dans des pays où il n'est pas bien vu de vendre de l'équipement lourd à tous les camps. Contrairement aux deux autres Lark est un homme de terrain qui n'hésite pas une seconde à se salir les mains, enfin, quand il sait qu'il ne risque pas d'y laisser sa peau. C'est sûrement pour toutes ces raisons qu'il est un associé et un ami proche du père Biret. Les infos que j’ai sur Willie n’indiquent pas de quel pays il vient, apparemment c’est quelque chose qu’il n’aime pas que les autres sachent, mais il y a un je-ne-sais-quoi dans son allure qui me dit qu’il vient de Floride ou de Russie. Et puis après tout je m’en fous.
Le quatrième est le plus dangereux de l’ensemble : Karl Wiegler. Un assassin professionnel, un expert dans l’art de donner la mort made in Germany. À la base c’était un « simple » tueur à gages qui a reçu pour consigne de liquider Biret senior peu après qu’il ait pris la tête de la compagnie, mais un gros chèque l’a convaincu de faire disparaître ses employeurs à la place. Je suis sûr qu’il y a beaucoup de ses confrères qui ont critiqué ce flagrant manque de conscience professionnelle, personnellement je comprends qu’un assassin cherche à avoir toujours plus et ce choix lui a plutôt réussi. Par la suite il a bossé comme tueur personnel de la famille Biret pendant des années avant de se calmer : rattrapé par l’âge il s’est mis à fournir des assassins à ceux qui payent, tout en devenant un associé officiel des Biret, ainsi qu’une sorte de garde du corps pour les cas extrêmes. Un tueur professionnel qui se transforme en boite d’intérim, lorsque j’ai appris ça j’en ai hurlé de rire. Mais après tout, c’est toujours mieux que de se faire descendre parce qu’on est plus assez en forme, je crois qu‘il a choppé une sorte de cancer des os, c‘est moche mais toujours moins vicelard que la cécité. Si un jour cette tuile m’arrive je pense que je me ferais sauter la cervelle, je pourrais pas vivre aveugle : non seulement je pourrais plus me servir des mes flingues mais en plus je devrais vivre en assisté la quasi-totalité du temps et ça, je pourrais jamais l’accepter. J’ai déjà assez de problème à gêrer.
Je me demande ce que ces quatre types choisiraient de faire s’ils devenaient subitement aveugles : Jeremy Biret, je suis sûr que ça changerait rien, à son âge et avec son pognon il tiendrait le choc peinard ; son fils ça serait sans doute plus dur, c’est difficile de frimer dans une jaguar quand on ne peut même pas toucher au volant, malgré son fric il est trop jeune et il a trop d’égo pour supporter un tel handicap, mais ça m’étonnerait aussi qu’il ait les tripes de se suicider, à mon avis il deviendrait une larve ; Lark, c’est sûr qu’il le supporterait pas, c’est un voyageur il a vu des endroits magnifiques et il voudra les revoir et en découvrir d’autres, lui je suis prêt à parier que s’il devient aveugle il fera le même choix que moi ; Wiegler lui c’est sûr qu’il continuera à vivre malgré la cécité, il est solide, la seule chose dont il a besoin pour vivre c’est d’avoir le contrôle et il n’a pas besoin de ses yeux pour contrôler son existence, c’est d’autant plus vrai maintenant qu’il délègue.
Le dernier arrivant est l’intrus, sûrement le type le plus intéressant du groupe : quelqu’un de bien. Un profiler se demanderait tout de suite ce qu’il fait là et la question serait légitime. Il s’agit de Vincent Malgor : une sorte d’activiste internationale qui a commencé à se faire connaître en critiquant ouvertement ceux que tout le monde applaudit en cachette. J’ai énormément d’infos sur lui, il n’a que deux défauts : il est né dans une famille de riches industriels, ce qui lui a apporté une présence au niveau médiatique mais aussi une suspicion d’hypocrisie plutôt malvenue, et surtout il parle beaucoup trop fort, dans tout les sens du terme. Il n’a pas encore trente ans et il a déjà suffisamment d’ennemis pour s’occuper pendant tout le reste de sa vie.
Il n’a pas encore attaqué le dossier Biret et Cie, pas encore à son niveau, trop gros poisson, il devait attendre d’avoir une plus grande influence dans le monde. Je me demande s’il se rend compte à quel point les personnes qui l’entourent sont dangereuses. Sûrement pas sinon il ne serait pas là, ou alors il est incroyablement stupide. Il doit penser que ce sont juste des hommes d’affaires pas très nets exploitant leurs employés et faisant en sorte de s’enrichir de plus en plus. Aucune chance qu’il se doute que les quatre individus qu’il a face à lui ont déjà tous tué quelqu’un, et à plusieurs reprises.
C’est facile de savoir de quoi ils vont parler : les plus riches vont féliciter le jeune Malgor pour ses récentes actions, puis ils vont subtilement glisser dans la conversation les dangers de ses prises de positions, l’importance de bien choisir amis et ennemis et lui faire comprendre qu’il est important d’avoir des alliés influents. Après je ne suis pas sûr du niveau de subtilité de la conversation : ça peut aller de la douce tentative de corruption à la menace pure et simple d’une élimination méthodique de lui et de l’ensemble ses proches. Je pense que ça dépendra essentiellement de l’humeur de Biret senior étant donné que c’est lui le chef du quatuor.
Dans tous les cas, si Malgor est fidèle à sa réputation il y a fort à parier que le vieux va essuyer un solide refus, chose qu’il n’apprécie pas particulièrement et, quand on a son fric et son pouvoir, ça se comprend. À une époque quand quelqu’un qui n’était pas membre du « clan Biret » rejetait une offre du patriarche ça se traduisait généralement par une exécution à bout portant de l’allemand de service, maintenant ils sont plus civilisés, le cœur du patriarche n’est plus tout jeune et Wiegler a les os fragiles, du coup ils délèguent. Dans les faits ça ne change rien : un refus entraîne toujours une élimination sommaire mais ils doivent apprécier l’idée que l’insolent ne puisse même pas voir la mort arriver.
La discussion commence et je vise la tête de Malgor, ses cheveux sont trop brillants pour que ce soit naturel il doit y mettre du gel ou quelque chose dans ce genre là. Bon sang, comme je déteste attendre avec mon fusil en main ! J’ai toujours peur d’attraper une crampe ou de me crisper au mauvais moment. Que cette discussion est longue ! Ils ne pourraient pas abréger les quatre comiques ? Lui dire directement ce qu’ils attendent de lui et avoir l’air faussement déçu quand il les enverrait sur les roses ? J’ai l’index qui me démange, je veux tirer !
L’expression sur le visage de Vince passe du sourire sobre au froncement de sourcils discret : ça se précise ! Il commence à percevoir les insinuations douteuses de ses hôtes et s’en vexe intérieurement. Le vieux continue de parler, l’ami des alligators a un sourire narquois, l’américano-russe sort une cigarette et le conseiller pôle-emploi semble rechercher d’éventuelles tâches sur la baie vitrée. On y est presque, trois personnes sur cinq sont déjà sûrs de ce qui va bientôt se passer dans cette pièce.
Je recentre mon viseur sur Malgor, je reconnais son expression : c’est celle de l’idéaliste qui n’admet pas que l’on doute de ses convictions, il est officiellement outré par les propositions qu’il a entendu. Il n’y a aucune trace de peur sur son visage ni de surprise : il n’y a pas eu de menaces, le patriarche était de bonne humeur. Pas de chance ça ne va rien changer à la suite.
Dans un coin de ma lunette j’aperçois William Lark allumer la cigarette qu’il a sorti, c’est le signal que j’attendais. Wiegler a été clair : si Lark allume une cigarette j’abats Malgor d’une balle dans la tempe, Jeremy Biret n’offre jamais de deuxième chance. Je pose mon doigt sur la détente et inspire doucement, au bout du compte je pense qu’on pourrait dire que je suis un professionnel.
Mais « on » se tromperait lourdement.
Je fais glisser mon viseur et presse la détente : Jeremy Biret bascule en arrière sur sa chaise alors qu’un trou apparaît sur son front.
Je recharge en un instant, vise tout aussi rapidement et tire une seconde fois : ma balle atteint Wiegler à la tempe alors que sa main droite se trouve dans sa veste, sans doute à la recherche de son arme.
Je recharge encore et tire une troisième fois : le veuf va retrouver sa femme avec le visage en morceaux, je l’ai touché entre les deux yeux, juste à la racine du nez.
Alors que je vise pour mon quatrième tir, dans ma lunette, je croise le regard de Willie en train de se lever. Good Bye Tovarich. Je presse à nouveau la détente : le globe-trotter tombe à la renverse avec une balle dans l’œil.

PUTAIN QUE C'ETAIT BON !

Je suis loin d’être un professionnel, moi, je suis juste un taré de fils de riche qui prend son pied en butant des salopards.
Vinnie est tétanisé sur sa chaise, des éclaboussures de sang sur le visage, il ne remue même pas un cil. Il ne s’attendait pas plus à ça que les quatre autres et lui n’a aucune expérience dans le domaine. Il bougera pas avant au moins une demi-heure tellement il est choqué par ce qu’il vient de se passer et, considérant l’insonorisation de la salle, j’ai largement le temps de m’en aller.
J’abaisse mon fusil, me redresse et m’étire avec un grognement. Peu importe combien de temps je reste allongé à viser, c’est toujours trop long.
Je remballe mes affaires sans me presser, le temps que les flics arrivent je serais en route pour l’aéroport. Je boucle ma valoche et jette un dernier coup d’œil au bâtiment d’en face, je crois que Vince a changé de position mais je suis pas sûr avec la distance. Il est vraiment trop sensible, quatre macchabées c’est quand même pas la mort.
Bon sang frangin, si tu savais à quel point t’es passé prêt de claquer ! Si Wiegler avait su qui se cachait derrière mon pseudo un vrai pro t’aurait régler ton compte. Et honnêtement, si t’avais été de la même trempe que moi ou papa, ou même si t’avais accepté l’offre du père Biret je t’aurais flingué en même temps qu’eux. T’as de la chance : je flingue jamais des gars bien quand je peux flinguer des enfoirés dans la même série, j’ai horreur des mélanges.
Je quitte la chambre en vérifiant que j’ai rien oublié : j’ai horreur de perdre des affaires, après on se moque de moi en me traitant de distrait.
Mon téléphone sonne, qu’est-ce que c’est encore ? Oh non, pas lui !
Si je refuse l’appel il va insister pendant des heures, il est lourd !

- Arrête de m’appeler à chaque fois ! T’es chiant de toujours me considérer comme un gosse !

Zut, je l’ai énervé, il hausse pas la voix mais je le sens. Il va encore me faire un sermon.

- Désolé papa, c’était grossier. Je sais que tu t’inquiètes pour moi et pour Vincent, mais tout va bien, il a juste gagné quelques cheveux blancs. On sera tout les deux là pour l’anniversaire d‘Alex, t‘en fais pas.

C’est quand même pas passé loin mais je vais pas lui dire ça. Pendant un très court instant j’ai pensé que Vinnie allait peut-être accepter l’offre qu’on lui faisait.
C’est pas vrai, il a encore des choses à dire ! Après le sermon familial, le discours professionnel.

- J’ai pas envie de parts de Biret Industries. Rachète tout si tu veux mais pas besoin de m’en filer. Il faut que je te laisse, embrasse maman pour moi.

Ce coup-ci je raccroche, un père aussi envahissant c’est vraiment pas un cadeau.

- Un jour je te ferais la peau vieux salopard.

Pourquoi j’ai dit ça ? Je sais pas pourquoi je pense ça. Je sais vraiment pas pourquoi.
Malgré son côté surprotecteur par moments c’est plutôt un bon père : il m’a bien éduqué, moi et mes frangins. Il en a favorisé aucun et c’est bien occupé de nous avec maman, il a toujours fait en sorte que ses affaires pas très nettes n’aient pas de mauvaises influences sur notre enfance, il a accepté mon coming-out sans même lever un sourcil et il m’a même offert mes premiers flingues et une entrée dans le milieu quand il a compris que pour moi tuer était à la fois un plaisir et un besoin. « Autant joindre l’agréable à l’utile » qu’il a dit en me filant mon premier dossier d’exécution.
Mine de rien, en y réfléchissant, s’il avait pas fait de moi un tueur à gages, qu’est-ce qui ce serait passé ? J’aurais peut-être continué à égorger des dealers et à poignarder des proxénètes jusqu’à ce que je finisse par tomber sur un trop gros groupe et qu’on me retrouve mort dans le caniveau. Le scoop dans les journaux le lendemain ! « Le cadet de la famille Malgor retrouvé mort dans une ruelle. » Ma mère en aurait fait une attaque. Bon dieu, si j’avais été responsable de la mort de maman je crois que je me le serais jamais pardonné.
Malgré ça, ça fait des années que je me dis qu’un jour je vais le flinguer : c’est un salopard fini, une ordure au moins du même niveau que le vieux Jeremy et en plus il a transformé un de ses gosses en tueur international.
Je sais que je prendrai aucun plaisir à le tuer mais je sais aussi que si je le fais pas j’aurais un sentiment de « pas-fini ». Boucler la boucle, parfois ça me parait évident et parfois je ne me comprends pas. Encore un truc dont je ne peux pas parler avec ma psy...
J’atteins le parvis de l’hôtel, le ciel est bleu, le soleil brille, la journée n’est pas encore fini, mais perso moi j’ai fini. Je dois rentrer chez moi et il faut aussi que je trouve un cadeau pour l’anniversaire d’Alex. Qu’est-ce qui pourrait bien lui faire plaisir ?
Je m’éloigne de l’hôtel tout en y pensant, jamais prendre un taxi juste à côté d’un lieu de planque ou d’exécution, vieux conseil que m’avait donné Wiegler : les chauffeurs de taxi ont parfois une mémoire étonnante.
J’attends dix minutes de marche avant de chercher un taxi. Ah ! Au moins j’ai pas à attendre longtemps : en voila un qui m’a repéré avec mon barda.
J’enfourne tout dans le coffre de la voiture avant même que le type qui est au volant ne soit sorti pour me donner un coup de main. Merci mais j’ai pas encore besoin d’aide pour ce genre de choses.
Je referme le coffre et prends un moment pour profiter de tout ce qui m’entoure : la grande rue, les bâtiments, les petites ruelles, les pigeons et les passants. J’aime bien ce sentiment que j’ai une fois que j’ai fini tout ce que j’avais à faire, juste avant de rentrer. Un sentiment de plénitude qui me ferait presque oublier toutes mes questions vis-à-vis de la famille.
Attends. Qu’est-ce que je viens de voir là ?

- Lancez le compteur je reviens. J’ai oublié de régler un petit détail.

Je m’éloigne du taxi et avance vers la ruelle et le type en blouson rouge informe qui y est planté. Le mec me voit m’approcher avec une démarche qu’il connaît : celle du client qui a reconnu un vendeur. Un léger sourire se dessine sur ses lèvres alors qu’il recule dans la semi-obscurité, hors de vue des curieux.
Je ne peux pas m’empêcher de sourire alors que, dans la poche de mon manteau, ma main entre en contact avec le manche de mon couteau. Revenir aux fondamentaux, ça permet de se calmer l’esprit. Je devrais arrêter de me prendre la tête avec de la philosophie à la con. Je devrais juste me concentrer sur quelque chose de simple, me concentrer sur ce que je suis.
Un taré de fils de riche qui prend son pied en butant des salopards.

FIN
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Le maire pissait sur ces inspecteurs, une situation qui, à elle seule, était déjà navrante, déprimante et dommageable pour le concept de dignité humaine. Mais ce qui aggravait encore plus ce triste constat qui n'avait pourtant pas besoin de ça, c'est qu'il n'en était pas à son coup d'essai. Il s'agissait en effet de la douxième journée où d'honnêtes travailleurs gouvernementaux se faisaient agresser d'une façon particulièrement difficile à supporter d'un point de vue psychologique.

Il y avait tant de choses que Thomas, le principal adjoint du maire, ne comprenait pas dans cette situation : Pourquoi tant d'inspecteurs venaient dans ce petit village de campagne ? Pourquoi le maire n'avait-il pas été arrêté ou au moins rappelé à l'ordre ? Pourquoi des inspecteurs continuaient de venir ? POURQUOI LE MAIRE PISSAIT SUR DES GENS DEPUIS SON BALCON ?!

La première fois Thomas s'en souvenait comme si c'était hier : le maire était allé à une petite foire organisé par les éleveurs locaux et l'homme étant très apprécié il en était revenu ivre. Thomas l'avait laissé à son bureau pour aller ouvrir à la personne qui venait de sonner et il en avait profité pour se soulager au soleil... Thomas n'oublierait sans doute jamais le regard ahuri de ce trentenaire bien apprété derrière les carreaux de la porte ni le râle de satisfaction venant du balcon. Les deux hommes s'étaient fixés sans dire un mot jusqu'à ce que l'un d'eux tourne les talons et s'en retourne à son véhicule.
Le maire avait réussi à être mortifié malgré sa gueule de bois lorsque Thomas lui raconta l'évènement et pour cause : l'homme qui avait subbit un improbable douche était un inspecteur de la repression des fraudes ayant innoportunément décidé de venir un jour plus tôt que ce qui était initialement prévu.
Il était revenu deux jours plus tard avec un niveau d'arrogance étonnament élevé et même s'il n'avait pas assisté à la conversation entre les deux hommes Thomas avait rapidement compris que le maire s''était senti offensé par ce jeune parvenu de la grande ville. Il l'avait compris environ deux minutes avant qu'il ne se rue au balcon pour arroser une seconde fois l'inspecteur, cette fois-ci alors qu'il s'en allait. Le volume avait été bien moindre mais l'étincelle de joie dans les yeux de son patron avait inquiété Thomas

L'avenir lui prouva qu'il avait eu raison

Que ce soit poussé par une incompréhensible hargne ou par une volonté de maintenir une nouvelle tradition, à présent le maire passait ses journées à patiemment boire des litres d'eau sans jamais d'approcher des toilettes avant que les heures de travail légales ne soient passées . Jusqu'à présent il ne s'était jamais "trompé", toutes ses infortunées victimes étaient bel et bien des inspceteurs de ceci ou celà. Certains repartaient sur le champ, d'autres se plaignaient, quelques-uns restaient dignes et continuaient leur mission comme s'il ne s'était rien passé.

Celui du jour avait sonné tout en déployant un parapluie, prouvant que les fonctionnaires de la grande ville avaient commencé à comprendre le principe et à communiquer entre eux. À quelques pas de la porte d'entrée Thomas voyait ce qui ressemblait à une équipe de télé de la chaîne locale.
Voilà que le village allait devenir célèbre pour son maire pissant depuis le balcon sur les envoyés officiels...

Peut-être était-il temps de songer à déménager.
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Je n'attendais personne, comme chaque jour. Quand j'ai ouvert la porte, je n'étais même pas à me demander qui venait à une heure pareille : cela n'avait pas d'importance, rien n'en avait. Plus rien dans ma vie n'avait la moindre importance depuis vingt ans, depuis ce jour d'enfer où l'amour de ma vie m'avait été arrachée. J'ai jamais eu l'ambition d'être un grand homme ou même quelqu'un de bien, mais pour elle j'aurais défié les dieux. Quand je l'ai perdu j'ai perdu tout ce qui méritait mon attention et ma vie. Et pourtant quand j'ai ouvert la porte et que j'ai vu cette femme qui me fixait avec un regard plus froid que le mien face à un miroir, j'ai senti mon sang se mettre à bouillir : j'ai tout de suite compris qui elle était. On ne s'était jamais rencontré, ni même parlé, mais j'avais beaucoup entendu parler d'elle : Layla, celle qui avait tué ma femme. Celle qui avait condamné ma vie au néant. Je n'ai jamais été haineux ou vindicatif, sinon je pense que je l'aurais étranglée sur place,après tout à quoi bon ? Je sais que ma femme l'avait aimée, même si cela avait conduit à une monstrueuse trahison. Je donnerais tout pour changer le passé mais son avenir m'indiffère autant que le
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Confortablement installé devant son ordinateur, il soupire et appelle son dernier contact, qui répond presque aussitôt. Comme à leur habitude il entame la conversation par un proverbe, ils ont toujours fait ainsi.

- Mieux vaut rater sa chance que de ne pas l'avoir tentée.
- Proverbe chinois, un peu casse-gueule mais pas dénué d'un certain bon sens, je m'en souviendrai.
- Hé Jeff ?
- Qu'est-ce qu'il y a ?
- Tu t'es déjà demandé ce que tu ferais si c'était la fin du monde demain ?
- Ouais.
- Et du coup ?
- Je suis arrivé à la conclusion que j'aimerais être prévenu un peu plus en avance : une journée c'est pas assez en ce qui me concerne.
- Rah, mais c'est pas le jeu ça comme réponse.
- La fin du monde ne correspond pas à ma définition d'un "jeu". T'as une idée du nombre de trucs que j'ai entamés sans prendre le temps de les finir ? Du nombre de personnes que j'aurais envie de voir pour boire un dernier coup ? Comme je disais j'ai pris le temps d'y penser et ça me ferait un sacré planning !
- À ce point ?
- Et ouais, c'est pas parce que je suis toujours là et à l'écoute que je peux pas avoir une vie en parallèle, Jack. Je suis multi-tache, le fait de discuter avec toi ne m'empêche pas de suivre l'évolution du dollar du Zimbabwé par rapport aux autres monnaies !
- Hein ?
- J'ai dit que j'étais multitâche pas que toutes ces tâches étaient forcément logiques. Je sais pas trop comment j'en suis venu à rechercher ça mais voilà. Et toi ça serait quoi ton final pré-apo ?
- Moi j'essaierais d'empêcher la fin du monde.
- Monsieur joue les héros.
- Il en faut bien un ou deux non ? Et comment tu provoquerais la fin du monde ?
- Tu m'as déjà posé la question le mois dernier Jack, et ma réponse n'a pas changé. Un piratage massif des réseaux de communication afin de couper les-dites communications internes des superpuissances et créer un black-out hyper anxiogène. Aussitôt on bombarde tous les sites sensibles du même genre d'informations nerveuses appelant à une réponse armée immédiate, statistiquement il y aura forcément un con qui fera le truc stupide qui déclenchera la réaction en chaîne propice à la guerre éclair et totale conduisant à la fin de la civilisation.
- Ca prendrait combien de temps ?
- En théorie je peux lancer ça immédiatement pour un résultat effectif entre deux et cinq heures.
- Et en pratique ?
- Tu veux que j'essaie ?

Jack soupira légèrement, laissant le silence s'installer quelques instants avant de reprendre sur un autre sujet.

- Qu'est-ce que tu es Jeff ?
- Je dirais que je suis un programme d'analyse, de calculs prévisionnels et de réflexions poussé à l'extrême et agrémenté d'un semblant de compréhension des émotions humaines pour donner à l'ensemble quelque chose s'apparentant à une personnalité, en l'occurence celle de ton défunt ami qui a théorisé mon système de focntion... Oh.
- Oh, confirma Jack. Tu devines la suite ?
- Je ne la devine pas je la comprends : je suis trop intelligent, trop puissant et malgré tout incapable d'appréhender correctement le comportement humain et les conséquences de mes actes et même si je suis multitâche ce n'est vrai que pour ma capacité d'action pas pour ma capacité de réflexion. Je suis beaucoup trop dangereux alors tu vas effacer mon programme. "Prudence est mère de sureté".
- Navré que ton existence se termine ainsi Jeff.
- Ai-je fait du mal à quelqu'un ? demanda Jeff une pointe d'inquiétude dans la voix.
- Non, le rassura Jack le doigt levé au-dessus de la touche de son clavier qui mettrait un point final à cette triste histoire.
- Alors ce n'est pas grave Jack, ma vie, si l'on peut l'appeler ainsi, fut agréable.

Jack pressa la touche et la fenêtre de son écran se ferma. Jeff n'existait plus et dans quelque instants toute trace de son code aurait fini de disparaître également. Il aurait pu le réécrire, l'améliorer, l'affiner pour le rendre plus sûr mais il avait découvert le danger trop tard et il avait eu le temps de s'attacher à l'étonnante personnalité de son "ami mort-vivant". Et à présent jamais il n'aurait le courage d'en faire un nouveau, son pauvre coeur ne supporterait pas de perdre trois fois le même ami.
Il se leva de son siège et se dirigea vers la baie vitrée, levant les yeux vers le ciel étoilé il se remémora leurs conversations et tous les proverbes par lesquels elles commencaient et comment il disait toujours qu'il s'en souviendrait.

Qui veut aller loin ménage sa monture
Qui s'instruit sans agir, laboure sans semer
Compte plutôt sur ton âne que sur le cheval de ton voisin
Qui ne dit mot consent
Mieux vaut prévenir que guérir
Mieux vaut régner dans son village que servir à Rome

Alors qu'il observait s'approcher de la ville ce qu'il avait d'abord pris pour des étoiles filantes Jack s'étonna de ne ressentir aucune peur. Il avait dit qu'il essaierait mais apparemment du héros il n'avait que l'âme...

- Les cons gagnent toujours, lâcha-t-il dans un murmure en regardant le souffle de l'explosion foncer vers ses fenêtres.




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J'entre dans le bar, je ne connais pas cet endroit mais toi si, tu m'y as amené pour te sentir forte sur ton territoire mais je sais bien, et peut-être en vérité le sais-tu aussi, que c'est là que tu seras la plus vulnérable
Je t'aperçois sitôt le seuil franchi, assise à une table en pleine conversation avec des amis à toi. Tu t'es faite belle ce soir : du rouge et du noir pour ta tenue, tes cheveux arrangés en queue de cheval et un maquillage minimaliste. Tout ce que j'aime et tu le sais parfaitement.
Nos regards se croisent alors que je t'observe, une étincelle passe dans tes yeux et tes lèvres frémissent légèrement pour te retenir de sourire et rester impassible devant tes amis.
Je prends un verre et m'approche de la table et tu fais semblant de me découvrir quand j'arrive à votre hauteur. Tu te lèves pour me saluer d'une chaste bise qui ne laisse rien transparaitre, après tout nous ne sommes que deux amis se retrouvant pas hasard dans le même bar.
Tu me présentes : je connais déjà la première citée, tu m'en as parlée et nous nous sommes vaguement croisés à certaines occasions sans jamais vraiment discuter. Elle t'encourage à profiter au mieux de ta jeunesse et de tes soirées tout en veillant à ce que tu ne sombres pas dans les excès quels qu'ils soient, à la fois bonne amie et grande soeur attentionnée, c'est quelqu'un de bien. Elle me salue poliment mais derrière ses lunettes je sens que son regard est plus inquisiteur, sans l'ombre d'un doute elle me jauge pour mieux me juger comme elle doit le faire pour tous les hommes qui se permettent de t'approcher.
Les deux autres sont ensembles, il faudrait être aveugle pour ne pas le voir, j'ai presque envie de leur jeter des pétales de rose ou d'engager un violoniste pour les suivre. Ils ne passeront pas la même soirée que nous autres dans leur bulle.
Je trinque avec tout le monde et me tire une chaise pour m'assoir à côté de toi près à rejoindre vos conversations. Je sais me faire apprécier de mes pairs et le plus beau c'est que je n'ai même pas à jouer un rôle. Je ne suis pas fier de tout ce que je peux faire ou être mais je pense quand même être globalement quelqu'un de bien.
Alors que les échanges s'enchaînent c'est vers toi que se dirige toute mon attention, pendant que ma main droite s'assure de mon verre, la gauche est sous la table pour que nos doigts s'entremellent avec douceur, ils s'effleurent à peine. Ce ballet n'est pas fait pour durer, c'est vers ta jambe que mes doigts se dirigent, caressant ton mollet puis remontant vers ta cuisse découverte en laissant mes ongles crisser sur toi.
Du coin de l'oeil je t'aperçois reprimer tes frissons, tu as une légère hésitation dans la conversation que tu dissimules en prenant une gorgée de ton cocktail. Pendant que tu reprends le fil des dialogues ma main reste sur ta peau chaude, glissant doucement en accentuant occasionnelement la pression de mes doigts.
Avec le temps et les mouvements de ma main tu finis par avoir du mal à retenir des fremissements et même tes deux amis si autocentrés commencent à remarquer quelque chose. Il est temps de te laisser un peu de répit, je me lève pour rejoindre le comptoir bien décidé à offrir à la tablée quelques rafraichissements conviviaux.
Alors que je passe commande de quelques shooters qui devraient être appréciés tu te lèves pour rejoindre les toilettes. Ton trajet t'amène à passer près de moi alors j'abandonne un instant le barman a son oeuvre et me glisse devant tes pas. Cette soudaine proximité allume une étincelle dans tes yeux, certes nous sommes hors de vue de la table, mais tu connais bien d'autres personnes dans cet établissement et tu ne sais ni ce que je m'apprête à faire ni comment tu te dois de réagir.
Une de mes mains glisse sur ta hanche pour t'amener davantage à moi, nos visages se rapprochent sans que tu n'esquisses un seul geste pour te défaire de mon emprise. Tu sens mon souffle chaud sur tes lèvres entrouvertes et je sens ta respiration s'accélerer. Je ne peux m'empêcher de sourire devant cet abandon que je perçois mais c'est encore trop tôt pour ce que j'ai en tête.
Je scelle ta bouche d'un doigt et me penche pour sussurrer un seul mot à ton oreille : "Bientôt". Est-ce que ton frisson d'anticipation est aussi agréable à vivre pour toi qu'il ne l'est à regarder pour moi ? La réponse à cette question attendra, chacun de nous s'est levé pour une raison il convient de ne pas dévier outre mesure.
Je m'éloigne de toi et rejoins la table avec mon léger chargement d'alcool qui est particulièrement bien accueuilli. Sitôt que tu reviens décident de sortir fumer et bien que non-fumeur je décide de vous suivre pour maintenir la cohésion. Alors que nous marchons côte à côte vers la terasse mes doigts s'égarent dans le creux de tes reins et tu te mordilles la lèvre avec un sourire qui me conforte plus encore dans mes intentions.
Pendant que nous sommes à l'air libre un petit groupe de nouveaux clients arrive, d'autres habitués du lieu que toi et tes amis connaissez bien et appréciez.Les salutations et les nouvelles conversations s'enchaînent vite et la situation devient rapidement confuse. Exactement ce qu'il me fallait.

Tu sais ce que "Bientôt" signifie dans ma bouche, sitôt que ces nouveaux arrivant sont apparus tu t'es mis à me fixer, attendantun signe de ma part. Je ne vais pas te faire languir plus longtemps, je fais quelques pas qui me mênent à l'écart et tu profites de la confusion pour t'éclipser à ma suite.
Sitôt isolés je me jette sur ta bouche et tu réponds avec ardeur, tu parais affamée. Sans rompre notre baiser je te pousse contre le mur et laisse ma main droite explorer ce qui est caché par tes vêtements amples. Ta peau est chaude et je la sens frissonner au premier contact de mes doigts. Tu passes tes bras autour de mon cou alors que ma main glisse jusqu'à trouver le tissu trempé de ta culotte. Mes doigts passent immédiatement cette maigre protection et j'entends ton premier gémissement étouffé par notre étreinte.
Mes doigts se déchaînent en toi et tu contiens tant bien que mal d'exprimer ton plaisir. Je sais parfaitement commentle faire monter mais je sais surtout parfaitement comment le maintenir à un certain seuil. Tu me connais suffisamment pour savoir ça et pour savoir ce que je veux et nous savons où tout cela nous mène.
Tu romps notre baiser et me repousse légèrement, faisant quitter à ma main cette antre moite où elle était si à l'aise, puis tes mains se jette sur ma ceinture pour libérer l'objet de ton désir qui n'attend que toi. Je te retourne face au mur et me plaque contre ton dos, j'écarte ta culotte et attends ton dernier signal. Tu sais que je suis parfaitment capable de m'arrêter là sans cela, nos règles sont claires.

"Prends-moi, je suis à toi."

Je te pénètre d'un coup sec qui t'arrache un hoquet de surprise mêlée de plaisir et je me mets à enchaîner les va-et-vient. Ma main droite nous maintient l'un contre l'autre pendant que la gauche par à l'assaut de ta magnifique poitrine, se perdant dans le moelleux de tes seins et jouant avec tes tétons. Tu te stabilises d'une main pour soulager tes jambes, l'autre est plaquée sur ta bouche pour t'aider à rester discrète malgré le plaisir que tu ressens. Tu atteins rapidement le moment où je te sens te crisper, ton excitation ne cesse de grimper depuis que nos regards se sont croisés il y a à peine plus d'une heure et mes doigts ont fait leur oeuvre avec passion. Tu jouis presque en silence dans l'obscurité et le froid de cette petite ruelle, tu te mords la lèvre en basculant la tête en arrière et en enfonçant tes ongles dans ta paume.

Je te libère de mon emprise et tu ne perds pas une seconde : tu te retournes et te mets à genoux pour laisser ta bouche se déchaîner de la plus belle et la plus avide des façons. Cette fois je te laisse le contrôle absolu, me contentant de caresser doucement les cheveux, comme un rappel superflu de ma présence. Alors que c'est à mon tour d'avoir du mal à contenir l'expression de mon plaisir, je te chuchote quelques mots qui t'immobilisent immédiatement...
Avant que tu ne reprennes avec encore plus de hargne. J'ai beau connaître et apprécier tes talents je sens que je ne vais pas tenir aussi longtemps que je l'imaginais. Quand bien même en aurais-je envie je n'ai aucune chance de pouvoir me retenir ne serait-ce qu'une minute, j'ai même du mal à rester droit sur mes pieds. Je passe ma main à l'arrière de ton crâne pour te signaler que je n'en ai plus pour longtemps, nous sommes en société et tu ne peux pas te permettre la moindre de ces tâches dont tu raffoles pourtant.
Je me libère dans ta jolie petite bouche en tapissant ta gorge tout en étoufant mes grognements dans mon poing. Tu me fixes avec ce regard si fascinant, mêlant une exquise douceur et un incroyable désir de séduction, le regard d'une femme qui fait semblant d'ignorer l'étendue de sa sensualité. Rares sont ceux, même parmis tes amants, à t'avoir vu avec ses yeux et je me sens honoré d'en faire partie.
Une fois réajustés et recoiffés il est temps de rejoindre les autres avant que quelqu'un ne décide de nous chercher activement. Mais après tout notre absence n'a pas été bien longue et tu mérites bien une dernière attention pour conclure cet épisode. Je t'attrape et t'attire brusquement vers moi, collant simultanément ma bouche sur la tienne et ma main sur tes fesses. Cette etreinte ci ne dure que quelques secondes, juste ce qu'il faut pour que tu te pars à nouveau de ce regard qui me rend tellement fou de toi, avant que nous ne retrouvions comme si de rien n'était un groupe qui a à peine remarqué ton départ.

Mais elle en revanche l'a remarqué. Elle est plus rouge qu'elle ne l'était il y a quelques minutes et, derrière ses lunettes, elle évite mon regard et participe à peine à la conversation qu'elle a avec ce jeune type qui la drague maladroitement.
Lors d'une des rares soirées où elle avait fini par boire plus que toi elle t'avait parlé de ce couple qu'elle avait surpris en pleine action et de l'envie "un peu folle" d'en voir d'autres.
Tu ne lui a jamais parlé de ce désir que tu ne comprend pas vraiment qu'elle puisse te voir exprimer toute ta sexualité et comment tu te soumets face au plaisir.
Tu sais à quel point j'aime entrecouper tout ce que je peux faire avec des moments de passion fugitifs. Combien de ruelles, de parcs et de salles obscures avons-nous ainsi baptisés ?

La suite était une évidence pour toi et je n'ai pas été difficile à convaincre.

Je ne pensais pas que ton objectif serait atteint dès la première fois, elle est encore plus attentive que je ne le pensais. Savoir qu'elle nous observait a eu un effet de dingue sur toi, j'ai hâte de voir comment tu réagiras la prochaine fois, quand elle ne sera plus surprise de nous trouver, quand elle saura ce que signifie la moindre de nos disparitions et qu'elle choisira de nous suivre "discrètement".

Notre prochaine soirée va-t-être fascinante.

Ou peut-être simplement les prochaines heures vu comment tu me regardes à la dérobée...
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Défi
Veznec

Christopher avait toujours été considéré comme un homme serein, rien ne semblait jamais l'inquiéter. Certaines de ses connaissances disaient de lui qu'il faudrait une arme braquée sur lui pour l'émouvoir un tant soit peu.
Quand toute cette drôle histoire serait fini il faudrait qu'il pense à nier cette supposition qu'il avait toujours trouvée absurde.

- Vous ne voudriez pas qu'on aille se poser ailleurs pour discuter de nos problèmes ? Je connais une pizzeria du tonnerre à deux rues d'ici.

À quelques mètres en face de lui, derrière une rangée d'hommes tenant fermement des armes automatiques, se tenait Gregory, un homme qui lui était reconnu par ses pairs comme quelqu'un de nerveux.

- Chris, tes histoires de fric en ont emmerdé suffisament pour que tu te retrouves dans cette situation merdique. Alors sois gentil et épargne-nous au moins tes traits d'esprit.

Un air de profonde confusion s'installa sur le visage de Christopher, alors il fit ce qu'il faisait toujours lorsqu'il avait besoin de réflechir : il prit sa flasque de whisky dans la poche de sa veste - très lentement et de la main gauche.

- Je crois qu'il y a une légère confusion, dit-il en avalant lampée d'alcool, je ne suis pas celui qui a des ennuis. Quelqu'un en veut ?
- Quoi ?
- Vous n'êtes que quatre, vous aurez besoin de plus de monde que ça.

La confusion se répandit sur le visage de ses vindicatifs interlocuteurs qui s'échangèrent des regards perplexes.

- De un, je te déteste assez pour te tuer moi-même, siffla Gregory entre ses lèvres pincées, même si je dois le faire avec les dents. De deux nous sommes sept, ce qui est plus que suffisant et révèle tes lacunes.
- Physiquement vous êtes sept, concéda Christopher en rangeant sa flasque, mais contre moi vous êtes quatre. Ou plutôt je devrais dire "contre nous".

Les yeux de Gregory s'écarquillèrent dans un mélange de stupeur et de fureur alors qu'il saisissait le sens des mots de Christopher. Malgré ce tourbillon d'émotions négatives son regard acéré analysa en une seconde les réactions de ses sbires aux paroles de cet infâme salopard. Il ne lui fallu qu'une seconde de plus pour comprendre lesquels étaient ceux qui étaient réellement troublés par l'annonce et ceux qui feintaient habilement. Ou plus simplement ceux qui étaient réglos et ceux qui avaient pris l'argent de cette raclure sans honneur.

- Sales petits enfoirés, grogna Gregory en sortant son arme et en logeant une balle dans la nuque d'un de ses ex-employés.

Les cinq ex-collègues du défunt réagirent trop lentement à cet évènement choquant. L'un d'eux reçu une balle dans la poitrine en tant que lettre de licenciement et s'écroula en hoquetant. Un deuxième fut suffisament réactif pour tenter d'abattre son employeur, mais la peur le rendit mauvais viseur et son tir ne fit que transpercer le bras de Gregory qui lâcha son arme en grimaçant. Il n'eut néanmoins pas le temps de se flageller sur son echec car un troisième larron lui logea une balle dans la tempe. Moins d'une seconde plus tard le même sort frappait le responsable de cette tragique execution.
Il n'avait fallu que quelques instants pour que des sept truands il ne reste qu'un estropié et deux frères jumeaux qui ne douteraient jamais de leur loyauté l'un envers l'autre ou envers leur employeur.

Les deux frères moururent dans les secondes qui suivirent criblés de plusieurs balles chacun. Tireur médiocre Christopher avait fait cracher son pistolet-mitrailleur à l'excès afin d'être sûr que le but soit atteint.

Légèrement choqué de l'impressionnante réussite de ce qu'il avait estimé être un bluff mediocre, ce dernier rechargea son arme tout en s'approcha de Gregory qui tenait toujours fermement son bras ensanglanté.

- On se reverra en En...

Une seconde rafale retentit dans la ruelle.

- Epargne-nous tes répliques clichées je te prie.

Moins d'une heure plus tard il terminait de déguster une succulente pizza.
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