
Pierre Festin
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Défi
J’ai mis dans un écrin à la blancheur intense,
Orné de ton prénom tracé en signes noirs,
Mêlant le verbe amer à l’ultime élégance,
Ce que j’ai lu de toi, tout ce que j’ai pu voir.
Ton pied gauche blessé, ta main rieuse ouverte,
Un bras droit noir et blanc, de titane percé,
Ta bouche sensuelle et ses lèvres expertes,
Les vallons de ton corps de dentelle tressés,
Ton sein majestueux, girond comme la lune,
Ce que tes yeux ont vu, des hauteurs de la hune,
Ta volonté de fer, ta santé de coton,
La sensualité de ton imaginaire,
Ton destin amoureux : roman ferroviaire,
Bienveillance sans fin, ton bonheur à tâtons.
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Défi
Apprends-moi je t’en prie, toi ma plus belle amie,
À écrire une chose au moins qui ne soit pas
Un ignoble mensonge à la robe fleurie,
Mais sorte comme un cri, en marchant dans tes pas.
C’est si nouveau pour moi, une oreille sincère,
A qui parler vraiment en me mettant à nu
Comme toi par moments. Vérité nécessaire
Qui se fout de l’émoi et des mots convenus.
Toi qui sais que la vie n’est pas en ligne droite,
Que toutes nos envies, le bonheur qui miroite
Aux lèvres d’un amant sont des trésors sournois,
Enduis ton cœur d’un baume et renais de tes drames.
S’il t’en reste un atome, un filet pour mon âme…
Toi si forte souvent, je t’en prie, apprends-moi
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Qu‘il est bon de ne pas connaître l’avenir,
De se laisser surprendre en donnant sa confiance,
De penser au meilleur sans se soucier du pire,
D’entrer dans une histoire et de tenter sa chance.
Un premier rendez-vous au bout de quatre mois
C’est un peu le trophée d’un concours de patience.
On se regarde à peine, on écoute la voix
Qui trouvera les mots pour tuer la méfiance.
Le déjeuner est doux comme un rêve éveillé.
Tout s’accorde en plaisirs habillés de faïence,
Enveloppant l’instant d’un filtre ensoleillé.
Ici naît le chemin, c’est là que tout commence.
Après deux fois une heure à s’effeuiller nos vies
Il nous faut nous quitter, retourner dans la danse
Du travail qui nourrit nos corps et nos esprits.
Mais déjà l’on prévoit la prochaine séance.
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Défi
Je l'ai fait. Cela semblait impossible au premier
Abord, voire fou ou bien encore suicidaire,
Mais pourtant je l'ai fait :
J’ai osé lui parler.
Il aurait mieux valu persister à me taire,
Apprendre à renoncer, au moins, faire semblant.
La première leçon pour un cœur solitaire,
Apprise en un éclair de quelques mots tremblants,
Un transport éconduit dont subsiste un cratère...
Leçon pour aujourd’hui, même après quarante ans,
Si dure à accepter, et pourtant salutaire :
Renoncer à tes lèvres et sans faire semblant.
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Il y a des rencontres qui changent notre vie.
D’abord celle des parents, dont on est le produit. Bien avant celle-ci, celles de tous leurs ancêtres.
Rencontres que l’école, le travail, les hobbies, les vacances, les amis, nous font parfois connaître.
Les contacts fortuits, accidents de parcours, qu’on retrouve un beau jour, sous les ors d’une mairie.
Il y a les enfants, pour ceux qui ont grandi. Je n’ai pas vérifié, mais c’est ce que l’on dit.
Il y a très souvent les rencontres ratées, car de nous franchement, on peut bien se passer !
Les mauvaises rencontres, quelques fois, pas de chance, qui nous hantent, qu’on revoit, en leur cherchant un sens…
Et puis il y a toi, sans visage, sans voix, improbable rencontre dans un lieu clandestin, qui depuis lors m’entraîne où ma raison se noie, tant elle est captivée par ton furieux destin.
Je ne sais pas pourquoi j’ai vu clair dans tes mots, ni comment j’ai pu faire pour ne pas t’effrayer. Tu m’as vite remis les clés de ton château que j’ai pu visiter dans un songe éveillé.
Je ne sais pas comment tu sors d’un cœur si vaste, une rivière de gemmes tellement scintillants qu’il faudrait une expo aux volumes effrayants pour avoir une chance d’en montrer tout le faste.
Même si je fais de toi un portrait chimérique, même quand j’ai peur pour rien quand tu sautes les barrières, même si mon train déraille, s’il devient hystérique, tu me pardonnes encore, moi l’empoté stagiaire.
Je voudrais rendre un peu de ce que tu me donnes, par quelques mots choisis, arrangés en bouquet, mais ce n’est pas possible, même avec des neurones, de t’être aussi utile qu’un joli sot briquet.
Qui sait combien de temps l’odyssée peut durer ? Car au fond tout cela existe-t-il vraiment ? Comment la vie sournoise voudra nous séparer ? Parfois une rencontre est un nouveau printemps.
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Défi
Le visage au sourire enfantin de mon ange,
Fait tanguer mon navire où l’envie se confond
À la crainte d’offrir à son regard étrange,
Un cœur qui voit fleurir un sentiment profond.
Une robe aux dessins chamarrés bleus-oranges,
Fait courir à desseins mes pensées qui défont
Le corset où des seins, coiffés de blondes franges,
Ont la grâce des saints apprêtés de chiffon.
Sous sa pose élégante, en coulisse on devine
La prose qui gante de satin ma divine.
Tes yeux ne pourraient pas se faire plus charmants,
Ta bouche être un appât au fruit plus alcoolique.
Pourtant quand vient le soir, un trait mélancolique
Esquisse un désespoir dont tu feins les tourments.
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Défi
Un SMS vient d'arriver, j'ai 27 ans, premier mobile,
Elle veut me parler, j’accoure pour l’entendre,
A tout cherchons du sens, sans fin parlons d’amours,
Ceux qui nous font tousser, les nôtres, à se pendre,
Mais jamais de celui qui nous ceint tout autour.
Un SMS vient d'arriver, j'ai 34 ans, la vie à trois,
Dossier ok, on va louer un même toit.
Mère et sa fille, ma vie aura-elle un sens ?
Ne plus être amants, mais conjoints, quand on y pense,
Un vrai engagement… on apprend en marchant.
Un SMS vient d'arriver, j'ai 45 ans, papa n’est plus.
Celui qui aurait dû être un héros pour moi,
Mais qui surtout le fut sur les champs de bataille,
Dien Bien Phû, Alger, Tchad, la peur et les médailles,
Tombant des cieux pourquoi ? Trouvait-il du sens, lui ?
Un SMS vient d'arriver, j'ai 49 ans, nouvelle muse,
Elle vient de Venus, je la suivrais sur Mars,
Sa douceur, sa furie, depuis ce jour perfusent
Dans mes veines l’opium qui exalte le cœur,
Sans le faire saigner, une essence d’ailleurs.
Un SMS vient d'arriver, j'ai XX ans, c’est moi ta mort,
j’attends encore une heure, un mois, un jour, la nuit ?
Qu’as-tu fait de ton temps ? Trouvé sens à ta vie ?
Non, pas vraiment, jamais de but, de mission,
Qui s’en soucie ? La vie naît sans permission.
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Défi
Bonjour vicomte, entrez, merci d’être venu.
Jetez là votre habit. Je vois à votre mine
Qu’il me faut expliquer le billet farfelu
Que l’on vous a porté : ma gaité crie famine !
Que me chantez-vous là ? Vous qui riez d’un rien,
Que tout mot diverti pourvu qu’il soit habile.
Au final mon esprit plutôt aérien
S’alourdit de vos soins, de votre amour docile.
Puis-je vous amuser d’un joli calembour
Dont chacun au pays se fait un amusoire ?
Gardez vos traits d’esprit pour vos amies du bourg.
Je sais : si nous marchions jusqu’à la patinoire ?
Vicomte, abandonnez tous ces jouets d’enfant.
Nous n’avons plus cinq ans… Oublions ces sottises !
Madame vous savez que mon cœur se défend
D’importuner le vôtre avec une bêtise.
Sans vouloir vous froisser… je vous sais tout à moi…
Parfois votre candeur est ce qui m’importune !
Vos lettres et vos vers depuis bientôt trois mois
M’attendrissent pourtant vous ne cherchez fortune !
Mais c’est faux, j’ai trouvé un précieux trésor
Dans votre esprit mâtin, vous le savez ma muse,
Et ne suis pas fâché si par un coup du sort
Vous délaissez mes vers quand un fat vous amuse.
Une chasse au trésor ! Voilà un jeu pour nous !
Pour cela j’ai caché une fleur tout à l’heure.
Si vous pouvez la voir, promis, elle est à vous !
Un indice important : sur ma peau elle affleure.
Sur votre peau ? J’y suis. Il s’agit d’un dessin.
Que votre esprit est vif ! Commencez votre enquête,
Je vous mets au défi ! Hâtez-vous, son dessein
Est de s’épanouir ! Sortir de sa cachette !
Madame c’est un jeu délicat que voici.
Il égratigne un peu l’amitié qu’on vous porte.
J’essaierai toutefois, mais vous portez ici
Un chiton trop serré pour qu’une fleur en sorte.
C’est justement pour ça qu’on vous a fait venir.
Ce que vous appelez chiton est une robe !
Vous pouvez dans ce jeu, s’il faut, m’en dévêtir
Pour retrouver la fleur. Je sais votre main probe.
Si c’est votre désir, laissez-moi commencer
Au long de votre cou, sous votre chevelure…
Si la fleur n’y est plus, la peau a su garder
Son parfum délicat, plus vivant que nature !
Vous devrez chercher mieux, je ne me laisse pas
Cueillir par le premier dilettante fleuriste.
Faites un peu le tour et venez de ce pas
Exercer face à moi votre don naturiste.
Ce profond décolleté, aussi troublant qu’il soit,
N’arbore point de fleur sur ses flancs de collines.
Décidément monsieur, vous êtes trop courtois,
Tâchez de chercher mieux, de façon plus câline !
Sur vos bras je ne vois nul dessin florissant.
J’ai beau examiner de vos mains la surface,
Vos fragiles poignets, votre bras ravissant,
Tout est fin, délicat, mais de fleur, point de trace.
Certes, je vous l’ai dit, ma fleur craint le soleil.
Elle pousse à couvert, loin des vents et à l’ombre.
Madame s’il me faut suivre votre conseil
Je devrai vous ôter cet habit qui encombre.
C’est cela, ôtez donc, et soyez plus hardi !
Pour dire vrai ma foi, je ne sais… et je n’ose !
Osez car aujourd’hui ce qui est interdit
Devient impérieux !
Périlleuse est la chose
Pour celui qui ne veut égarer sa raison !
Courage ! Dégrafons, puisqu’on me le commande…
Voici donc vos jambes… mais pas de floraison
Sur ces nobles fuseaux à la douceur d’amande.
Persévérez enfin ! Achevez l’examen !
Profitez de la vue, je suis à moitié nue !
Point de fleur sur le dos, ni au creux de vos reins.
Sur vos hanches non plus, pas de fleur à ma vue.
Finissez de chercher je vous prie maintenant !
Vous faut-il un dessin pour venir me la prendre ?
Si je puis en juger ces dessous transparents
Ne cachent pas de fleur, aussi je crois comprendre…
Arrêtez de penser et agissez plutôt !
N’allez-vous point jouir d’une chance qui s’offre ?
Vous en avez rêvé, ne soyez pas mytho !
Venez la ramasser, prenez la clé du coffre !
Madame permettez, d’abord de recouvrir
Votre corps palpitant de ma pelisse noire.
Je sais où est la fleur, sans devoir m’accroupir.
Je perds à votre jeu un prix bien dérisoire.
Dérisoire ma fleur ? Savez-vous qu’on se bat
Volontiers jusqu’au sang pour goûter l’ambroisie
De son cépage neuf ? Vous pouvez sans combat
Y goûter sur ce lit. Assez de courtoisie !
Non, car ma fleur c’est vous, à tout jamais debout,
Redressée sur ses pieds, fière, belle et vivante.
Je vous aime faisant face aux vents et surtout,
Ne veut pas être telle une étoile filante !
Pensez-vous qu’à ce jeu nous aurions tout perdu ?
L’amitié du chaos garderait cicatrice.
Croyez que je maudis ma subite vertu !
Mais vos yeux valent bien…
Un petit sacrifice ?
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Défi
Puisque demain ma vie
Se joue à pile ou face
Puisque mon corps meurtri
Subitement trépasse.
Avant que les insectes
Se créent un amusoire
De mes restes infectes,
D’un ventre pourrissoir
Mais pour eux rigolade !
Avant qu’ils ne transpercent
Mon souterrain riad.
Avant que se disperse
Ma poussière partout,
Au vent des camions,
Près des bancs publics où
S’écrit notre union.
Avant que ton facteur,
Au chômage sans être
Au courant de tes pleurs
N’ait plus pour toi de lettres,
De mes larmes couvertes,
De bagatelle emplies,
Puisque ma vie déserte…
Reçois ce dernier plis.
Tu fus mon Everest
Tout au long de mes jours
Et aussi de mes nuits.
Tu as guéri Alceste
De sa peur chaque jour,
D’adorer qui ne puit
Le payer de son geste
Par un autre en retour.
Non jamais tu n’as fuit.
Si je n’en reviens pas
Sois-en bien assurée
Je veillerai sur toi
Comme un astre obstiné.
Oui j’enverrai des sorts
Chasser ce qui te nuit,
Guiderai par le mors
Ceux qui sont tes amis.
Je forcerai la mort
À te faire crédit.
Toi muse imaginaire,
Diffuse comme l’air,
Reçois mon dernier cri...
Tout à toi, pour la vie.
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Vous êtes arrivé à la fin