
Sarah PEGURIE
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Bonjour :)
Soutenez-moi sur Fyctia : https://www.fyctia.com/stories/indelebile-2
J'écrivais souvent de tout petits bouts de textes dans les notes de mon téléphone et un en particulier m'a donné l'envie d'écrire la suite. J'ai donc entamé les 10 premiers chapitres du livre "Indélébile", une dark romance.
Etant plutôt novice à ce sujet, je serai preneuse d'avoir quelques avis :) et inversement, j'aime beaucoup lire et prendrai plaisir à lire vos écrits !
Merci à tous, passez une belle journée
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J'écrivais souvent de tout petits bouts de textes dans les notes de mon téléphone et un en particulier m'a donné l'envie d'écrire la suite. J'ai donc entamé les 10 premiers chapitres du livre "Indélébile", une dark romance.
Etant plutôt novice à ce sujet, je serai preneuse d'avoir quelques avis :) et inversement, j'aime beaucoup lire et prendrai plaisir à lire vos écrits !
Merci à tous, passez une belle journée
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Défi
Toc Toc Toc !
Toc Toc Toc Toc !!
- Ouvre-moi... S'il te plaît. Susurra-t-il d'une voix faible, teintée d'épuisement.
Je me remémorais encore et encore l'événement s'étant déroulé quelques jours plus tôt. Je pouvais entendre sa voix frêle me supplier de rester. Les battements contre la porte ralentissaient en puissance et en vitesse au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient, comme si la force du poing qui tambourinait perdait de vue son but, jusqu'à ce que règne le silence.
Il faut parfois savoir lâcher l'affaire, défaire son emprise et ne pas se retourner, tandis que tout ce qu'on laisse à cet instant sont les marques de sang laissées sur cette porte, provenant des jointures de nos phalanges trop abîmées et l'humidité des larmes tachant le vieux parquet en bois de ce couloir sombre et poussiéreux.
C'est ce que je pensais à ce moment-là, en pleurs, accroupie, le dos contre la porte et la tête renversée sur mes genoux. Oui, c'est ce que je pensais à ce moment précis, qu'il fallait savoir lâcher prise, qu'il fallait être forte, le laisser s'épuiser, pendant que je me laisse me fatiguer afin que nos épreuves deviennent moins douloureuses.
On avait échoué, c'était un fait, alors pourquoi donc s'acharnait-il encore, chaque soir, à venir jusque chez moi, toquer jusqu'à ce que le sang coule, me supplier jusqu'à ne plus avoir de voix, s'accrocher, même quand le silence est roi.
Ce mec-là était sacrément coriace, je dois bien l'avouer, c'était flatteur et bien plus difficile que ce que je m'étais imaginé. Après plusieurs jours de supplice, de pleurs, de cris, de lettres glissées sous le pas de la porte, après le sang et les larmes, la douleur grandissante prenait toute la place. Je comptais faire face, une dernière fois, laisser le destin nous jouer des tours machiavéliques. J'étais prête ce soir-là. Positionnée contre la porte, comme à mon habitude. Mon attitude changeait cette nuit, au son du tic tac de l'horloge, à mesure que les aiguilles défilaient.
22h13 -
Mon sang bouillonnait et mon ventre se crispait. Désormais debout, prise de nausées à l'idée même de tourner cette poignée, mais j'étais prête, plus que jamais à faire tomber le mur au moindre prochain coup.
Le temps passait sans qu'un son ou bruit de pas ne se fasse entendre dans cet immeuble miteux. Personne n'était là. C'était certain.
Le dos collé contre le bois de la porte, fixant l'heure sur mon téléphone, hésitante même à l'appeler et voir où cela nous mènerait. Mon esprit me jouait des tours, de possibles histoires défilaient en boucle. Que faisait-il ? Était-ce la dernière fois ? N'aurais-je plus de chance de lui dire ce que je ressens ? Qu'est-ce que je veux vraiment ? Est-ce qu'il partage la même douleur ?
- Putain de salaud.
Je mordais ma lèvre pour éviter à mes larmes de couler. J'aurais l'air encore plus ridicule.
Toc Toc ! Deux battements sourds contre ma porte me firent sursauter. J'avalais mes larmes et ouvrai en trombe. Cependant, ce n'était pas lui qui se trouvait devant moi. Enfin, d'une certaine manière oui. Deux policiers avaient planté leurs regards dans le mien et restaient perplexes sur mon visage bouffi, mes paupières enflées et rouges et mes cernes bien grises. Mes yeux, eux, n'avaient d'yeux que pour la photo qu'ils me montrèrent.
Fais chier ! Dans quoi s'était-il encore fourré ? Je rêvais d'une vie simple, sans problèmes et il avait déboulé dans ma vie, la minant comme un champ de bataille.
- Connaissez-vous l'homme sur cette photo ?
L'un d'eux me tendit la photo, je l'ai attrapé et un frisson parcourut le long de mon échine.
- Mademoiselle ! Mademoiselle ? Vous allez bien ?
Je reprenais conscience petit à petit et compris vite qu'il fallait que je mette en place un jeu d'actrice hors pair. Bordel, quoi qu'il ait pu faire, faites qu'il ne soit pas blessé. J'avais dû devenir folle à vouloir aider ce psychopathe. Je devais être folle à vouloir me ranger du côté du possible méchant.
La seule chose, simple, de ma vie était que je pouvais être sûre d'une chose. Cet homme tenait mon cœur en grippe et dès notre rencontre, j'ai su que je l'aimerais pour cent ans.
Soulignez bien mes paroles, je lui ferai payer cher, pour m'avoir permis de l'aimer et pour ça, je le retrouverai. Avant quiconque.
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Défi
Ses lèvres s'élargissent en un grand sourire, et je me fige, distraite par son corps taillé comme un Appolon. Ça risque d'être compliqué pour moi.
- Peux-tu mettre une chemise s'il te plaît ?
J'essaie de ne pas fixer la sueur qui coule le long de son torse, mais je trouve la vue assez fascinante.
- Tu as peur de ne pas pouvoir te contrôler ?
- Non !
Je roule des yeux et il rit.
- Ça te dérange si je prends une douche avant qu'on se mette au travail ?
- Pas du tout
Je pénètre dans son appartement, et je suis surprise de voir à quel point tout est bien rangé et propre. Le mobilier est dans des tons de noirs et marrons et je me surprends à imaginer son corps nu au-dessus du mien en plein action, avec comme seule lumière tamisée, cette lampe près de la bibliothèque.
- Fais comme chez toi, je ne serai pas long... A moins que ?
Je me retourne pour lui faire face et me rend compte qu'il se trouve bien trop près. Oh mon dieu !
- A moins que quoi ?
Je demande en essayant de ne pas bégayer.
- A moins que tu veuilles m'accompagner sous la douche
Ses yeux fixent les miens et je réfléchis un instant à son offre.
- Si je te rejoins, les choses vont devenir bien plus difficiles.
Je l'aperçois lever un sourcil, perplexe.
- Et je sais que tu aimes quand ça se complique, tu aimes quand c'est dur.
Je roule des yeux et le repousse en ricanant.
- On a du travail. Tu sais que je ne mixe pas les deux, alors arrête d'essayer de me faire flancher.
il disparaît dans la salle de bain, baignant la pièce de son rire. Je me relaxe sur le sofa et sort de mon sac les papiers que j'étale sur la table basse en bois, essayant tant bien que mal d'effacer mes pensées érotiques.
- Tu es si sexy quand tu es concentré.
Sa voix me fait sursauter, je ne l'ai pas entendu entrer dans le salon et je lève les yeux en sa direction. Mince. Est-ce qu'il peut être encore plus sexy que maintenant ?
Il s'approche de moi, et il semble que tous les mots appris en 30 ans d'existence s'envolent. Ne t'approche pas, non, pas plus.
- Tu n'as aucun vêtements qui se boutonne dans tes affaires ?
Il attrape la serviette qu'il porte autour du cou et frotte ses cheveux encore mouillés.
- C'est qu'il fait chaud depuis que tu es chez moi.
Il s'asseoit à mes côtés sur le sofa en cuir noir et je peux sentir sa chaleur qui travers mes vêtements.
Le temps semble s'arrêter alors qu'il me regarde, me demandant presque la permission de faire un pas en avant. Je tente bien que mal de dire quelques mots.
- Nous ne devrions pas...
- Chuuut... Je t'ai promis de bien me comporter, cette fois-ci non ?
- Et si, en vérité, je ne veux pas que tu te retiennes ?
Il se tient si près que je décèle ses mains serrées et sa mâchoire qui se crispe. Après un temps indéfinissable, il se rapproche, ses doigts remontent le long de mon bras vers mes épaules et enfin mon visage avant d'atteindre mes joues. Je ferme les yeux, mes lèvres s'écartent légèrement, ne demandant qu'à être emprisonnées.
- Je suis sur le point de t’embrasser et si tu n’en as pas envie, tu ferais mieux de parler maintenant… Parce que , si tu me laisses, toucher à tes lèvres, je ne sais pas si je serai capable de m’arrêter.
Je prends une grande respiration de son parfum, ivre de son eau de Cologne, tandis qu'il respire lentement contre mes lèvres. Il se penche vers moi, soulève mon menton doucement, son pouce et son index m'effleurant tandis que son regard balançe de mes lèvres à mes yeux.
- Embrasse-moi.
Le suppliai-je d'une voix haletante, essayant d'empêcher mon corps de trembler. Au moment même où les mots sortent de ma bouche, ses lèvres s’écrasent sur les miennes et le feu passionnel retenu depuis si longtemps se déverse enfin. Elles s’imbriquent parfaitement aux miennes et son corps se presse fermement contre moi. Je laisse mes mains, venir caresser ses épaules, avant de descendre sur son torse nu.
Son goût est enivrant et je perds tout contrôle au fur et à mesure que notre étreinte s'intensifie. Je peux sentir son corps, trembler à mon toucher, et durant cet instant, la ligne fine entre nous se met à s’éteindre, ne laissant place qu’à l’électricité de notre connexion.
- J'en avais tellement envie, dit-il d'une voix rauque.
Ma respiration se fait de plus en plus intense et mes mots s’échappent sans contrôle.
- Moi aussi.
- Ta saveur m'enivre encore.
- Alors recommence.
Il attrape mes mains, me soulève du canapé et colle mon dos contre le mur. J'enroule mes jambes autour de sa taille tandis que mes bras viennent se poser autour de sa nuque, avant que nos lèvres ne s’écrasent de nouveau. Sa langue, se fraye un chemin dans ma bouche et j'enfonce le bout de mes doigts dans son dos, m'accrochant à lui, comme si je tenais plus à ce baiser qu'à ma vie.
La peur de ne pas pouvoir s'arrêter reste à en rebord de ma conscience, me rappelant que nous travaillons ensemble, mais l’insignifiance du monde autour de nous s'effaçe dans l’intoxication de l’un et de l’autre.
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Défi
L'odeur du béton humide emprisonnait ses narines, tandis que le son de la pluie s'abattait sur le bitume, laissant les gouttes s'éclater brutalement de leurs chutes vertigineuses.
Le ciel était gris, l'air était chaud ou bien était-ce plutôt lui qui ressentait sa température montée. Il releva les yeux pour observer autour de lui.
Des centaines de personnes traversaient les passages piétons, entourées de ces gigantesques immeubles surplombant le ciel. Tout s'accélére, comme les battements de son cœur fragile. Les inconnus se mirent à marcher plus vite, de grandes enjambées pour certains, courir pour les plus vivants, dans cette matinée du premier jour de juin. Regardez-les, ces fourmis, ces moustiques, ces vermines allant dans tous les sens, cela lui fit tourner la tête.
Puis il se demanda, si c'était lui qui était au ralenti, en retard par rapport aux autres, ou bien si c'était eux, dans leurs costumes et mocassins, escarpins lustrés, apprêtés, avec leurs mallettes qui allaient juste bien trop vite, essayant tant bien que mal de passer au travers des gouttes de pluie glaciale qui les ruineraient. Trop pressés, trop stressés, en route sur le chemin pour grandir. Tout était trop rapide aujourd'hui, pour lui en tout cas.
Il ne voulait pas grandir, juste s'amuser, il ne comprenait pas cette idée sociétale du "travail et vis". Non, si vivre devait impliquer de devenir comme tous ces gens, traversant la route au premier coup de sifflet du feu vert, alors ça incitait aussi à devenir diplomate avec son patron, sourire même aux cons, être courtois avec la voisine d'à côté, porter un masque qui s'incrusterait dans notre chair au fil des jours... Putain de conneries.
Il releva son visage vers le ciel et s'arrêta au milieu de ce passage piéton. Les personnes autour de lui défilaient en l'évitant, comme s'il n'existait pas. Il prit une grande bouffée d'air, baissa son parapluie et supplia la pluie de laver son âme perdue.
Il fermait les yeux, profitant pleinement de l'instant et il resta planter là, tandis que les klaxons des voitures et les cris des conducteurs enragés lui hurlaient de bouger.
Il ouvrit ses yeux, prêt à continuer sa route, mais surprise, tout autour de lui etait teinté de niveaux de gris. Gris neutre, gris souris, gris noir, gris clair, gris perle, gris argent, gris acier, gris anthracite... Plus rien n'était coloré, pas même les vêtements des passants, ni les éclairages des boutiques, d'habitude fumantes de couleurs néon. Il tomba à genoux et se mit à rire. Sa vie, déjà bien monotone et ennuyeuse avait ajouté à sa tristesse et solitude une vision monochromatique, le plongeant dans un tourbillon de questions sans réponses.
Était-ce un rêve ? Ça devait l'être.
Une douleur vive percuta sa tempe. Une jeune femme venait de passer à côté de lui et son sac à main avait malencontreusement cogné la tête de ce garçon, encore à genou sur ce sol mouillé.
La femme ne fit pas attention à lui, elle ne l'avait sûrement pas remarqué et elle continua son chemin. Il ne se contenait plus, sa colère et sa haine grandissante pour ce monde débordé désormais. Son rire se fit plus fort, tel un fou venant de s'échapper d'un asile.
Il se relève subitement et s'approche rapidement d'elle. Il pose sa main sur son bras dénudé pour la retourner face à lui. Leurs regards se croisèrent, les éléments si gris, qui arpentaient son entière vision, se recouvrirent de couleurs encore plus lumineuses et saturées.
La femme insista de son regard, se demandant si ce pauvre être avait besoin d'aide. Elle portait un long trench beige, ses cheveux bruns lissés arrivaient juste en dessous de sa poitrine. Le cœur de l'homme pourtant si déchiré, s'apaisa.
Il ne disait rien, il ne savait déjà plus pourquoi il lui tenait le bras. Il contemplait les couleurs autour de lui, portait une autre interprétation de ces gens, si pressés, si stressés, en quête d'une vie. Elle arracha son bras de sa poigne animale et repartit sans se retourner, continuant sa discussion téléphonique. Il pouvait entendre sa voix s'évanouir au fur et à mesure que la distance s'agrandissait.
Il était là, sur ce trottoir, se tenant sous la pluie, sans son parapluie et il s'en foutait. Les couleurs dansaient devant ses yeux, les rires des passants étaient devenus agréables, son rire frénétique se mêlant aux leurs. Les conversations, l'odeur des croissants chaud sortant du four des boulangeries, la musique bien trop forte sortant des écouteurs de certains, le vrombissement des voitures... Depuis quand les rues étaient-elles si attrayantes ?
Et alors qu'il marchait au travers des rues de la ville, il en oublia complètement sa vie, son boulot, sa famille, ses amis. Ces sens prenaient le dessus. Un coup de fil retentit dans sa poche. C'était son foutu patron, un homme odieux, autoritaire, mesquin, moqueur, vengeur et manipulateur, qui détestait les employés en retard.
Devinez maintenant qui était en retard ? Lui.
Qui venait de perdre son boulot ? Encore lui.
Après avoir raccroché sans même avoir tenté de se sauver, les tons monochromes repeignirent le fond de ses iris. Il se résigna à faire demi-tour, rentrer chez lui était devenu sa seule activité de la matinée. Il avança, tête baissée, les cheveux trempés, les vêtements collés à sa peau, bousculant les passants sur son chemin. Arrivé devant chez lui, il remarqua un papier collé contre la porte, un avis d'expulsion, écrit en gras noir sur blanc.
Il déambula toute la journée dans les rues, cherchant à revoir une dernière fois ces couleurs si chatoyantes. Le soleil avait déjà fait son au revoir, il tenta d'appeler un ami. BIP BIP BIP, messagerie téléphonique. Il se sentait pitoyable et la pluie recommençait à s'abattre. Ses larmes se mélangèrent alors aux larmes des nuages. Il ne pensait qu'à une chose : en finir.
Il grimpa les escaliers d'un des gigantesques immeubles devant lui et accéda au toit de celui-ci. L'air était plus froid tout en haut, le vent venait s'engouffrer dans ses cheveux mouillés qui mériteraient un bon coup de ciseau. Il s'approcha lentement près du bord et apprécia pour la première fois aujourd'hui, cette vision monochromatique.
La vue panoramique des édifices était tâchait de petits points gris clair, telles des étoiles parsemant le ciel nocturne. Il grimpa sur le rebord, prêt à se laisser glisser, à laisser tomber sa vie. Il voulait s'endormir, sa fatigue était trop forte, il voulait s'endormir sans rêver. C'est au moment où il leva son pied droit qu'un éclair tonna et il se sentit happé en arrière.
Sa tête faisait un mal de chien, il venait de taper contre le sol du toit. Sentant un poids sur lui, il ouvrit les yeux, une longue chevelure brune s'étalait sur son torse. La femme releva son visage et il la reconnut instantanément. Ce regard marron clair, doux et vivace venait encore une fois de le bousculer.
Lorsqu'il se rendit compte que c'était elle qui lui avait redonner vie dans la rue, et ici, sur ce toit, il se releva brusquement la laissant à terre. Elle se mit à pleurer, l'implorant de ne pas sauter et il pleura avec elle, pensant " Personne n'est tout blanc ou tout noir. Nous sommes tous gris" et selon lui, c'est pire.
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Quand je passe devant ce trophée, je ressens toujours un pincement au cœur que je préfère cacher. Malgré ce sentiment oppressant, celui d'une nostalgie non désirée, je continue de lever la tête chaque matin et de poser mes yeux vides sur cette paroi dorée, reflétant mon reflet livide.
Je n'ai plus accès aux hauteurs de cette étagère où mes succès d'antan sont étalés. Une femme de ménage vient une fois par semaine tout nettoyer, passer le chiffon sur ces vieux trophées poussiéreux.
Je n'ai plus la possibilité d'espérer en gagner de nouveaux, mon corps étant coincé dans ce fauteuil roulant depuis ce fichu accident. Je me remémore souvent cet instant, celui où je me trouve presque au niveau des nuages, debout, fier, sur mes deux skis de compétition. N'entendant aucunement les cris d'encouragement de la foule qui m'attend bien plus bas, pris dans un tourbillon d'adrénaline lorsque je dévale la pente, que je glisse encore et encore prenant cette vitesse de plein fouet qui fait tant battre mon coeur.
Mon esprit, empli de sensations fortes, de pensées victorieuses et je dévale la piste à toute allure jusqu'au rebord de cette route, me permettant de m’envoler dans ce ciel bleu infini de janvier 1983.
La sensation vertigineuse d’une chute plutôt lente et rapide à la fois, l’air qui s’engouffre jusqu’au dernier centimètre de mon épiderme, contractant tous les muscles de mon corps athlétique.
Les cris de ces inconnus m’acclamant comme le Messi avaient le don de raviver en moi une flamme, une flamme maintenant éteinte depuis bien longtemps.
J'étais prêt, j’en avais l’habitude, je connaissais tous les mouvements, comment bien retomber, la puissance de la gravité, le choc mais je n’avais pas prévu une seule petite donnée… Celle de m’évanouir à l’instant où mes pieds toucheraient cette neige blanche tant appréciée.
Un réveil brutal dans un lit d’hôpital. Un médecin sans empathie annonçant la grande nouvelle, tant redoutée.
- Monsieur Clart, votre moelle épinière a été touchée lors de votre accident en ski. Nous avons fait de notre mieux, mais j’ai le regret de vous apprendre que vous serez désormais dans l’incapacité de marcher.
Ce n’était plus une peine, c’était une mise à mort. Je ne pourrais vous dire mon ressenti à l’entente de ces mots. Peut-être était-ce de la colère, de la pitié, du regret, de la haine, de la peur, de l’incompréhension et de l’anxiété, ou même tout cela à la fois. Je ne sais plus.
Je suis resté planté là, couché sur ce foutu lit au matelas dur, l’écoutant me marmonner des choses que je ne pouvais entendre, du moins que mon cerveau avait décidé de ne pas enregistrer.
C’est après plusieurs mois de rééducation que j’ai pu enfin rentrer chez moi, dans un fauteuil roulant. Cette glisse, était tellement différente, ce béton dur et gris, ces petites roues fragiles ayant même du mal à passer par-dessus un petit caillou, la lenteur à laquelle j’avançais faisait désormais allusion à mon présent et à mon futur devenu si ennuyeux.
Les regards des gens transpirant de pitié à mon égard, n’avaient rien à voir avec les yeux pétillants des admirateurs de mes moments de gloire.
Seuls quelques médailles et trophées sont entreposés comme des trésors dans ce hall d’entrée afin que chaque jour, je puisse me souvenir de qui je suis, et non pas de celui que je suis devenu, un lâche, un faible, un incapable, un handicapé, rêvant d’une seule chose, pourtant pas si simple. La victoire.
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