Fractalises-moi
de Chlon
Aujourd'hui je n'ai rien à faire, alors je me dis que je vais écrire ma vie.
Soit.
N'ayant à proprement parler, aucune vie digne d'un nom qui se définirait autrement que par la capacité biologique à entretenir mes matérialités singulières, le récit qui s'impose à moi n'est alors qu'une projection bien dissemblable à une quelconque réalité que je fuis de principe.
Mais avant de partir loin dans la fractalisation de mes ténébrations, arrêtons-nous simplement sur l'inclusion d'un phénomène propre à ce monde auquel j'appartiens malgré moi.
- Je ne suis pas un mec normal.
La phrase me pique au coeur. Qui aime être normal, à nos heures ? Quel jugement s'avance de pertinence lorsqu'il s'agit de traiter la banalité morose et anthracite d'une majorité statistique réservée aux moutons, aux masses informes et tributaires d'une malédiction à laquelle je ne voudrais jamais avoir à faire. Ces gens normaux (lesquels sont qui pour qui ?), je ne veux pas leur ressembler.
Et malheureusement pour moi, je ne suis pas un mec normal. "Je suis pathologique."
Une maladie de l'identité reportée à toute chose qui viendrait me frapper d'incrédulité, je ne suis que ce que je vois, sans être pour autant moi. La fuite d'une âme par-delà son corps, qui initie une distanciation salutaire, généreusement offerte d'explosion personnelle.
Les structures psy que j'ai fréquenté se bataillent encore pour bouloter un bout de gras limbique, et mon dossier se perdra dans les méandres de la pénurie lorsque je ne serai plus.
Un brin passioné de moi-même, mais révulsé à l'idée de me rencontrer, je tourbillonne.
Dans une tête bien construite, on y rencontrerait de manière fortuite des mécanismes inavoués, libres de toute responsabilité occulte, et se morfondant dans l'illusion d'une quelconque magie semblant pourtant valoriser de manière inestimable une fonderie d'existence au fondement d'une présence au réel que je n'aurai jamais.
Dans ma tête à moi, il n'y a qu'un réseau éclaté.
Je n'existe pas, pas plus que vous, pas plus que tout ça.
J'aime à me penser comme cette machine que vous ne savez piloter. Les mécaniques ancestrales formulent des incantations dont je n'aurais l'irrespect de tendre à prouver la raison, cependant que marchandent mes oraisons avec les conflits eux-mêmes, ceux de cette raison que je ne peux qu'envisager de paradoxe, ce que j'aime, bien au-delà des apparences lisses et cohérentes de votre normalité que je ne partage pas.
C'est pourquoi si vous entamez la lecture de cette pièce de moi-même, je me dois de vous prévenir... si je parviens à traduire ici ce qui se déroule réellement dans mes intérêts (ce qui n'est pas assuré), alors il se pourrait que nous tous en ressortions changés.
En de telles circonstances abstraites, je pourrais avoir à la lecture de cet avertissement, un comportement rebelle, s'orientant soit vers l'ignorance, soit dans la provocation. Or il n'est question ici que de ma propre accointance avec ma substance.
Donc s'il vous tenait à coeur de ne pas poursuivre la lecture de ces mots... Décidez promptement avant de vous enfoncer.
Car comme je ne sais pas quoi faire aujourd'hui et que je n'ai pas de vie ; je vais raconter des irraisons tout-à-fait à la portée de mes cordes, quoi qu'en dise l'opinion publique ; c'est tellurique, c'est sismique, ça projette du fluide démesuré et c'est moi, qui vomis un truc gerbophile et matraqué d'irrespect langagier, l'humeur de mes hystéries frauduleuses, la météo d'un oraculeux produisant par effet une effervescence de puissance fragmentée.
N'étant rien ni personne, je ne vais pas parler de ce qui occupent les journées de certaines personnes. Je ne fréquente pas ; je n'amuse pas ; je ne festive pas non plus. Toutes ces raisons et d'autres, toujours d'autres, font que je ne suis pas vivant au sens actuel du terme.
Il n'y a rien dans mon existence qui justifie une adéquation entre moi et la société.
C'est un peu pour ça que je ténèbre.
Et lorsqu'advient un événement dans cette réalité concrète, mon esprit doit atterrir en catastrophe tant il ne percute jamais que trop violemment l'idéal d'un impact massif et faramineux, longitudinal dans ses engraissements tropicaux d'affaissements médicaux.
Je ne suis que ce que je consomme ; une pillule de survie limbique.
On m'a filé ça pour que je reste connecté. Sans ce petit artifice volontaire, je ne suis plus accroché, et on me perd. Les fils tendus se brisent, les toiles se déchirent, les armatures s'effondrent ; je n'aime que l'affect déconstruit d'une nouveauté illimité dans l'asingularité.
Mais il est trop tôt pour le dire, et c'est d'ailleurs ce qui me préoccupa dans une mesure temporelle circonscrite, délimitée par effet d'optique, aux détours des métaphysiques de mon âme à peine tachée des flagorneries démentielles outre-tombant du ciel par la terre des ancêtres aux lunes-garous fractalisée d'emblée par modalité doublée...
On ne saurait ce qu'il y a dans mes illusions, car elles sont flibustières.
Mais je ne me permets leur déclinaison que parce que c'est justiciairement que leur pratique imminente améliore l'évidoir d'un terrible transistor un peu trop accointant. Je me téléporte dans la phrase, qui m'engloutit et que je subis, car elle-même est plus forte (que moi) et c'est en téléscope que j'estime l'opale des vestiges d'un trésor opaque au délire énorme coulant en flaques liquides hémophiles.
Je vomis.
C'est ainsi que sans temporalité, je lance un début de récit qui ne devrait jamais pourtant s'affranchir d'un calendrier. Aujourd'hui ; demain ; qu'est-ce qu'hier ? Je ne peux que larmoyer d'irraison en tentant de capter les vraies notions de ce trouble de ma perception.
L'abandon de mes spécificités ?
Je vous laisse juges de mes radicalités, soyez plus ou moins indulgents que ne le furent mes disciplinités ; j'aurais essayé. Mais quant à moi, je suppose ici ne plus exister que par la pensée, le flot de réflexion qui avance notre condition sur le plateau de la vie, de l'humain, de moi dans mes irresponsabilités médiatisées, paramédicalisées, systématisées en pastilles aromatisées que je distille comme un fossile géolocalisé dans un précipice aux mirifiques artifices délicatisés... j'osmose un peu mes dictionnarités.
Or donc, le récit de la phrase elle-même... se doit-elle de s'incarner pour s'apostropher de solipsisme ?
- Bonjour, je suis la phrase.
Oh mince, me voilà qui commence à me télémorpher d'irrespect envers mes intentionnalités délabrées d'identité. On cause de moi, mais je ne suis pas là, et ces mentalités toujours alités ne sauraient vraiment faire valser autre chose que la musicalité des hospitalités ici auscultées.
Je ne suis que ce que je cautionne ; et quelque part, il n'y a aucune obligation à ce que je vote pour moi-même. Cet ahurissant transparencement est transperçant, mais jamais transcendant, car il n'est plus de ces descendances néologiques, qu'on croyait peut-être immortelles.
Il n'y a rien autour de moi, je suis nu.
Je suis nu et je fume, et la musique me hante.
A l'image d'une fusion des éléments, je maintiens quelque ténébrement, n'admettant à mon caractère que celui qui sait le taire. L'immonde bête, l'infâme être, l'abscons transitif, génitalement procréé pour l'idée, ne fait pas de moi un pourfendeur des pulsations. On pourrait dire (et vous auriez probablement raison) que je ne suis pas à ma place ; mais qu'en est-il de ce temps et de cette mécanique (de cet espoir), si transi de sudation en terreur des fondations à l'heure tardive d'un réveil méphistophélique. Quoi ?
Je ne sais ce qu'on pourrait prophétiser ; c'est un fait il faut annoncer, comme dans ce célèbre jeu de dés, ou fut-ce des cartes, des bâtons ou des allusions, je ne suis plus vraiment au courant mais quand cette vision rentre en titubant, c'est que le salon était au syphon, mes tribulations en termes de finition, auraient méritées quelques ablutions.
Mais je ne ténèbre pas pour rien. Et si ici c'est un échec que de parler de ces mentalités démesurées qui occupent ma psyché, je peux néanmoins tenter la rédaction de ce qui pourrait devenir mon empreinte attitrée, repère de mes civilités.
Je ne sais pas quoi faire aujourd'hui, mais je ne sais ce que c'est que faire ; on aurait une mélodie en tête avec ses accords, ses harmonies, en décors d'un on-dit des fois à tort, trop tôt surpris en torticoli, plutôt d'abord et ensuite car poli, mais sitôt ourdi d'un ressort resurgit et se tord d'un rire d'aurore, que je ne suis que parce que je mords, à pleines dents, encore, un essor et dans l'effort pas trop pire que la mort, mais toujours je souffrir, je souffle fort...
Voilà à peu près ce qui attend le lecteur intempestif de mes marginalités, s'il en est qui veulent s'y sentir, s'y essayer.
Je ne promets que le repentir de ma propre intentionnalité, car s'il est un martyr dans mes aspérités, il se devra peut-être de partir pour se sauver lui-même d'humanité.
Cependant je ne sais.
On ne distingue que quelques atrocités dans mes décomptes fractalisés.
Pourquoi poursuivre ?
Je ne sais.
Et lorsque tinteront les alarmes douces et angéliques d'une ivresse trop tardivement appréhendée, c'est que sera venu le moment de célébrer l'absolue authenticité de nos saluts déhanchés et immortalisés d'essence par ce passé que nous construirons un jour, je peux vous l'assurer.
En fonction de quelques maçonneries de mots, nous aurons tantôt à faire de la mécanique ou de l'organique, du platonique ou du fantastique, n'en déplaise aux sceptiques, je ne fais que répercuter quelques chocs tectoniques...
Et de cette époque je suis né, parce qu'elle est épique et que mon nez à travers les chapitres historiques a su avant la maternité prouver qu'il avait du pif. Je suis ici, et maintenant, au coeur d'une crise sans précédent, celle des irresponsables et de leurs antécédants, les détenteurs d'un trop important ascenceur démesurant.
C'est de ce facteur prédominant que s'interessent d'ailleurs mes radars de pertinence, car s'il est un acteur effaçant quelque prédateur au plan évacuateur de mes trop-pleins de frein-moteur, c'en est quelque loin-des-leurs que j'officie en barreur d'un navire n'arimant jamais aux rivages ravageurs des gammes montées et descendues d'un rêve chromatique jamais égalé dans l'irrespect des mondanités trop suspectes pour être suspectées, fractalisée.
On condamne.
Je profane.
La mélodie de mes illusions jamais ne se termine, et on a beau entrevoir une fin, celle-ci est toujours quelque étape supplémentaire avant la suivante, qu'on ne peut entrevoir qu'à travers le trou de la serrure gigantesque.
A quoi servirait tout ceci, si ce n'est d'exutoire vomitif ?
A rien, probablement.
Il me faut le constater, je ne poursuis rien d'autre que ce clavier, ce curseur, ces doigts affolés par une pudeur à véhiculer, car jamais ne meurt l'image pelliculée immaculée... je ne suis si seulement pourquoi quelque passoire m'aurait laissée passer ; c'est dérisoire ; mais c'est passé.
Et en phénomène de tout ce qu'il pourrait y avoir de transgressif dans mes approfondissements aériens (je paralyse), en aucun cas pour qu'aucun état ne figure à l'opuscule de mes méfaits, pourrait-on se surprendre à me prendre en flagrant délit d'ivresse lexicale...
Je ne sais réellement ; je suis.
Et pourquoi (bon sang pourquoi) toutes ces questions sans réponses qui affluent et postulent et s'enfoncent dans la ténèbre de mes espérances, je m'y retrouve sans substance, car je ne sais pas vraiment ce qu'est l'existence, et je m'en passe d'absence. Vous me trouvez piteusement inexistant, n'est-ce pas ?
Je le suis.
Et c'est de ça que je me nourris.
Déblatérer mon histoire c'est déblatérer ma pensée, et je le fais spontanément sans regard de temporalité... jusqu'où ira ce morceau de mon territoire ? Jusqu'où s'étendra son étendard ?
Nous verrons.
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