Un mal-être emplit la personne en face de moi, mais je ne sais qui d'elle ou de moi se sent le plus mal. Ce n'est peut-être qu'un souffle de vent, ou bien le regard lointain de la mer que j'aperçois là-bas, au-dessus de la mémoire des Hommes. Mais qui suis-je donc pour me bercer d'illusions sur le monde tel qu'il est ? Le poète transi d'amour s'en va mourir dans un coin, sa belle l'ayant oublié depuis longtemps. L'enfant pleure car ses parents ne sont pas rentrés et ne rentreront plus jamais. Une petite fille pleure car elle est devenue aveugle et se retrouve seule dans la rue à demander l'aumône.
Enfin, un mendiant passant par là, voyant toutes ses peines, et observant de loin les habitants, se remet en question, comme son maître Socrate le lui a appris à travers la maïeutique. C'est donc à travers un faisceau de lumière que la douceur de sa mère se rappelle à lui, tout en le berçant dans ses longues et douces mains que le temps n'a point abimées. Elle lui dit enfin: "Mon fils, tu vois ces gens-là, ils sont dans le besoin bien plus que toi. Tu représentes leur dernière chance de s'en sortir, leur dernier espoir. Sois aimable et patient avec eux, car tout tourne, la vie s'en va et revient, tel un raz-de-marée emportant tout sur son passage, ne laissant que des poissons hors de l'eau. Alors souviens-toi mon fils, et n'oublie pas : le secret du bonheur réside dans le coeur des Hommes et non dans leur raison. Aime-moi à travers eux, c'est tout ce que je te demande. Je t'aime." Et la mère partit, ne laissant derrière elle qu'un parfum de rose musquée qui s'évapora dans l'air en même temps que la rancoeur du mendiant qui se fit moine à l'instant, afin d'aider ces pauvres gens dans l'espérance d'un lendemain meilleur.