Il était vingt heures trente et une en ce jour de mars. Dans quelques semaines, les premiers pavés de soixante-huit allaient être descellés à Paris. La contestation atteindrait un paroxysme inattendu. Un grand nombre de bienséances établies voleraient en éclats. Comme de nombreuses vitrines des rues commerçantes. Et qu’importe la répression ! Qu’importent les risques de marginalisation ! Qu’importent que les certitudes d’hier vacillent de leur estrade pour ouvrir les portes d’un autre chose avec son florilège d’incertitudes et de questions ! Les pavés allaient être balancés parce qu’ils devaient être balancés. Trop à l’étroit dans le corset étriqué des normes sociales, la jeunesse se rebellerait. Elle se mutinerait ! Elle s’insurgerait ! Elle se révolterait sur les barricades de ses certitudes !
Le nouveau-né braillard que j’étais, devenu silencieux au creux de sa mère, était l’un de ces pavés.