Au début, avant même que la décision ne soit prise de rejoindre l’étrange terre des Bardenas Reales, on n’est que partiellement à soi, comme si une étonnante aimantation nous tirait hors de nous, nous dispersait aux quatre vents de l’irraison. On n’a plus de centre de gravité et tout part à hue et à dia sans que nous ne puissions en quoi que ce soit endiguer ce phénomène. On est livré rien moins qu’à sa propre diaspora, à sa fragmentation dans le temps et l’espace. Cela s’agite en nous, cela fait sa gigue, son carrousel. Cela s’éparpille selon le confondant puzzle de l’exister. Sa tête est au passé, occupée par quelque réminiscence forant son puits jusqu’à l’ineffable dimension de la mélancolie. Son tronc est au souci de quelque exercice physique au terme duquel on croit pouvoir dissimuler la réalité de son âge. Ses bras, on les dispose en cercle dans l’attente de la venue de l’Aimée. Son ombilic, on le soulève à la seule remémoration d’une chère qui fut festive. Ses pieds s’impatientent de parcourir les chemins sur lesquels s’inscrivent les traces du destin. En définitive l’ego n’est nullement à sa place. Ou trop en arrière dans les ornières de ce qui fut. Ou trop en avant dans la fuite toujours renouvelée qui dit notre foncière irrésolution. Le divin présent, quant à lui, n’est qu’une fumée se dissolvant dans la grille éthérée du ciel. On se cherche et ne se trouve point.