Paris, Quai aux Fleurs en ce début d’automne
A vous qui n’existez qu’à être nommée
Sachez, vous, ‘La Nuitamment Venue’, l’épine aiguë que vous avez plantée dans ma chair sans qu’il me soit aucunement possible d’en retirer le feu, d’en adoucir l’incision. Lorsque, parmi mes multiples voyages autour de la planète, tel le Petit Poucet, je balisais mon parcours de petits cailloux blancs, eh bien votre rencontre s’illustra sous la forme d’un caillou noir, un onyx dont l’œil perçait la nuit à la manière dont un aigle traverse le ciel de son vol rapide. Oh, certes, il n’y a aucune cicatrice visible et ma peau demeure lisse comme au premier jour. C’est bien plutôt mon âme qui en porte la trace, un souci continuel qui me place constamment hors de moi ou bien à l’illisible frontière qui me constitue. Pour vous je ne saurais exister puisque, jamais, vous ne m’avez vu. D’ailleurs comment auriez-vous pu m’apercevoir, vous la Nocturne Présence ? La nuit était votre domaine. La nuit était la cape dont vous revêtiez votre corps. Je supputais, que par un naturel contraste, il devait avoir la teinte d’une falaise blanche. Juste les grains marrons des aréoles. Juste la tache buissonnante du sexe. Me trouverez-vous irrévérencieux, offensant ce que votre nudité a de privé ? Non, vous ne le ferez pas au simple motif que votre corps est une simple hallucination qui fait l’épreuve de mon esprit, le siège de qui je suis, bruit du vent parmi le lent voyage du monde. Le but de ma lettre ? Témoigner seulement, vous dire le plein de mon admiration. N’est nullement ‘Femme de la Nuit’ qui veut. Il faut avoir, à ceci, une réelle force de caractère. Il faut accepter l’ascèse d’une existence nocturne. Il faut renoncer à la partie diurne de soi, s’effacer en quelque sorte de la scène des Existants. Ceci est assez rare pour que cela se fût inscrit dans ma mémoire avec la vivacité de la flamme.