Suivez, soutenez et aidez vos auteurs favoris

Inscrivez-vous à l'Atelier des auteurs et tissez des liens avec vos futurs compagnons d'écriture.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
Image de profil de null

muriel Maubec

France, Région Auvergne Rhône-Alpes.
Défi
muriel Maubec

Grand-père, c'est prévu qu'on en ai deux, je n'en ai pas connu un seul. Le père de ma mère est né dans le Doubs, ça sonne merveilleusement doux à mes oreilles. Je sais qu'il a quitté son petit village dans lequel il était papetier pour venir aux pieds du Mont-Blanc. Il a croisé le chemin d'une jeune fille qui fauchait du foin dans un champs, jeune fille à qui il a proposé un coup de main pour aiguiser la faux.
Je n'ai de lui que très peu de choses, une photo et quelques souvenirs de ma mère. Il est parti bien trop tôt, ma mère n'a pas pu l'avoir à son bras le jour de son mariage.
Je suis partie sur ses traces, sur les petits chemins de son département, j'ai traversé les petites ruelles d'un tout petit village, j'ai trouvé une mairie, une petite place. C'est aux archives départementales que j'ai découvert sa famille et son histoire, dont ce fameux tonton qui a embarqué pour les Amériques. Ce tonton s'est marié à New York avec une jeune française. Après vous viendrez me dire que c'est faux, cette histoire de "tonton aux Amériques". Pour nous, c'est le cas. Bon, je ne sais pas comment ça s'est passé là-bas, mais je sais qu'il est rentré chez lui pour fabriquer ses petits héritiers, à l'ombre du coq gaulois de son clocher.
L'autre grand-père, c'est encore plus mystérieux et rocambolesque. Jamais entendu parler de lui, si ce n'est en mal. Mon père ne connaissait pas son père, inconnu au bataillon. Bataillon ? Tiens, le mot tombe bien. En 1968, mon père est incorporé comme jeune soldat chez les chasseurs alpins. Il adore le ski et la montagne. Un soir, le sergent vient le voir et lui dit : "dis, tu ne nous avais pas dit que tu avais un frère !" Mon père répond qu'il ne sait pas qui est son père, alors un frère...
Il fait donc la connaissance de son petit frère (ils ont deux mois d'écart). Comment c'est possible ? La maman du petit frère était l'officielle, épouse épousée, la maman de mon papa a été l'officieuse. Charmant cinq à sept dans le petit village, dans lequel ils ont grandi tous les deux. Ils se connaissaient mais n'ont pas pu se marier. Bon, ils ont juste fait un petit en douce. Et ce petit fait en douce, qui s'est fait traiter de bâtard toute son enfance, est devenu mon papa.
Cette histoire, nous l'avons reconstitué ensemble, tous les deux, en allant tourner les pages jaunies des registres de la mairie. C'était hyper émouvant de faire ça ensemble.
Mon papa est décédé brutalement en 2018, suite à une chute dans les escaliers. Je sais que de là où il est, il a cet éternel sourire et ses yeux bleus malicieux. Il est heureux car tout le monde a repris sa place dans les branches de l'arbre. Il n'y a plus de honte, plus de secrets cachés. Juste une histoire d'amour qui n'était pas possible.
Les parents de mon papa étaient cousins germains. Mon papa est né de leur histoire.
Je n'ai pas connu mes grands-pères, mais je sens que la vie aurait été différente s'ils avaient été là.
La vie m'en a "offert" un, un monsieur venu d'Allemagne, qui est resté au pays du Mont-Blanc, après la seconde guerre. C'est à lui que je dois la maîtrise que j'ai de la langue de Goethe. Il était interprète et mes oreilles ont capté son accent et ses phrases.
7
58
3
3
Défi
muriel Maubec

Non mais, je ne vais pas me laisser marcher sur les pieds. Je ne remettrai pas un pied dans ton foutu pied-à-terre, dussé-je faire un pied de nez à la politesse et aux convenances sociales. Non mais. Entre ton costume "pied de poule" et mes chausse-pieds en écaille, je pensais avoir trouvé "chaussure à mon pied" , ouais, tu parles, tu viens de me faire un fameux "croche-pied", genre "coup de canif dans le contrat", quel manque de bol. Et moi qui avais travaillé d'arrache-pied, pour ne pas trop te casser les pieds, me voilà comme mise à pied. J'avais fait des pieds et des mains pour mettre sur pied de jolies retrouvailles pour toi et moi, j'avais fait le pied de grue devant les boutiques des grands magasins, à me faire écrabouiller les pieds, pour dénicher de quoi pimenter nos nuits, histoire que tu prennes ton pied. Au lieu de ça, je perds pied en te voyant conter fleurette à une biche aux yeux tendres. A propos de biche, méfiez-vous, tous les deux, je risque de vous refaire le portrait à coup de pied de biche, justement. Ça vous fera les pieds. Non mais.
17
36
2
1
Défi
muriel Maubec

Pourquoi sans être objective ? Parce que je suis maîtresse d'école, institutrice, même si ce mot a été remplacé par la notion de "professeur des écoles". Depuis que j'ai l'âge de six ans, je sais que je veux être maîtresse, que je veux être dans une classe, faire classe et transmettre des connaissances.
J'ai grandi avec tout un cordon de maîtres et de maîtresses qui ont laissé une forte impression sur moi, tout comme les professeurs au collège, au lycée, puis à l'université. Et dans les écoles où j'ai commencé mon métier, des enseignants passionnés et chevronnés m'ont mis le pied à l'étrier et m'ont laissé faire mes premiers pas. J'ai, dans mon dos, le souffle d'un Joseph Pagnol, instituteur à Marseille. Ça peut faire rire cette image du passé, mais c'est ainsi que je conçois mon métier, au-delà des défis, des difficultés et des obstacles de notre société. Partout j'entends dire que la profession est décriée, que plus personne ne nous accorde aucun crédit, que nous ne sommes pas respectés. Je sais ce que je fais dans ma classe, je n'attends pas qu'on m'accorde un quelconque crédit, je l'ai en moi. Je sais pourquoi je fais ce métier, je sais que la société marche sur la tête, que l'éducation n'est pas simple, que les enfants sont paumés, que les parents sont paumés, mais je sais aussi que chacun fait ce qu'il peut, du mieux qu'il peut avec ce qu'il est, avec ce qu'il a reçu comme passé, comme éducation. Je sais où sont mes valeurs, mes principes, je fais classe avec mes tripes, avec toute mon authenticité, tout mon engagement et toute ma sincérité. Je mets ma sensibilité, ma créativité au service des enfants pour les aider à avancer sur le chemin. Un enfant a naturellement envie d'apprendre, à moi de lui donner les outils pour l'aider à développer tout un tas de compétences, à montrer le meilleur de lui. Cela passe par la confiance, l'estime de soi et l'envie de dépasser des obstacles.
Je bassine les élèves avec l'idée de faire des efforts et de prendre du plaisir à ouvir un livre, que lire devienne une distraction, pas une punition. Je fais classe avec les albums de Tintin, j'invite les enfants à jouer avec les mots pour devenir meilleurs en orthographe. Oui, on fait des dictées, mais on compte les réussites, le mot "faute" est banni de ma classe. On compte les réussites et on ouvre un dictionnaire phonétique pour vérifier l'orthographe des mots. On dessine les mots pour associer leur sens et leur orthographe. On joue avec des images pour manier la conjugaison : l'auxilliaire "être" devient un radiateur pour réchauffer le "Verbe" en pyjama, qui enfile un tee-shirt, en fonction du pronom personnel qui vient jouer avec lui.
Je raconte les petites histoires de la grande Histoire, pour leur montrer que le passé a tout un tas de choses à nous enseigner, y compris les bêtises et le manque de bon sens. Parce que chaque époque a eu du bon et du mauvais. A nous d'en garder les leçons et de poursuivre les bonnes idées de chaque époque, pour avancer vers l'avenir.
On parle des racines, des différentes cultures, on chante ensemble, on fait de la percussion ensemble, pour ressentir l'essentiel : la musique en notre coeur et la force des émotions. Montrer que nous pleurons tous de la même couleur quand des mots nous blessent, attaquent notre âme.
Mon école, elle n'est pas parfaite, mais elle donne une chance à beaucoup d'enfants : ceux qui ont des troubles de l'apprentissage, ceux qui sont autistes, ceux qui ont un comportement compliqué. A tous, on essaie de donner une chance. Dans ma classe, je distribue des sourires, je donne un cadre et je multiplie les projets pour donner aux enfants l'envie de se lever le matin pour faire les efforts que je demande. Et quand les parents me disent que leur enfant est toujours content de venir, c'est ma plus belle récompense. C'est basé sur la communication et la confiance. Alors c'est vrai que je râle, c'est vrai que je demande à être vouvoyée, c'est vrai que je crois à la nécessité des limites et des règles; je garantis à chaque enfant tranquillité et calme. Je n'ai pas de baguette magique, je n'ai pas le pouvoir d'empêcher les conflits et les bagarres, mais je fais de mon mieux pour poser mon regard sur la vie dans la cour de récréation. Je repère les regards de défi et les gestes provocateurs et j'interviens très vite, pour éteindre les étincelles d'embrouilles, avant que ça ne devienne échanges d'insultes et de coups de poings.
Je crois en l'humain et j'aime aider les parents. "On n'est pas trop d'un village pour élever un enfant" est une expression pleine de sagesse que j'aime beaucoup.
9
11
3
3
Défi
muriel Maubec

Je l'ai fait... J'ai fait l'amour, plus ou moins adroitement, les premières fois. C'était cependant très tendre. Il fut patient, attentionné, à l'écoute de mon ressenti, moi, l'abîmée.
Je l'ai faite... J'ai fait ma valise et je suis partie m'installer, petit à petit chez lui.
Je l'ai faite.... la gueule ? Non, ce n'est pas mon genre. Ni râleuse, ni boudeuse; j'exprime simplement ce que je ressens.
Je l'ai fait, j'ai fait le sapin de Noël, en 2009, alors que j'avais perdu mon mari au mois de janvier. Ce fut déchirant, j'ai pleuré en mettant les guirlandes; mais je l'ai fait, car la chaleur des couleurs était réconfortante. J'ai fêté Noël avec les enfants, en versant quelques larmes mais nous l'avons fait et nous continuons de le célébrer, de célébrer la lumière, les sourires, la neige, l'hiver, l'étoile de leur papa au ciel, la promesse d'une Nature endormie qui va revivre.
Je les ai faits..... les 400 coups ? Oui et non, pas tant que ça. J'étais plutôt sage et docile, calme et tranquille, rêveuse et respectueuse; attendant mon heure pour prendre la parole et voler de mes propres ailes, pour porter haut le verbe de mes idées, de mon être, avancer sur le chemin de mes rêves et de mes envies.
Je l'ai fait... je suis montée à cheval, avec santiags, selle western et l'esprit Bonanza derrière moi, bon, pas de Stetson sur la tête, quand même, il valait mieux porter la bombe. Je suis tombée du cheval, je me suis fait marcher sur le pied par un cheval, je me suis fait surprendre par une tête de mule qui s'est emballée. Promis, je vais le refaire. Me reste à trouver le bon centre équestre et le bon professeur qui saura m'aider à apprivoiser ma monture.
Je l'ai fait... mon lit, le ménage... et ça commence à bien faire. C'est pire que tout. Faire, et refaire; et refaire encore. Enfin, je ne vais pas m'en faire. J'ai autre chose à faire.
Je l'ai fait... pipi et caca. Ben oui, faut ce qu'il faut et c'était à faire. Et personne ne pouvait le faire à ma place.
Je l'ai fait... l'école. Oui, je fais la classe, c'est un si beau métier. Non, je ne suis pas en train de repeindre les murs, juste j'applique un peu de couleurs sur le quotidien gris des enfants, je leur apprends à ouvrir grand leurs yeux et à se nourrir des belles choses, des belles paroles et à user de leur bon sens et de leur intelligence.
Je l'ai faite... la planche. Je me suis laissée flôtter au gré des turpitudes et des épreuves.
Je l'ai fait.... tapisserie. Ah oui, ça je connais. Rester en plan sur le bord de la piste. Ça fait mal, j'étais mariée à un prince de la valse; et il avait fait de ma vie un tourbillon dansant.
11
18
1
2
Défi
muriel Maubec

Je suis à la veille d'emmener mes élèves au monument aux morts, pour une cérémonie liée à la Flamme du Souvenir. Ce sont des moments forts, importants pour le devoir de mémoire. J'ai pu constater que les enfants sont sensibles à l'histoire des enfants de la ville, dont la mémoire est honorée lors de ces cérémonies. Notre école primaire porte le nom et le prénom d'un de ceux qui figurent sur le Monument aux Morts de notre ville. Les enfants se sont instantanément intéressés à son histoire, à qui il était, au petit garçon qu'il était, au jeune ouvrier qu'il n'a presque pas eu le temps d'être. A nous de trouver les mots pour leur raconter ces heures sombres de l'Histoire, leur montrer que les adultes n'ont pas toujours su se montrer intelligents et que bien des guerres ont déchiré notre ruban chronologique. Malheureusement l'actualité montre que l'humain n'a pas encore tout compris en ce qui concerne la paix, l'amitié, le respect et le vivre-ensemble. Et mes élèves qui posent toujours cette même question "mais pourquoi il y a la guerre ?"
Du plus profond de mon humanité et de mon positivisme, je leur confie que l'Espoir est permis et que chaque être humain a la possibilité d'agir autrement. La gestion des émotions et le souci de l'Autre peuvent permettre à chacun de grandir ensemble et d'avancer sereinement sur le chemin, car rien ne vaut la préciosité de la Vie.
Il me semble essentiel de garder les deux dates, celle du 11 novembre n'est pas celle du 8 mai, car les deux conflits sont différents et n'ont pas eu la même portée sur le plan humain.
Quand j'en parle aux enfants, j'essaie toujours de leur expliquer que les Allemands d'aujourd'hui ne sont pas responsables de ce qui s'est passé autrefois. L'amitié Franco-Allemande est chère à mon coeur, je vais en Allemagne depuis que je suis toute petite et je m'occupe d'un comité de jumelage au service des amitiés entre ces deux pays.
Ce vendredi 11 novembre, je serai près du Monument aux Morts, pour penser à tous ceux dont la vie a été fracassée, quand ils n'avaient rien demandé, à part être heureux et faire leur vie. Alors, oui, ils avaient, ils ont eu le sens de la patrie et le sens du sacrifice, mais que de vies foudroyées, que de papas qui ne sont pas rentrés, que de fiancés qui n'ont pas revu la lumière de l'Amour.
8
11
10
2
Défi
muriel Maubec

Pointe de douleur dans la poitrine
Un flot de larmes qui s'agglutinent
Derrière les portes du quotidien,
Les portes closes du "tout va bien"

J'ai oublié encore une fois
Que j'avais mal, que j'avais froid
Sans toi, sans tes bras, sans ton sourire
Et tout ce qu'il nous restait à découvrir...

Petite douleur, petite pointe qui brûle
Un spasme, des crises qui s'accumulent
Et enfin les larmes qui s'écoulent,
Ah quelle était grosse et dense cette boule...

Un triste anniversaire se profile
Mariage conte de fée, qui a cassé le fil ?
Oui on devait vivre, éperdument heureux
Pour toujours, heureux et amoureux

Même en cauchemar, je n'avais pensé
Que nous étions en sursis, idée insensée
Nous n'avons eu droit qu'à une décennie,
C'est trop peu pour deux cœurs si bien unis

L'amour est un anneau, tout rond , tout ciselé
Pas de début, pas de fin, c'est prouvé
Mais le rideau est tombé sur le décor
De notre pièce, notre amour, notre trésor

Plus de jeu, plus de représentation
Extinction des feux, plus de passion
Je suis seule dans la loge minuscule
Entre des costumes et des renoncules...

Les cartes des amis, les vieilles photos
Les souvenirs, tu es sorti trop tôt
Plus là pour me donner la réplique
Plus là pour calmer mes ardeurs colériques

Plus d'accolades, plus de sourires complices
Plus de valses sur un parquet qui glisse
Plus rien, oh si tellement d'images
Figées, exposées sur des pages et des pages

Album coloré, mélodies entraînantes
Un refrain, quelques notes qui me hantent
Une envolée de violons , le pincement d'une corde
Une harmonie solide, jamais de discordes

Oh si, parfois, mais peu, si rares, si infimes
Tout juste un léger changement de rythme
La cordialité, le respect et l'amour
Nous ont tenu écartés des dialogues de sourds

Intelligence du cœur, noblesse de l'âme
Et ta patience, qui m'a fait devenir femme
Je garderai longtemps en moi ton souvenir
Même à l'aube d'un tout nouvel avenir

Parce qu'on n'oublie pas radicalement
Le premier flamboiement de ses 15 ans
Je ne sais de quoi sera fait demain
Qui la vie mettra sur mon chemin

Mais il y aura toujours dans ma chair
La trace de ce magique coup d'éclair
Et puis ton nom qui m'a été donné à vie
En ce jour d’août où je t'ai dit oui

Ce oui que je n'ai cessé d'attendre
Quand j'étais encore dans mes années tendres
Je reste ainsi liée à ce que tu as été
C'est la preuve que tu as bien existé

Tout a basculé si tragiquement
Que je me demande si tu étais réel, vraiment
Ce 12 août, je serai épouse en solo
Avec pour compagnons quelques sanglots

On est loin des ballons et des bougies
Encore une fois, je serai seule dans mon lit
Avec un cœur débordant de baisers à offrir
Et un corps lassé de tant souffrir

Petite douleur qui s'appelle l'absence
Manque d'amour, cruel appétit des sens
Envie d'aimer, envie de donner, envie de recevoir
Ouvrir les vannes du cœur, purger le réservoir

Et refaire le plein de sensations
Sentir à nouveau le vent de la passion
Tomber amoureuse, avoir droit à l'espoir
Sans te trahir, sans effacer notre histoire

Ce que tu m'as donné, je le porte dans mon sein
Ça se voit sur moi, ça se lit dans mes desseins
Ça se verra dans ce que je deviendrai
Tu m'as aidé à grandir, jamais je n'oublierai

Et puis que dire de nos trois enfants chéris
Trois bourgeons magnifiques, remplis de ta vie
Chacun porteur de ce que tu as été
Prêts à marcher sur tes traces éclairées

Par l'éclat de ton sourire lumineux
Moi leur maman, je serai toujours là pour eux
5
19
10
3
Défi
muriel Maubec

Je repense à ce lundi, premier d'une nouvelle année. Un lundi gris, glacé où une voix, toute aussi froide et dénuée d'espoir , m'a annoncé que mon mari, hospitalisé, allait être intubé à nouveau et qu"Il ne reviendrait probablement pas". Je me souviens avoir reformulé ce message en disant : "vous êtes en train de me dire qu'à la fin de semaine, je n'aurai plus de mari !" Ce à quoi on m'a répondu "c'est tout au plus une question de jours ou d'heures". J'ai eu la sensation de me prendre le toit de l'hôpital sur la tête. 15 ans après, je suis encore saisie par le choc de cette annonce.
On m'a demandé si je voulais passer un coup de fil, j'ai prévenu mes parents, pour leur dire que Yves allait mourir et qu'il fallait aller chercher les enfants à l'école. La plus petite était avec moi, du petit haut de ses deux ans tout frais. Je voulais que les enfants voient leur papa une dernière fois pour leur dire "adieu".
Le lundi après-midi, ils l'ont vu, il était endormi, inconscient, traité par la morphine pour soulager ses souffrances.
Je suis restée un peu à ses côtés, pour lui caresser la joue. J'avais vu qu'on lui avait retiré son alliance, elle était posée sur la table, à côté de lui. Cela m'a déplu mais je n'ai rien dit. Peut-être qu'avec les soins, ce n'était pas pratique.
J'ai dit au revoir à l'homme de ma vie, je lui ai dit "si c'est trop douloureux pour toi, je t'autorise à t'en aller". J'ai remercié les infirmières et je suis partie. Je ne voulais pas, je ne pouvais pas rester à côté de lui. Inconscient, il n'était plus celui qui me souriait, qui me réchauffait de son affection, qui me faisait danser, il était celui qui était en train de partir, celui qui était en train de s'éteindre et c'était tellement douloureux pour moi, tellement inacceptable.
Je suis partie souper avec mes enfants. Des amis musiciens étaient passés le voir, ils sont restés avec lui. Est-ce que je regrette de n'être pas restée près de lui pour l'accompagner dans le passage ? Non. Je sais que je n'en étais pas capable, je ne voulais pas qu'il me quitte et je me suis réfugiée dans l'amour de nos enfants, je me suis endormie près d'eux. Je sais qu'il ne m'en veut pas et je ne me sens pas coupable. Je ne pouvais pas accepter l'idée d'assister à son dernier souffle, c'était au-dessus de mes forces.
J'ai reçu un appel, tôt le matin, vers 8h00, qui m'annonçait qu'il s'était en allé vers 23h00. J'ai raccroché puis j'ai téléphoné à son frère pour le prévenir.
Quand je l'ai revu, il était vêtu de sa chemise blanche, de son gilet noir, de son pantalon, si élégant, si souriant. Les enfants ont embrassé tant de fois leur papa, qui n'a jamais paru ni froid ni figé. Il était juste posé là, immobile, il ne dansait plus.
C'était la dernière chose que j'avais besoin de poser par écrit. Non, je ne regrette pas. Je n'ai pas pu rester à ses côtés, je n'ai pas pu le voir expirer. Il était mon mari, mon prince danseur, il était l'amour de ma vie. Il reste mon mari, mon prince danseur, il reste l'amour de ma vie. Il a fait de ma vie un conte de danse, une valse enchantée, un chemin à trois temps.
12
22
0
3
Défi
muriel Maubec

À la petite fille que tu es parfois
À ta frange blond-cendré sur ton front sérieux
À tes réflexions sur la morale et la foi
À ce voile triste qui passe dans tes yeux

He, tu veux que je te dise; petite fille
Les papas de cinéma ne sont que du vent
Au delà des caméras, ils ont une famille
Différente de ce qu'ils affichent à l'écran

J'ai bien compris qu'au-delà de mon personnage
Tu recherches ce dont tu as toujours manqué
Malgré les ans qui te font prendre de l'âge
Tu me vois en papa; je l'ai bien remarqué

Aujourd'hui tu as un défi à relever
Un challenge de femme; un défi de maman
Comme moi, tu as trois enfants à élever
Tu seras avec eux; tendrement, fermement

Mais, tu sais que tu dois regarder vers demain
En emportant comme bagage tes fêlures
Et n'attends pas de me croiser sur ton chemin
Tu ajouterais du chagrin à tes blessures

Tu dois accepter d'avoir eu cet imparfait
Père fantôme, pudique, qui se taisait.

J'en suis où depuis que j'ai écrit ce poème, il y a bientôt 15 ans ?
J'ai relevé ce défi, j'ai accompagné mes enfants sur le chemin du deuil et j'ai avancé sur le mien, avec le souvenir de mon Prince que j'aime tant. J'ai découvert la psycho-généalogie et comment il était possible de dénouer des mémoires douloureuses, afin d'éviter que des grumeaux d'émotions gelées ne viennent enrayer la mécanique précise du quotidien. Je sais maintenant que nous héritons de certains « maux », de certains traumatismes et je fais de mon mieux pour élaguer dans l’arbre, afin que la lumière passe au travers des branches pour réchauffer les bourgeons.
Je me suis apaisé, je sens la douceur dans mon cœur, je sens la sérénité dans mon esprit ; je sais ce que je vaux, et je sais comment mettre des « mots » sur les « maux » pour désamorcer les troubles et les émois douloureux.
Je connais la force de la parole pour encourager les enfants, les aider à grandir, j’ai pu me rendre compte à quel point un sourire face aux gens pouvait tout changer et illuminer un jour un peu gris.
Je n’ai pas de baguette magique, je ne sais pas comment arrêter la bêtise humaine, ni redonner le sens du bon sens à ceux qui ont perdu la bonne direction, mais je continue de croire en l’Humain, je continue de croire que des belles choses sont en train de se passer, même si on voudrait nous faire croire que le gris et le noir vont gagner.
J’ai cette envie de croire que chacun peut faire un petit quelque chose, cela demande du courage, de l’envie et une bonne dose de sérénité et de confiance.
11
17
2
2
Défi
muriel Maubec

Comment te décrirais-tu en quelques mots ?
==>Souriante, optimiste, littéraire, déterminée
Quel est ton prénom ?
=>Muriel Sylvie
Où es-tu né(e) ?
==>en Haute-Savoie, au pied du Mont-Blanc
Quel est ton passe-temps favori ?
==>Regarder des séries, écrire, jouer de la guitare
As-tu des frères et sœurs ? Si oui, combien ?
==>Un frère aîné
As-tu des animaux de compagnie ?
==>Une adorable petite lapine vient d'emménager dans notre salon.
Quelle est ta couleur préférée ?
==>Le bleu
Qu'est-ce qui te passionne le plus dans la vie ?
==>Penser que ça va aller mieux.
As-tu un plat préféré ?
==>La raclette
Quel est ton film préféré ?
==>Sissi , et les versions télévisées du Bossu, et les adaptations de Pagnol.
Quelle est ta série préférée ?
==>« Desperate Housewives », en ce moment à cause de Mike Delfino, que j'ai découvert dans Danse avec les stars. J'ai aussi beaucoup apprécié "fais pas ci, fais pas ça" et "les enquêtes de Murdoch"
Quelle est ton émission télévisée préférée ?
==>Danse avec les stars, jusqu'à l'élimination de James Denton.
Quel est ton livre préféré ?
==>La série des Agatha Raisin
Quel est ton auteur / autrice préféré(e) ?
==> M.C Beaton et une foule d'autres, incluant Pagnol et la littérature jeunesse.
Quelles sont tes qualités principales ?
==>Je suis souriante, optimiste, passionnée, pacifiste.
Quelles sont tes faiblesses ou tes points à améliorer ?
==>Je suis bordélique.
Quelle est ta devise ou ta citation préférée ?
==> "J'ai appris qu'il ne faut jamais rien regretter. Il faut tenir compte de ses erreurs, mais les regrets ne servent à rien, sinon à t'empêcher d'avancer." Didier Quesne
Préfères-tu le thé ou le café ?
==>La tisane
Comment passes-tu tes week-ends ?
==> Je glandouille, je me repose, je range la maison. Dans cet ordre là.
As-tu des talents cachés ?
==>Je ne cache pas ma voix qui chante, je ne cache pas les textes qui sortent de mon esprit, je ne cache pas mon gâteau au yaourt à la butternut.
Qu'est-ce qui t'inspire dans la vie ?
==> La musique, le sourire des gens et les mots.
Quelle est ta saison préférée ?
==> Je les prends comme elles viennent, celle qui amène la neige apporte aussi de la magie et décore les toits gris de la ville.
Aimes-tu voyager ? Si oui, quelle est ta destination préférée ?
==> J'ai visité un peu l'Europe, j'aimerai aller au Canada.
Quelle est ta chanson préférée ?
==>« Voilà », en ce moment, c'est celle-là. La version de Emma Kok.
Préfères-tu les chiens ou les chats ?
==> J'aime les animaux.
Quelle est la chose la plus précieuse pour toi ?
==>La paix, celle des hommes et celle de l'esprit.
Préfères-tu la montagne ou la mer ?
==> Je suis née à la montagne mais je suis tombée amoureuse de l'océan.
Es-tu plutôt du matin ou du soir ?
==>Je suis comme je peux être à l'instant T.
Aimes-tu cuisiner ? Si oui, quel est ton plat préféré à préparer ?
==>Non, je n'aime pas spécialement cuisiner. Mais j'aime faire le gâteau au yaourt, agrémenté de rhum, de cannelle, de brisures d'amandes et de butternut.
Préfères-tu lire ou regarder des films ?
==>Celà dépend, et je peux faire les deux en même temps, un film comme bruit de fond et un chapitre que je relis.
As-tu des projets personnels ou professionnels dont tu es fier(ère) ?
==>Mon métier d'enseignante et mon investissement pour l'amitié franco-allemande
As-tu des croyances ou des valeurs qui te sont chères ?
==> L'authenticité, l'optimisme, la gentillesse et le respect.
Préfères-tu le sport ou la lecture ?
==>La lecture étant un sport cérébral, je m'en tirerai avec cette pirouette.
Comment te vois-tu dans 10 ans ?
==>Je ne cherche même pas à y penser. Je vis au jour le jour, car je sais que tout peut basculer en un instant.
Quelles sont tes habitudes matinales ?
==>Me lever, boire un coup, allumer l'ordinateur, manger un bout de pain avec du fromage.
Préfères-tu la ville ou la campagne ?
==>Je vis à la ville, après avoir détesté la campagne, j'y reviens par la petite porte et j'apprends à l'apprécier.
Quel est ton parfum de glace préféré ?
==>Pistache
Comment définis-tu le succès ?
==>Un moment où tout se passe bien, avant une nouvelle tempête ou un mot de travers.
As-tu des personnes qui t'inspirent ?
==>Oh oui, une cohorte de professeurs qui sont restés à mes côtés, des artistes.
Préfères-tu sortir avec des amis ou rester à la maison ?
==>Celà dépend des moments, je ne crains pas la solitude, parfois je la trouve relaxante.
As-tu des compétences particulières que peu de gens connaissent ?
==> J'ai l'écoute un peu psychologue.
Quelle est ta plus grande peur ?
==> La peur survient quand je ressens un danger, la peur de ne pas être là pour ceux que j'aime.
Quelle est ta plus grande réussite jusqu'à présent ?
==>Avoir assuré seule l'éducation de mes trois enfants, après le décès de leur papa.
Qu'est-ce qui te rend heureux(se) ?
==>Le sourire des gens, une chanson, un instant de calme pour respirer
Quelles langues parles-tu ?
==>Allemand, anglais et italien, ainsi que le français en langue maternelle.
Quelles sont tes attentes envers l'avenir ?
==>Je voudrais que le bon sens revienne dans l'esprit de certaines personnes.
Préfères-tu l'été ou l'hiver ?
==> Je prends ce qui vient, quand c'est le moment.
Aimes-tu rencontrer de nouvelles personnes ?
==>Oui, il y a tant de gens formidables avec qui échanger.
As-tu des habitudes ou des manies particulières ?
==>Je fais des jeux de mots, je rebondis sur la sonorité des mots.
Quelle est la leçon la plus importante que tu aies apprise dans la vie jusqu'à présent ?
==> Je l'ai vu, je me suis dit « il sera mon mari et le père de mes enfants. Cela est arrivé. Puis la maladie m'a enlevé mon Prince Valseur. Mais je continue de sourire et de penser que la vie est belle et qu'elle vaut le coup d'être vécue.
10
21
2
4
muriel Maubec

Je souris au moment où mes doigts longs et fins se posent sur le clavier. A ma droite, un cadre multi-photos, tu y souris intensément, avec toute l’énergie que tu mettais dans chacun de tes pas, dans chacun de tes gestes.
La douceur de ton sourire danse encore en moi, comme une mélodie harmonieuse et je m’envole vers le souvenir de nos heures heureuses, quand tu me tenais dans tes bras et que nous volions au-dessus des pistes de danses. Cette valse lente qui nous faisait nous sentir si légers, cette valse lente qui emportait notre amour et nos regards croisés. Je me fondais dans tes yeux, je me laissais aller contre toi et nous glissions sur les parquets de bois. C’était si fort, si intense, plus rien n’existait que toi et moi, que la puissance de l’amour que tu me portais et que j’avais pour toi. Cet Amour, je sens à quel point il est toujours aussi fort, aujourd’hui, au-delà de la maladie, au-delà de la Mort qui n’a pas voulu te laisser continuer le chemin avec moi, avec ta famille, avec nos enfants. Tu es une partie de moi, tu es en moi. Ton alliance est glissée à mon doigt, à côté de la mienne. Je sais que c’est un signe fort que je nous envoie, pour l’instant, j’en suis là, je t’aime, tu me manques. Je vois les enfants grandir, je les vois marcher dans tes pas, dans les traces de l’homme formidable que tu continues d’être au travers des souvenirs qu’ils ont de toi, au travers de comment je continue de faire vivre notre histoire d’amour, au travers de ce que nos proches et amis disent de toi.
Certaines fois, ces valses lentes ou envolées me font mal, me font de la peine, elles me rappellent ta disparition, elles me rappellent ces heures merveilleuses qui n’appartenaient qu’à nous, cette magique sensation de ne faire qu’un, elles me rappellent ta douce main posée sur ma taille et le doux regard qui accrochait mes yeux bleus. C’était tellement fort, c’était tellement nous, intensément et si fréquemment. Nous dansions notre vie, nous étions mélodies et harmonies, même dans le plus banal d’un moment du quotidien, nos discussions, les tâches ménagères à la maison, nos instants suspendus avec nos trois enfants.
Tout cela est si vivant en moi, tout cela est si fort dans mon cœur, tout cela est si puissant. C’était nous, en authenticité et en sentiments, cela reste aussi fort aujourd’hui, au-delà de ta cruelle absence et de ce vide immense que tu as laissé dans mon cœur, dans notre vie.
J’ai encore le goût de tes baisers sur mes lèvres, j’ai encore les fragiles effluves de ton parfum sur un mouchoir. Lorsque je le respire, le souvenir de toi enfle et devient présence. La mémoire d’une odeur est tellement intense, ça en devient presque douloureux.
Et cette montée de clarinette sur un morceau de musique, qui me revient aussi en mémoire. Une autre valse, la notre aussi, la plus belle jamais jouée pour nous, pour notre mariage ; une douce envolée de note, les cordes du violon délicatement frottées, et puis le souffle léger de la flûte traversière, comment oublier ces heures somptueuses où nous dansions.
Cette valse, elle fut jouée, douloureusement, le jour où nous t’avons dit adieu, ce samedi matin de janvier, il faisait si froid, dans cette nature glacée et givrée, alors que j’avais caressé ta peau une dernière fois, la peau de ton visage était restée chaude. Ne me demandez pas comment cela était possible, je sais ce que j’ai ressenti à ce moment là. Non, la Mort avait bien été incapable d’éteindre le feu de ton âme, et ta peau en portait encore les traces, traces qui nous ont consolés et qui nous ont donné la certitude que ton Amour était passé en nous et qu’il y resterait, pour nous donner la force d’avancer sans toi, mais avec toi au-dessus de nous. Je t’aime au-delà de ton absence.
3
8
39
3
muriel Maubec

Les enfants étaient sortis en récréation, je finissais de ranger ce qu'on m'avait demandé de ranger. J'avais une petite quinzaine d'années et je faisais mon stage de 3ème à l'école primaire de mon village. Rien n'avait changé, ni les rideaux lourds et épais, ni l'agencement des petites tables en bois, tout était pareil à ce que moi j'avais connu de cette classe dans cette petite école primaire, coincée dans un virage d'une route sinueuse pour aller vers là-haut , vers le Plateau et vers la neige.
Je me dirigeai alors vers le fond de la salle et j'ouvris les portes de placard dans lequel était rangé tout un tas de fournitures : des gommettes, du papier, des crayons, des tampons, un peu de pâte à modeler et quelques livres. Et puis, il y avait ces petits pots ronds, avec un capuchon orange, celui qui cachait une petite spatule. Je pris dans mes mains l'un de ces petits pots et portai jusqu'à mon visage la petite spatule. Cette odeur d'amande déclencha une onde de souvenirs en moi, je ne savais pas, à cette époque, que des odeurs puissent détenir un tel pouvoir d'évocation, bien plus intense qu'une photo ou qu'une musique. C'était un parfum de souvenirs, un panel d'émotions heureuses, patiné de touches légères, d'un voile de quelques minutes fâcheuses ou tristement poignantes. Le souvenir d'une amie en fâcheuse posture, en délicatesse avec la maîtresse, un jour où elle avait fait une bêtise. Le visage d'une autre amie, un tout petit peu plus âgée qui jouait avec moi, à la corde à sauter. Aujourd'hui, qu'est-elle devenue ? Maîtresse d'école comme moi et quand son regard croise le mien, elle sourit. Elle aussi, elle se souvient.
Et puis, récemment, cette autre expérience. Un placard aussi, chez moi, cette fois. J'y avais fourré tout un tas de petites choses et au fond d'une boîte, je trouvai une bouteille. Insignifiante, bleue, dont l'étiquette avait été arrachée. J'appuyai sur le vaporisateur et je recueillis quelques gouttes sur un foulard et je me mis à pleurer, soudainement électrisée par la puissance évocatrice de ce parfum. Celui que portait mon Prince, celui qui volait autour de sa chemise quand nous dansions ensemble. Un parfum dont j'aspergeai le doudou des enfants, afin qu'ils continuent à être rassurés par la présence d'un papa que la maladie avait fauché. Un parfum pour dire tout l'Amour qu'il nous a porté et qu'il continue de nous porter, au-delà du rideau de ciel, vers la quatrième étoile, la plus brillante au Ciel.
Une bouteille précieuse, une odeur qui me rappelle tant de choses, son Amour, son sourire tendre et chaleureux, la puissance de sa présence à nos côtés, son intelligence de coeur, le regard empreint de sagesse qu'il posait sur le monde,
3
10
28
2
Défi
muriel Maubec

A l'instant où mes doigts courent et pianotent sur le clavier de l'ordinateur, je prends une profonde inspiration et je savoure cette sérénité qui est mienne. Cette joie, ce sourire que j'offre à quiconque passe près de moi. Un sourire pour ouvrir des portes et créer la magie d'un échange, un sourire pour aller vers l'autre, un sourire retrouvé après tous ces instants difficiles où ma vie craquelait sous le poids des épreuves.
Je me sens bien.
J'ai deux anges gardiens au-dessus de moi, je sais qu'ils veillent sur moi, ils m'envoient la force dont j'ai besoin les jours où je sens que je vacille. Ils sont là, près de moi, pour m'accompagner sur ce chemin de vie, depuis cet instant où la vie les a forcés à me lâcher la main. Je n'étais pas prête, mais qui l'est ? Qui est prêt à être fracassé ? Qui est prêt à voir se fermer les yeux du prince qu'on a épousé ? Qui est prêt à boire, jusqu'à étouffer, le sirop amer des larmes ? Qui est prêt à ramasser les morceaux de son cœur brisé ? Qui est prêt à voir sous ses yeux la douleur intense de ses enfants à qui on enlève un père ? Personne n'est prêt à ça, et pourtant, ça arrive. Et quand ça arrive, on se sent assommé, on est fracassé, on reçoit la dramatique annonce et on fait face, du mieux qu'on peut.
J'ai fait ça.
J'ai fait de mon mieux, j'ai avancé, j'ai pris sous mon aile, mes trois petits loulous abîmés, et j'ai avancé, petits pas par petits pas, arrosant notre chemin de nos larmes, le fleurissant parfois de nos sourires et de nos petits délires pleins d'hilarité, nos petits moments de vie, alors que nous n'aurions pu ne plus en avoir.
Nous avons avancé.
Nous avons vacillé, souvent, nous avons pleuré, souvent, mais nous avons su y croire, nous avons fait de notre mieux. Nous avons déposé notre peine chez quelques proches, avec l'intense croyance qu'ils allaient nous aider à porter ce fardeau trop lourd pour nous. Partager sa peine, c'est aussi diminuer le poids de ce qu'on a à porter. Je n'ai jamais été seule, j'ai été entourée, bien entourée et j'ai réussi à me relever, j'ai trouvé le courage pour avancer. Je suis tombée et je me suis relevée, avec mes enfants à mes côtés. J'ai gardé intact ce sourire que mon mari aimait tant, j'ai gardé dans mes yeux, la capacité de m'émerveiller de toutes petites choses, j'ai gardé dans mon cœur, la capacité à donner de l'amour, alors qu'on m'avait arraché le mien.
J'avance avec mon coeur encore cicatrisant, j'avance avec dans mon coeur l'intensité de l'amour que mon mari me portait et qu'il continue de me porter.
Je sais maintenant, je sens que des pièces égarées se mettent en place, je sais maintenant, enfin, je crois, comment combiner tout cela : l'amour que je lui porte, le souvenir fort de notre histoire et mon chemin de vie en solo. Je sais que j'avance vers Ailleurs, vers du doux et du bon, peut-être du meilleur, je n'en sais rien, mais j'avance.

6
13
0
2
0