Recueil de nouvelles terrifiantes

Les joues rouges et trempées d’un mélange de sueur et de larmes, Émilien s’éveilla dans un hurlement enroué. Il se redressa en repoussant d’une main tremblante ses draps souillés. Ce n’était pas la première fois depuis le drame qui s’était déroulé il y a un an de cela. Dès lors, le jeune homme de trente-deux ans jonglait entre cauchemars et crises d’angoisses. Parfois, cela le frappait si fort qu’il tombait à terre, imaginant presque ses poumons se déchirer sous la brûlure qu'il ressentait en respirant. Fort heureusement, il était déjà cinq heures du matin, et le soleil allait se lever d’ici peu. Émilien décida donc de se préparer.

  Il vivait dans un immeuble de briques blanches dépravées proche du centre-ville de Londres. Son appartement, un modique studio à peine assez vaste pour une personne, croulait sous d'innombrables antiquités en tout genre. Émilien assouvissait une profonde passion pour les objets anciens, et ne pouvait résister à l'envie d'en chiner un à la moindre occasion. Ce qu'il préférait par-dessus tout, c'était découvrir l'histoire qui se cachait derrière chaque bibelot, si bien qu'avec le temps, son habitation s'était transformée en véritable musée.

 En se mettant debout, Émilien buta contre une chose pointue. Il s'agissait d'un album de photographies qu'il avait feuilleté la veille, en cherchant vainement le sommeil. Il en possédait tellement que ses étagères disparaissaient sous leur nombre. C'est pourquoi il avait dû se résoudre à former d'instables piles un peu partout chez lui.

Le jeune homme s’était dès ses dix ans trouvé une passion pour la photographie. Il ne pouvait s’empêcher de capturer des moments de vie, de les projeter à l’aide de son appareil, un vieux Alpa Reflex à objectif Angénieux et de les partager avec le monde. Il adorait voir l’étincelle de bonheur dans les yeux de ceux qu’il photographiait et qui semblaient reprendre confiance en eux. Il avait alors décidé d’en faire son métier et s'était forger une réputation de photographe de rue. C’était le meilleur moyen de surprendre toute la vie et l’humanité cachée au fin fond des anciennes rues de Londres, qui avaient vu passer tant de visages.

Sans perdre plus de temps, Émilien se munit de son précieux appareil, d’un épais trench et s’engouffra dans l’air vivace de l’automne. Il choisit en ce jour brumeux de flâner dans la rue Wapping Wall, qui possédait un charme ancien. Le photographe était charmé par les jolies couleurs orangées et brûnatres de la saison. Mais alors qu’il passait devant The Prospect of Whitby, un vieux pub à la façade pittoresque et bucolique, il crut reconnaitre la silhouette d’un confrère photographiant le bâtiment. Plus qu’un collègue, le curieux au chapeau melon, démodé depuis de bonnes années, et au veston serré, lui disait quelque chose.

  • J’y crois pas, Stuart ! s’exclama Émilien, incroyablement surpris de retrouver ici un de ses plus proches amis de son ancienne école de photographie.

Ce dernier plissa les yeux, peinant à reconnaitre son ami, avant de les écarquiller de surprise en arrondissant la bouche.

  • Eh bien ! Si je pensais te retrouver là, ça fait un bon bout de temps, commença-t-il de sa grosse voix. Ça fait quoi ? Huit, neuf ans ?

  • Douze ans ! Aller vient, on va aller se boire un coup. On n’a pas mal de choses à se raconter.

Les deux confrères, heureux de se retrouver autour d’un bon café, commencèrent à s’étaler sur leur vie. Cependant, un seul avait l’air de vraiment avoir des choses à dire, et c’était Stuart. Émilien était très surpris de voir à quel point son collègue avait évolué dans le métier.

  • Tu habites donc à New York maintenant ?

  • New York… souffla l’homme, je l’ai adoptée cette ville, ou alors c’est plutôt elle qui m’a adopté. L’air anglais m’emprisonnait trop, j’ai eu besoin de traverser l’océan pour trouver de quoi me rassasier. Il baissa subitement les yeux, l’air mélancolique. En réalité, j’ai passé une phase très dure ici. Je ne trouvais plus l’inspiration, je ne sortais plus, trop occupé à broyer du noir toute la journée. Ma femme ne le supportait plus et m’a posé un ultimatum. J’ai alors pris congé dans un petit village à quelques kilomètres de Londres. Cela m’a fait l’effet d’une bénédiction, je ne pourrai pas t’expliquer, il avait en ce lieu quelque chose de…

  • Magique ? tenta son ami.

  • Non Émilien, vois-tu, tu vas me trouver un peu fou, mais c’était presque de l’ordre du divin. Cette petite ville m’a transformé à jamais. Je n’y suis resté que trois semaines et après ça, je suis rentré à Londres puis ai eu le courage de divorcer avec Marie. J’avais peur de replonger, mais au final, j’ai cru revivre. Suite à cela, j’ai pris le bateau jusqu’à New York et maintenant je suis l’heureux propriétaire d’une galerie d’art.

Émilien était stupéfait de la tournure qu’avait prise l’histoire de son compagnon. Il était perturbé qu’un homme aussi droit que lui puisse croire de telles fantaisies.

  • Mais dis moi, tu ne me parles pas beaucoup de toi ? Ça se passe bien le boulot ? l’interrompît Stuart dans ses réflexions.

  • C’est seulement le village dont tu me parles qui m’intrigue. Tu penses vraiment que c’est ça qui t’a aidé ?

  • Toi, t’as pas l’air d’aller très bien. Écoute, je ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé là-bas mais tout ce que je peux te dire c’est que changer d’air, ça peut être la clé pour changer de vie, réfléchis-y bien.

Les deux amis restèrent discuter encore une bonne partie de la matinée avant de prendre congé l’un de l’autre. L'échange était devenu plus enjoué mais le jeune homme restait perturbé, un boule étrange dans la gorge.

Le soir, en se glissant dans son bain, Émilien pensait encore à cette phrase de son ami. Peut-être qu’il avait besoin de ça au fond ? Et puis, en plus de trouver un peu de paix dans son esprit tourmenté, une graine d’un nouveau projet venait de prendre racine. Un projet artistique basé sur ce retour aux sources ; photographier l’essence de l’homme, la magie de ce village.

HorreurAventureFantastiquechutenouvelleinattendufrissonsfrayeur
Tous droits réservés
6 chapitres de 4 minutes en moyenne
Commencer la lecture

Des milliers d'œuvres vous attendent.

Sur l'Atelier des auteurs, dénichez des pépites littéraires et aidez leurs auteurs à les améliorer grâce à vos commentaires.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0