Recueil
de Maude
Le vent secoue les branches de verveine sous la fenêtre de la chambre ; le parfum citronné caresse la pièce et réveille en douceur son esprit engourdi.
À travers la fine membrane rosée, ses yeux entrevoient mais refusent la faible clarté qui tente de s'immiscer.
Seuls quelques oiseaux troublent le silence en pépiant gaiement avec obstination.
Sa main glisse sur le drap, il aime parcourir la trame inégale du coton délicat qui le protège de la fraîcheur du matin.
Tout à coup, il perçoit sur sa langue la saveur corsée de son prochain café.
Il fait bon. Une légère brise soulève les rideaux, doucement balancés puis reposés avec élégance.
Le temps s'égrène imperturbable, semblant se moquer de tout.
J'ai encore sommeil, j'ai envie de dormir un peu plus...
Dans un tourbillon espiègle, les effluves poivrés emplissent l'espace avant de s'évaporer.
La pâle lueur revient effleurer ses paupières ; discrètement, les rayons du soleil l'invitent à se lever.
Les merles répondent aux étourneaux, les uns sifflant sur leurs perchoirs, les autres criant en traversant le ciel.
La promesse du goût familier d'arabica insiste et taquine agréablement ses papilles.
Il s'étire mais se laisse encore aller à cette douce somnolence.
Les minutes s'échappent dans ce bien-être.
Brusquement, le vent vrombit entre les murs et abandonne aussitôt sa course. Le voile pastel parcouru de minuscules filets courbes est comme transpercé par la lumière du jour qui se fait soudain plus crue et assaille ses pupilles paresseuses. Une pie traverse le jardin en jacassant d'un ton lancinant et nasillard.
Hum… J'ai bien dormi !... Il est peut-être temps que je me lève…
Il se sent bien, formidablement détendu. Sa couche est confortable, la température idéale. L'engourdissement s'atténue peu à peu, il consent à bouger légèrement puis allonge ses bras et ses jambes avec des langueurs de chat.
Il tend la main vers la place à côté de lui, elle est vide.
Tiens, elle est déjà levée !
Alors il daigne ouvrir un œil et découvre sa chambre aux douces couleurs ambrées. La fenêtre est entrouverte sur le jardin.
Tout est calme autour de lui. Son regard se pose sur les meubles familiers, les rideaux sont chahutés par le vent, son cadre est bien là mais… Mais qu'est-ce qui ne va pas ? Quelque chose cloche mais quoi ?...
Alors, il tend l'oreille à l'affût des bruits habituels. Ce sont bien les mêmes sauf que…
Pourquoi je ne l'entends pas ?
Retardant encore le moment de se lever, il hume le parfum de verveine qui a envahi la pièce ; la senteur citronnée provoque malgré lui un soupir de bien-être. Il écoute le vent dont les bourrasques bruyantes secouent le feuillage des arbustes dans l'allée près de sa chambre. Les rideaux se balancent d'un mouvement plein d'élégance.
Attiré par la lumière orangée du jour qui se faufile autour des volets entrouverts, il s'étire à nouveau pour décider ses muscles au mouvement. L'invitation à l'action se fait plus insistante quand il perçoit sur sa langue la saveur sucrée de son petit déjeuner. Les moineaux piaillent en rythme comme un appel dynamique et joyeux.
Une dernière fois, il glisse sa main sur le drap à côté de lui à la recherche de Françoise.
Assis sur le bord de son lit, il masse son front pour chasser l'engourdissement dont il peine à se débarrasser. Après avoir enfilé son pantalon de jogging, il se chausse, tire sur son tee-shirt et parcourt l'espace qui le mène à la porte.
Les doigts sur la poignée, il est pris d'une étrange inquiétude, aussitôt balayée d'un mouvement de tête.
Il remonte le couloir.
Dans la grande pièce de vie, tout est calme, seul le soleil occupe les lieux.
— "Françoise ?"
Elle est déjà partie…
Alors, il passe dans la cuisine et sort machinalement un bol du placard. Sa main hésite à trouver la huche à pain et le beurre dans le frigo. Il secoue la tête pour chasser le brouillard qui le ralentit. L'eau chaude et le café en poudre versés, il ne résiste pas à aspirer bruyamment une gorgée brûlante avant de s'attabler pour avaler sa tartine.
Des impressions confuses errent dans son esprit.
Quel jour sommes-nous ? Qu'est-ce que j'ai foutu hier soir ? Pourquoi Françoise n'est pas là ? Pourquoi j'ai la bouche pâteuse ?
Abandonnant le fond de son breuvage, il traîne les pieds jusqu'au salon et se laisse aller sur le canapé. Les mêmes oiseaux répètent inlassablement leur mélodie cadencée. Il réalise soudain qu'une lumière intense traverse les rideaux.
Mais quelle heure est-il ?
Il tend le cou vers l'horloge de la cuisine.
— "Neuf heures ! Qu'est-ce que je fais là à cette heure ?"
Le réveil n'a pas sonné ?… Il faut que j'avertisse Fabien…
Il cherche son téléphone. Il est sur la table basse. À son appel répond une série de bips.
Zut ! ça ne capte pas !
Il se déplace vers l'entrée et lance à nouveau le numéro. Les mêmes bips obstinés recommencent.
Alors il revient sur ses pas et saisit le fixe. Assis sur le bord d'un fauteuil, il sélectionne le nom de son adjoint. Encore une fois, le destinataire n'est pas joignable.
C'est curieux, aucun téléphone ne fonctionne…
Au moment de se lever, il ressent une certaine paresse dans les jambes qui le fait vaciller, mais surtout l'irrite.
— "C'est incroyable que je me sois réveillé si tard ! Pourquoi Françoise ne m'a pas secoué avant de partir ? En plus, je ne peux joindre personne !"
Il se précipite dans la chambre de Jules et constate qu'elle est vide.
Bien sûr, il est déjà en cours !
Françoise doit être au Restos du Cœur…
Et le chien, où est-il ?
— "Koloc ?" lance-t-il.
Il somnole sans doute sous les arbustes comme d'habitude.
Alors, Alain revient dans la cuisine.
Mais, où est sa gamelle d'eau ? On ne peut pas le laisser sans rien à boire…
Il attrape le récipient en inox, le remplit au robinet et le pose sur le sol.
Vite, il faut que je me prépare !
D'un pas agacé, il rejoint la salle de bains, se déshabille et passe sous la douche qui ne parvient pas à le débarrasser de cette somnolence tenace. Dans sa commode, il s'empare de vêtements propres avec des gestes trop lents.
Pestant contre cet engourdissement, il revient vers son smartphone. Les mêmes bips persistants se font entendre. Le glissant dans sa poche, il enfile son blouson et se dirige vers la porte.
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