VAUGHAN, banlieue de TORONTO, 26 Juin 2026.
J’attends depuis quelques minutes devant la sortie de l’école élémentaire La Fontaine, assis sur le capot de ma voiture. J’ai atterri à Toronto il y a une semaine. Une semaine à préparer cet entretien. Je l’ai appelée il y a deux jours, après quelques recherches pour retrouver son adresse et son numéro de téléphone. Elle a d’abord refusé, puis m’a rappelé à l’hôtel pour me donner rendez-vous aujourd’hui.
Je regarde une dernière fois la photo, referme le carnet vert et observe les personnes qui sortent de l’école. Il fait beau, pas trop chaud, un temps agréable.
Elle a certainement vieilli un peu depuis huit ans, mais je ne devrais pas avoir beaucoup de mal à la reconnaitre.
Une femme brune sort de l’établissement, les cheveux, noirs, lui tombent sur les épaules. Elle n’est pas très grande, très jolie, je dirais même belle. Elle porte un jean et un tee-shirt mauve.
Elle se dirige tout de suite vers moi, les sourcils froncés, l’air un peu agressif. Elle s’arrête à deux mètres de ma voiture de location. Elle ne dit rien et m’observe simplement.
Je me lève, tends la main vers elle. Elle ne la prend pas.
- Que me voulez-vous ?
Le ton est sec, avec un brin de peur.
- Bonjour, je suis Frédéric, journaliste à Terre Perdues. Vous êtes Emmanuelle ?
- Désolée, je ne connais pas. Vous avez été très vague au téléphone. Dites moi ce que vous voulez, je suis pressée.
J’ouvre de nouveau le carnet et en sort la photo que je lui tends.
- Est-ce bien vous ?
Elle palie, vacille un peu sur ses jambes, se reprend.
- Comment avez-vous eu cette photo ?
- C’est une longue histoire, impossible à raconter ici, en bord de route.
- Comment va-t-il ?
- Ca aussi ce sera long à expliquer. Mais sachez qu’il ne vous a jamais oublié, c’est du moins ce que laisse penser ce carnet. Je vous le donne, je pense qu’il vous revient. J’en ai une copie, et j’ai aussi beaucoup de choses à vous dire sur lui. Accepteriez-vous de m’accorder une journée, ou au moins une après-midi ?
Elle prend le carnet, le feuillette rapidement. Elle tremble un peu. Sans lever la tête, elle fait demi-tour et commence à s’éloigner.
- Je vous contact, ne m’appelez pas, ne cherchez pas à me contacter.
Je la regarde s’éloigner, monter dans sa voiture et partir.
Après avoir rejoins mon hôtel, je prends une douche rapide et m’allonge tranquillement sur le lit, repensant à tout ce qui m’a amené ici, au Canada.
Je suis journaliste pour une émission de radio française, Terres Perdues. Je recherche les coins habités les plus perdus de la planète. J’y rencontre la population locale, reste vivre avec eux pendant quelques semaines. Je m’imprègne de leurs coutumes, de leur histoire. Et ensuite, je tente de faire part aux auditeurs de leur vie.