
Bouvaise
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de toujours
Il n'y a pas d'unité de temps dans ces phrases, par l'écriture elles ont soulagées la personne qui les a ressenties dans sa chair. J'ai voulu les enchaîner pour leur donner une unité, individuellement elles ne représentent rien, des bouts de vie comme sont nos existences.
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Image pathétique d’un homme âgé assis sur un muret qui longe le fleuve en contrebas. A bout de bras une laisse pendouille tenant en respect un chien tout aussi fatigué que lui, flageolant sur ces pattes. Ce lien qui les unit s’est emmêlé au travers de l’animal et le vieil homme essaye tant bien que mal par des mouvements réguliers de faire sauter le verrou, mais rien n’y fait, la pauvre bête bouge à peine, n’arrivant pas à faire plus. On se demande qui des deux arrivera à bouger le premier pour sortir de cette situation. L’homme finit pas se pencher un peu, puis après plusieurs tentatives arrive à libérer la chaine des jambes de son compagnon. Je redémarre quittant cette scène qui a eu le mérite de me faire oublier l’attente au feu.
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Je me suis levé plus tôt ce matin. Plusieurs jours que je repousse cette échéance, l’inspiration m’a déserté comme ça sans prévenir. J’avais pourtant toujours réussi à démarrer tous mes romans mais celui-là c’est différent. Peut-être parce qu’il est plus personnel et qu’il tourne en moi depuis des années. Je ne serais pas dire ce qui me bloque, mais il est sûr qu’il ne veut pas être accouché de moi. Je veux trop bien faire, je formule reformule sans cesse sans que cela me convienne et de rage je jette. Eternel insatisfait, dans ces moments-là la raison ne commande plus. Avec le recul je me dis qu’il y avait sans doute des choses à sauver dans ces lignes sacrifiées.
Mais ce n’est plus le moment de tergiverser, c’est le moment de l’action, c’est pour cela que je me suis levé de si bonne heure. Pour être tranquille, être encore dans la nuit qui me protège de son silence. La maison est calme, femme et enfants dorment, c’est le moment de la confrontation, la bataille va avoir lieu entre le stylo et la feuille. D’ailleurs que vais-je choisir, le clavier ou le cahier ? Je me mets en position, range le bureau, compte mes crayons, fait de la place pour être à l’aise. Petites manies, petit rituel qui cache ma panique, retarde l’instant fatidique, pallie mon vide intérieur.
Je dépose la feuille sur le sous-main, la blancheur immaculée du papier comme une neige vierge n’attend que mes traces de skieur pour exister. Je serais le premier, le seul à fouler cette étendue blanche et à y laisser mon empreinte avant que le temps ne la recouvre comme il recouvre toujours et inexorablement tout. Commencez par le personnage, le présenter dans son environnement, comprendre les tourments qui l’assaillent au moment où commence le récit, voilà qui peut être accrocheur me dis-je. Les premiers pas sont fébriles, puis prenant confiance la phrase déroule alors que je n’y croyais plus. Je suis comme un handicapé qui retrouverait l’usage de ces jambes doucement, prudemment. Comme le doute peut être destructeur, cet ami du vide, cet empêcheur d’écrire en rond ne doit plus m’accaparer.
Car je sais où je vais, j’ai tout en moi. Dans ma tête chaque chapitre s’emboîte, je dois me faire confiance. La deuxième phrase arrive presque naturellement, je respire mieux espérant que ce blocage ne sera plus qu’un mauvais souvenir. Je me détends, libérant mon esprit de toutes les pensées extérieur à ma création. J’écris enfin…
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Défi
Je remontais la tête face au miroir, pas très réveillé. Le reflet que j’apercevais semblait différent de celui que je connaissais pourtant si bien. Que se passait-il! Trente ans de moins, des cheveux abondants, plus aucuns cernes. Je passais la main sur ce faciès encore endormi ; qu’il était beau me disais-je. Quelques minutes sous l’eau devraient m’aider à recouvrer mes esprits, à chasser les petits diables qui se jouaient de moi en riant. Ce n’était pas très grave pensais-je. L’eau coulait abondamment sur mes joues, contribuant à m’extraire de cette torpeur matinale. Mes yeux ainsi fermés amenaient un lot d’images rafraichissantes. Celles de l’époque de ce jeune homme que je venais de revoir. Quelle année était-ce ? Un trouble m’envahissait, la porte d’un ancien monde se réouvrait.
La pluie tombe sans discontinuer. Je ne sais pas quelle heure il est, ni quel jour. Je reconnais cette cour ou j’ai passé la fin des années quatre-vingt. Les gouttes perlent sur mon visage, ruissèle le long de mes cheveux et sur ma veste, puis finissent par se perdre sur mes mains. Je suis au milieu de la cour du lycée ou j’entame ma deuxième année. Un beau souvenir. Mes pensées sont confuses, parcellaires. Pourquoi suis-je là ? Je ne ressens étrangement ni le froid ni l’humidité de ce jour pluvieux. J’aperçois au loin les salles éclairées ou les étudiants se plient religieusement à l’écoute. Je devrais être dans l’une d’elle, pas ici sous l’orage. La sonnerie retentit et comme par enchantement la pluie fait place au soleil alors que les portes s’ouvrent en libérant un flot de lycéens enchantés de cette pause.
Qui avait pu arrêter ce robinet ? C’était toi Francis, fils indigne ! Oui je m’énervais, oui je rêvais et alors. A quoi, à hier voilà à quoi. Un nouveau souffle, une bouffé de jeunesse putain comme ça faisait tu bien. C’était à peine croyable mais j’avais eu la sensation d’y être, j’avais vraiment douté. J’avais donc oublié ce que j’étais tant les jours avaient déposés innocemment leurs voiles de sable sur ma vie. Je me devais de repartir immédiatement, par peur d’oublier à nouveau ce passé. On était lundi matin, l’année je ne voulais plus la connaitre, car j’avais été subitement enlevé de cette réalité. Je fermais la porte à clé pour être définitivement tranquille. Une douche me ferais du bien, j’étais trop dégouté d’être revenu. Le jet d’eau sortant du pommeau irriguait mon visage, mon corps. La température était parfaite, je me réchauffais, me détendais. J’essayais les yeux clos de me replonger dans cette délicieuse sensation de l’avant.
Les parapluies envahissent l’espace, remplissent la cour malgré le déluge qui s’amplifie. Le ciel est de nouveau assombrit, c’est à ne rien comprendre. J’ai l’impression de faire des allers-retours avec une autre dimension. Je ne suis plus très sûr de qui je suis. La seule certitude c’est ce lieu que je connais, pourtant aucun de ces jeunes ne m’abordent.
Des cris, des rigolades, des mots viennent frappés mes tempes. Soudain mon regard se fixe, interroge ma mémoire, est-ce bien elle ? Solange mon ange, je la regarde comme si je ne l’avais vu depuis des lustres, mon cœur se soulève, bat à plein. Elle arrive sur moi, m’embrasse m’appelant mon cœur sous la toile qui nous protège des intempéries. Pardon ? Ah oui ! Ça va mieux, pas très grave ce coup à la tête finalement. L’infirmière de l’école dit que je m’en tirerais avec une belle bosse, rassure toi mon amour. Un attroupement autour nous chahute. Ce sont tous les copains qui me disent que Solange est l’origine de ma chute, qu’elle me fatigue trop. On se marre tous. Un bonheur simple dont je prends conscience comme si je revenais de loin et que j’étais heureux de les retrouver. Pourtant ce n’était qu’une petite chute de rien, j’avais perdu conscience quelques secondes pas plus. Vraiment ? Pourquoi avais-je alors la certitude que le voyage avait été plus long et que j’étais dans l’impossibilité d’expliquer sans être immédiatement traité de fou. Encore tout à ces pensées, la pluie de concert avec le tonnerre nous obligent à nous mettre à l’abri. J’ai l’impression qu’il va briser les vitres tant les coups s’enchainent avec violence et fracas.
La porte finissait par cédée sous les coups de pieds. Il découvrait mon corps de père inerte allongé face contre terre, paniquait essayant de me ramener à lui. Plus tard, le médecin lui dit que j’avais fait un AVC, qu’il n’y avait plus rien à faire, que cela avait été foudroyant. Moi je savais ce qui c’était passé, j’avais déserté ce corps pour changer d’espace-temps et cela avait été foutrement foudroyant. J’avais choisi la jeunesse éternelle, saisi la deuxième chance qui se présentait à moi, qui aurait fait différemment. Pardon fils de choisi les premiers jours quand on croit encore que l’éternel est la règle et qu’on ne vit que dans le présent, car le temps file tu sais, et l’on se demande un jour comment il a fait pour se soustraire autant à nos yeux incrédules.
Le médecin lui demanda mon âge car il trouvait l’aspect de mon cadavre incompatible avec ma date de naissance. Il lui donna une photo froissée que je tenais dans ma main lorsqu’ils me transportèrent à l’hôpital. Dessus, il ne reconnut nullement sa mère et le nom que j’avais annoté au dos c’était partiellement effacé au contact de l’eau. D’où pouvait-t-elle venir et qui était cette jeune femme étaient des interrogations qui n’aurait jamais de réponses pour lui, tout comme le fait que j’étais redevenu un jeune homme un beau matin. Francis se regarda dans la glace, on aurait dit moi.. ou bien étais-ce le contraire!
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Etrange livre, qui vous attrape du début à la fin. Qui êtes-vous Pierre Daniel pour engendrer ces pages-là ?
Vaste question, disons un simple mortel, c’est déjà pas mal.
Je reviens à ma question. Le grand public ne vous connait pas.
J’écris depuis toujours, mais j’ai eu longtemps une réticence à faire lire ce que j’écrivais, pas peur de ne pas être compris, peut être aussi par pudeur parce qu’il y avait beaucoup de moi dans tous ces mots. Je sais que cela peut paraître paradoxal pour les lecteurs, mais on n’écrit pas forcément pour les autres, au départ c’est purement un acte d’égoïsme je pense.
Continuez à écrire pour vous ça nous va très bien
Mais vous savez j’ai mis du temps à être égoïste, dans ce cas-là c’était nécessaire. Car sans l’écriture je ne serais pas le même homme, j’aurais peut-être déjà sombré dans la folie.
C’est très intéressant, pouvez-vous nous en dire plus.
Quand je parle de folie, c’est parce que j’ai eu longtemps ce décalage entre mes aspirations et mon quotidien. Mes frustrations prenaient le dessus, m’enfermant dans une sorte de prison. C’est moins vrai maintenant, surtout depuis que le livre à trouvé son public, ça a libéré énormément d’émotions positives.
Ce n’était pas gagné si je peux me permettre. Quel pari, n’était-ce pas un peu risqué comme approche ?
C’est un dialogue avec le lecteur, je voulais qu’il participe en quelque sorte au récit, qu’il ne soit pas seulement contemplatif mais qu’à chaque étape il se questionne, qu’il change sa façon d’aborder l’histoire, qu’il ne se fie pas à sa première idée. Je ne voulais pas qu’il prenne de raccourcis, le chemin le plus facile, mais qu’il finisse par penser tout et son contraire. Finalement qu’il ne sache plus à la fin de ce qui est vrai ou faux, car pour moi plus nous en savons et moins nous comprenons.
Quelles sont vos influences, pourquoi écrivez-vous?
Savez-vous pourquoi vous respirez…pour vivre je suppose ? Eh bien c’est la même chose. Si je n’écris pas je n’existe pas, il n’y a que cela. Il n’y a que l’écriture qui traverse les siècles, les hommes, qui nous projette plus loin que notre passage ici. C’est un peu comme un voyage de l’autre côté du mystère de la vie. Tout m’influence, j’écris sur rien, surtout sur rien. Je n’ai pas vraiment d’auteurs préférés. J’ai beaucoup de lacunes c’est aussi pour cela que je lis dès que possible. Je peux simplement dire que je suis très féru d’histoire.
Qui est ce personnage que vous nommé Lotiff dans votre roman « L’hiver le soleil est plus rare ».
C’est un vagabond, j’ai toujours aimé ces personnages, j’aurais aimé en être un. Peu importe d’où il vienne, où il va, juste compte le temps que vous passez avec lui, ces quelques jours dans votre existence où vous le croisez. Au fond, ce n’est qu’une histoire de rencontre comme souvent. Lotiff c’est quelqu’un de simple, il veut juste vivre des expériences, ne rien garder d’autre que des souvenirs, c’est la seule richesse qu’il veut posséder. Je voulais un face à face avec le lecteur, comme entre deux hommes qui seraient assis autour d’un feu de camp, vous savez comme dans ces vieux westerns qui ne passent plus à la TV. Il faut se forcer à découvrir l’âme du personnage, il n’est pas celui que l’on croit.
C’est votre premier livre, on dit souvent que le premier est autobiographique, est-ce le cas ?
Le premier à être publié, mais de toute façon on parle toujours de soi, consciemment ou non. Je vous dirai juste que j’ai en commun un grand nombre de valeurs avec le personnage, il est une de mes facettes que j’explore ici. C’est un condensé de nombreuses notes que j’ai pu accumuler depuis des années et que j’avais à cœur d’exprimer.
Merci pour ces confidences et vivement votre deuxième roman.
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Je dois tout reconstruire dans ma tête, tout déconstruire avant. Toutes ces idées implantées volontairement ou non, que l’on a pu m’inculquer, que j’ai pu copier ou imiter. Je ne sais plus penser par moi-même, à ce que je veux sans me dire ce qui serait bien, à rester sage alors que je voudrais crier, exploser, tout casser, car il n’y a de réalisation que dans la construction, quand tout est fait il n’y a que la gestion, gérer ce qui existe, ajuster les variables pour garder l’équilibre fragile jusqu’à l’immobilisme.
Alors casser pour refaire mieux, faire différent, pour simplement changer car on change c’est comme ça, par envie parce que l’on a qu’une vie, pour essayer car après tout qu’est-ce que l’on risque d’essayer, ah oui si on se trompait comment ferait-on pour revenir à notre confort, à notre équilibre, à notre gestion ? Et pourquoi devrions-nous vivre dans l’équilibre, pour la paix de notre esprit peut être ? Pour vivre plus longtemps, ça reste à prouver. Vivre c’est le mouvement, c’est l’évolution qui n’est ni bonne ni mauvaise qui est c’est tout.
Et nous essayons de figer cela, par peur du nouveau, parce que l’on a décider que l’on s’arrêtera là, que c’était bien pour s’y installer, que nous avons mis du temps, de l’énergie pour se sentir bien ici et que nous n’avons plus assez de courage pour avancer, pour aller chercher un autre coin, dont rien ne nous dit qu’il serait bien, qu’il serait mieux. Alors pourquoi faire cela, ne peut-on pas seulement profiter de ce que l’on à, de ce que l’on vit ? Oui mais, l’esprit se lasse quand il se prélasse, il se dessèche, il tourne moins, se sent inutile. Car il n’est pas fait pour cela, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense.
Alors tout flinguer, cibler pour commencer, s’entraîner au risque de se foirer, ce n’est pas dans mes habitudes de détruire aussi louable qu’en soit le but. On n’est pas éduqué pour détruire, on n’est pas programmé pour recommencer, c’est pour cela qu’on n’avance pas ou plus parfois. Mais on ne peut tout garder, sa jeunesse et son passé il ne faut plus en rêver, ce ne sont que des belles pensées qui nous cachent la vérité, celle de notre finalité. Alors oui il faut apprendre à mourir chaque jour pour renaitre demain, c’est peut être comme cela qu’on se reconstruit, qu’on se renouvelle sans s’ennuyer, choisir l’éternité plutôt que le bout de son nez.
Je n’ai pas de certitude, je ressens cela au quotidien, quand tout m’agace et que rien ne tient. Les forces de l’habitude m’ont depuis bien longtemps clouée, ligotée au poteau dont je ne suis pourtant pas attachée mais dont je peine à m’éloigner, con que je serais de crever à ses pieds. J’ai des rêves qui se fracassent chaque fois qu’ils passent devant mes yeux parce que je ne sais pas penser que tout peut changer, que tout doit changer, et ils se font piéger, engluer, deviennent fantômes avant de s’effacer.
C’est la lumière de cet éclat qui est dans ma tête, quand mon corps veut bouger et que lui s’entête, gardien de mon planisphère, prisonnier de cette société où accumuler vaut accepter, il ne sait pour l’instant faire sans …
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J’entends les pas qui martèlent le sol, puis monter l’étage ou je suis recroquevillé. Les longues jambes se profilent, fines, chaussées de cuir. Sa présence me coupe le souffle, manque de me faire vaciller. Il fait sombre à l’intérieur, c’est une chance car je connais ces murs. Les pas s’approchent un peu plus, il me faut fuir. Je dévale les escaliers, trébuche, me cogne sur les dernières marches, le sang gicle, ma tête résonne des cris qui me pourchassent. Je sens mon pied entravé, peut être bloqué dans l’un des nombreux trous, mais c’est elle qui me ramène, je suis fini.
Loin de tout, coincé entre la falaise et le bois, la maison d’un autre âge n’abrite personne depuis des lustres. Seul les jeunes comme André la connaissent et y trainent souvent. Mais de nuit, personne ne l’entendra où ne viendra. La pleine lune inonde cette nuit d’automne, témoin involontaire de la pièce qui se joue en dessous.
Je me débats comme un diable, lui laissant ma chaussure. Elle perd l’équilibre à son tour et bascule en arrière. Je me relève cours vers la fenêtre. Mon pied me fait horriblement mal, pas le temps pour la douleur. Je me jette contre la vitre et la brise de tout mon poids pour retomber dans les hautes herbes qui entourent la propriété. Je sens les bourrasques s’engouffrer sous mon blouson, il fait froid. La crosse d’un fusil s’abat sur mon visage, je hurle comme un chien, porte la main sur mon œil sanglant, injurie ma harceleuse. Le coup part immédiatement, éclatant mon genou droit. Je suis à sa merci, je me vois déjà mort.
Le deuxième coup brise le cœur de la nuit. Une fine pluie se met à tomber que le vent chasse de plus en plus fort au fils des minutes. Le silence devient roi dans ce décor de bout du monde, baigné des lueurs de l’astre lunaire.
Le coup fût mortel, son corps gît à côté de moi. Je vois son visage abimé par l’impact et les larmes coulent sur mon visage meurtrit. Comment ai-je réussi à survivre, ma vision se trouble, je sombre. Dans cette chambre d’hôpital je souffre le martyr, ma tête me fait mal. Impossible de remettre tous les morceaux du puzzle, de me rappeler comment tout a commencer. On me dit qu’elle s’est suicidée, mais j’étais à sa portée sans défense, pourquoi à t-elle flanchée si près du but. Je sais juste que ce jeu était stupide, elle m’aimait trop pour s’y prêter.
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La langue telle une vague submergea le petit rocher de chair et s’échoua sur le sable blanc, puis s’en allant elle évita le récif pour laisser déferler une nouvelle vague plus forte qui le recouvrit entièrement. Les rouleaux qui se succédaient en frottant l’un contre l’autre ces deux éléments de jouissance annonçaient la marée montante.
Plus bas au niveau de la mer, la chaloupe percée en son centre cherchait un mat ou s’accrocher pour ne pas sombrer. Elle se remplissait progressivement de ce liquide, prête à se laisser dériver, espérant que les vagues près du rocher viendraient la soulever et l’emmener sur les rivages du plaisir. On entendit comme seules les sirènes savent le faire, les sons enchanteurs sortant de sa bouche. Ils se faisaient de plus en plus courts, de plus en plus nombreux, transportant la promesse d’un orage de feu. Ils se faisaient cris à mesure que les vagues œuvraient sur les petites tours pointées vers le ciel.
Les yeux fermés, elle se laissait emporter par les divines sonorités qui caressaient ses oreilles. Les donjons, portes d’entrée de sa citadelle blanche, restaient droits et ferme sous l’attaque de la langue, donnant tout, avant de succomber à l’envahisseur. Derrière, les champs couverts de fleurs blanches, partagés entre désirs et impatience attendaient la pluie déferlante qui inonderait de plaisir ces plaines fertiles à l’amour. La bataille était rude entre les deux corps, chacun voulant profiter de l’autre le plus longtemps, savourer ce moment. Cette langue montait sans cesse au combat, s’accrochant aux parois escarpées des tourelles, pour y voler les trésors qui combleraient son appétit de soldat.
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Une lame de fond m’emporta. En un instant je changeais d’univers, j’étais au cœur de ces montagnes blanches dont on m’avait tant parlé. Ici m’avait-on dit, la neige est comme nulle part ailleurs, tellement douce qu’elle ressemble à du coton.
Sous les nuages de dentelles je me sentais en pleine extase, m’enivrant de la pureté du site. Je m’accrochais à cette paroi, approchant mon visage de la surface pour en respirer le parfum divin. De cette position je pouvais contempler le domaine, en contrebas les courbes descendantes qui menaient aux petites crêtes et au milieu le sillon pentu qui descendait vers la vallée.
La lumière du ciel se reflétait sur les montagnes de chair, éclairant la route à suivre. J’entamais lentement la descente goutant chaque centimètre du manteau neigeux. Sous la fine couche blanche, je sentais la rivière de lave me réchauffer. Les éléments avaient fusionné et la neige perlait maintenant sur les rives de ma bouche. La montagne se mit à vibrer, propageant à tout le corps quelques soubresauts naturels.
Je continuais de suivre ostensiblement le parcours me menant à l’estrade sur lequel la statuette se dressait majestueusement. Je demeurais un instant ainsi, baisant la base du monticule volcanique qui m’invitait au délice. Les frôlements circulaires de ma langue faisaient onduler l’édifice tant convoité.
J’avais hâte d’être rassasié, d’être enivré de son arôme, de le sentir se dégeler sous mon palais. L’escalade s’avéra délicieuse, sentant petit à petit sombrer et fondre le mamelon entre mes lèvres. Je me désaltérais comme si j’avais traversé un désert, puisant à cette source le breuvage dont dépendrait ma survie.
Je sentais ma soif devenir intarissable, il me fallait parvenir sans tarder au deuxième joyau. Je l’observais du coin de l’œil, cambré, attendant résolument son tour, se languissant jalousement. Le voir ainsi aiguisait mon appétit, décuplait mon désir, accroissait mon envie. Je me promettais de le chérir longuement, de l’arracher d’une expiration chaude à ce froid qui le cernait.
Je me jetais sur le sentier vierge, glissant sur le galbe lisse et doux du premier sein puis remonter le second a la saveur tout aussi délectable. Sans attendre, j’embrassais de mille feux la flèche tendu vers le ciel, en léchant les pourtours avant de l’aspirer tout entier. J’aurais voulu m’installer ici, garder près de moi cette tour qui me comblait.
La nuit tombait, protégeant de son voile l’intimité des lieux. Les lignes se mirent à bouger, l’horizon s’inversa me faisant perdre pied et m’enfoncé dans la neige jusqu’aux yeux. J’étais piégé sous la sensuelle poitrine, comme immergé sous une soudaine avalanche blanche. La poudreuse s’infiltrait in sinueusement risquant de m’étouffer, ne trouvant mon salut que dans la poche d’air entre les vallons retournés. Au chaud blottis contre les masses qui chauffaient mes joues, les fontaines d’amour irriguaient mon être de cette jouvence dont elles gardaient le secret. L’overdose qui me guettait depuis un moment eu raison de moi me ramenant ou tout avait commencé… face à ce regard bleuté.
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Mes pas m’ont conduit jusqu’ici, jusque sur ce fil qui sinue et culmine. Il est mon chemin du présent, oscillant entre un peu plus d’un côté, un peu moins de l’autre. Précipices qui dans leurs profondeurs semblables s’attire et se repousse, comme ces vagues qui m’assaillent parfois.
C’est la limite entre ces deux mondes que je connais. Quoique cette position puisse paraitre inconfortable, elle empêche les vents plus bas, porteurs de nos ambivalences de toucher leur cible. C’est de cette place que je peux le plus justement définir l’attachement que je ressens. Équilibre hasardeux de part ce qu’il peut prétendre, sujet à interprétation aussi.
Mais de cette frontière de sentiments qui surplombe les deux versants menant ici, nul autre ne peut l’égaler. Vision sans doute utopique des rapports humains, quel beau dessein néanmoins que de vouloir essayer d’y demeurer.
Car sur cette pointe qui forme le A d’amour et d'amitié, aucunes barrières que les hommes ont érigés n’est encore arrivée.
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Il marchait sur le trottoir se rendant à son travail. C’était le même chemin qu’il empruntait quotidiennement, d’ailleurs il ne prêtait plus guerre d’attention à ce qui l’entourait. Ce matin là, une odeur familière le sortit de sa torpeur. Il leva la tête, une jeune femme approchait. Elle sortait à peine de l’adolescence, son visage était rond et lisse. Plus elle approchait plus le parfum l’envahissait, une senteur qu’il connaissait bien, mais en même temps qu’il n’arrivait pas encore à définir complètement. Ces sens étaient chamboulés, il la trouvait belle. Elle avait dû s’en apercevoir, le regardant maintenant fixement elle aussi. Il ne pouvait décoller ses yeux de son visage, de sa bouche. Elle mâchait découvrant dans ce mouvement léger, des dents délicieusement blanches. Ils se frôlèrent, à ce contact l’arôme de son chewing-gum l’envahit entièrement. Ce goût de fraise lui allait bien pensa-t-il. C’était fini, déjà elle était reparti dans son monde et lui dans le sien. Ces quelques secondes avaient suffit à son bonheur. Il remercia le ciel pour cela, c’était ça la vie pour lui. Après quelques pas, il se retourna machinalement. Il n’y avait personne, comment était ce possible ? Il s’arrêta net, cherchant ses idées, il n’avait pourtant pas rêvé, se mit à douter de sa santé mentale. Ou était-il réellement ? Il ne se souvenait plus quel jour il était. Il reprit sa marche lentement, au loin une jeune fille arrivait.
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Assis sur un banc j’égrainais les dernières heures de ce mardi d’octobre, croyant vivre un de ces jours comme les autres. Je ne savais pourtant pas à quel point celui-ci serait différent pour moi. J’étais venu à tout hasard, au cas où, n’espérant rien et tout à la fois. Un de ces tourments de l’esprit qui vagabonde dans votre tête cherchant une sortie. J’étais encore fatigué de ce contretemps de santé qui m’avait affecté, mais paradoxalement cet intermède d’un mois m’avait donné une force que je n’aurais pas soupçonnée, acquérant un mental d’acier.
Il en découla que notre séparation au cœur de cet été avait tenu dans ces instants un rôle secondaire. Je n’avais rien gardé de toi, ni photo ni numéro de téléphone. J’avais tout jeté par rage, pour oublier, pour ne plus être tenté et je m’en étais bien sortit jusqu’à présent. Mais aujourd’hui, avant de reprendre le travail, j’étais venu ici pour essayer de te voir, de t’apercevoir plutôt. Je souhaitais rester cacher, par peur, par lâcheté ou alors par fierté, tout ça était tellement emmêlé. Tu me manquais sans me manquer et le temps n’avait pas encore tranché.
Je t’attendais depuis cet endroit stratégique. Assis face au bâtiment, je scrutais ton passage, d’assez loin pour ne pas être pris, d’assez près pour te voir parmi la foule. J’étais à peu près sûr que tu passerais par-là, car tu y déposais le courrier de l’entreprise chaque soir avant de rentrer. C’était le seul lieu ou je ne pouvais pas te manquer, mais rien n’était gagné, tu pouvais être en congés, être malade ou avoir changé d’emploi. Et c’est à ce moment que tu arrivas, mes jambes en tremblait et mon souffle fût coupé simplement à ta vue.
J’étais heureux et triste à la fois, de cette proximité et de cet éloignement. Je te suivais du regard le plus longtemps possible, regrettant presque de ne pas pouvoir le faire autrement. Je reconnu ta démarche, ton apparence, tout ce que j’aimais en toi. J’avais envie de me rapprocher, de courir te rattraper mais je ne pouvais pas. J’étais spectateur de ma vie, ne prenant pas parti, regardant comme un abruti. Ces quelques secondes, je les gravais et je sus alors que la magie opérait. Le piège pour toujours s’était refermé sur cet instantané.
Que me reste-t-il maintenant que les années ont passées. De cet amour que j’ai brisé et regretté de l’avoir fait. Suis-je amoureux de l’amour que je te portais ? Suis prisonnier de cette image en cette journée que j’ai sanctifiée ? Balayant les mauvais côtés qui m’avaient fait douter, je sais à tout jamais que je t’aimais, mais cela seul moi j’en doutais.
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